mercredi, avril 19, 2006

Elle pleurait de perfection. Son journal me l'a dit.

Voici l’histoire d’une personne qui n’avait pas le droit de se plaindre. Cette personne était la seule à pouvoir se considérer complète. En effet, elle peut objectivement affirmer, sans orgueil et sans prétentions, avoir tout réussi, sans mêmes susciter les rires et les moqueries. Je ne vais pas vous dire qu’elle était belle, la perfection avait de loin dépassé ce stade. Je ne vais même pas parler de sa carrière, quand on est si parfait, ce n’est qu’un tout petit détail parmi tant d’autres. Je vais parler du coté cœur, ce sujet qui intéresse tout le monde, aussi bien les enfants plongés dans leurs contes de fées que les machos qui vantent leurs conquêtes. Je vais parler de sa vie de couple, qui a fait beaucoup de jaloux dans les parages, je vais parler de sa relation qui a fait l’objet de tant de paris, et qui a fait gagner ceux qui ont juré qu’elle durerait éternellement- sinon très longtemps. Une histoire d’amour qu’on cherche, qu’on travaille, qu’on espère, qu’on décrit… qu’on craint. L’amour est si beau. Mais comme toute chose belle, il fait peur. Il faut savoir être à la hauteur. Et avoir dans notre tout petit cœur, une place pour un autre… Cet autre qui prend parfois un peu trop de place !




Sa vie compliquée et son emploi de temps très chargé laissaient juste le temps nécessaire d’avoir quelqu’un dans sa vie. Quelqu’un DANS sa vie. On rentre vraiment dans votre vie en amour. On la perturbe parfois. Nos vielles habitudes ne sont pas toujours compatibles avec l’AAAmour. Son ancien mode de vie était oublié, sinon rangé dans cette boite noire si utile (encore une fois : l’Inconscient). Elle ne se rappelait que rarement des soirs ou elles sortaient avec ses copines en boite, rien qu’entres filles, et ou elles dansaient sur le bar jusqu’au petit matin. J’entends déjà vos critiques !! C’était une fille bien, il ne faut pas la juger si rapidement. Disons qu’elle avait bien profité de la vie. C’est tout. Elle avait connu des hommes avant lui. Beaucoup. Plus que vingt. Moins que cent. Beaucoup d’entre eux sont mêmes tombés amoureux d’elle. Elle était jeune, belle, élégante, profonde. Je n’ai pas voulu parler de sa beauté pour assurer la profondeur de ce texte qui se situe au niveau d’un organe responsable de tous les sentiments destructeurs et détaché de tout ce qui est superficiel, mais sa beauté est un fait. Un fait non négligeable qui a contribué – il faut le dire- à sa perfection. Les hommes défilaient dans sa vie, sans la retarder. Elle avait des projets, et ses projets dépassaient leurs horizons. Elle rêvait d’un autre monde, d’autres pays, d’autres cultures. Parfois d’une autre vie. Elle avait atteint, plus tard, la perfection. Ce point ou l’on sait que plus rien ne peut changer pour le meilleur. Ce moment dans notre vie où l’on ne peut que détruire. Ou rester. Plus jamais avancer. C’est vers ce point que l’on dirige nos efforts. Mais il parait qu’une fois arrivé, ça fait mal. Très mal. Elle a donc atteint la perfection. Ce ne fut pas un cadeau du ciel. Si c’est un bonheur, elle l’avait mérité. Elle avait beaucoup travaillé dans sa vie pour atteindre ce stade. Elle était reconnue désormais pour son élégance, sa gentillesse, sa modestie et son succès. Sa plus grande victoire était d’avoir pu trouver du temps et de l’énergie à consacrer à l’amour.


Tout était si parfait. Dîners romantiques, boites et soirées télé. Il était beau, elle était belle, et ensemble ils faisaient rêver. Ils faisaient les boutiques ensemble, et parlaient aussi bien de leur avenir que du passé. Leur passé n’était pas commun, mais de leur avenir ils pouvaient décider. Que vouloir de plus quand on a la santé, l’amour et qu’on peut choisir- éventuellement- la famille. Que demander quand on a exactement ce qu’il faut pour être deux. C’est une très belle histoire à raconter. Mais on comprend mal pourquoi ses héros sont révoltés. A entendre, cette histoire dessine un sourire sur les lèvres, fait briller les yeux et battre le cœur. A vivre, il parait que c’est dangereux. Elle n’a pas accepté d’en dire plus. Quand on est parfait, on ne dit que le juste nécessaire. La perfection n’englobe pas le bavardage. Elle savait donc être discrète. Sa vie était bien meublée, et ses meubles bien disposés. Mais on m’a dit qu’on l’a vue pleurer.


Je n’ai pas compris comment, plongé dans la perfection, on pouvait ressentir du chagrin. Et comment on pouvait pleurer. De joie me dit-on. Mais ce n’est pas possible. Car être parfait suppose même être stoïque, ce qui veut dire que les faiblesses, positives soient-elles, ne sont pas possibles. De tristesse ? Ce ne serait pas la perfection. La perfection était donc, par élimination, une source de chagrins. J’ai trouvé dans son jardin, un journal intime. Je l’ai ouvert en cachette. Et oui... je ne suis pas parfaite. Et curieuse comme pas possible. Mes mains tremblaient de maladresse. Je suis tombée sur une page, qui justifiait son chagrin. Je l’ai recopiée avec hâte pour pouvoir vous la raconter.




« Cher journal,

Je rentre chez moi comme tous les soirs, après avoir réussi ma journée.
J’ai été applaudie au travail, et j’ai trouvé le bus qui me convenait,
Je rentre chez moi à la même heure, sachant que chez moi on m’attend,
Mon amour sera rentré, et il m’attendra impatiemment.
Je lui raconterai ma journée, et je lui dirai que je l’aime,
Que depuis qu’il est là, ma vie n’est plus la même,
Je lui ferai des promesses, et j’écouterai ses mots doux,
Il me dira que je suis sa princesse et que de moi il devient fou.
Ma soirée ressemblera à toutes celles,
Qui avant ce soir me rendaient la vie belle,
Je suis atteinte de la perfection,
Et je me plains de cette solution.
La perfection est sans doute un vice,
Qui fait de moi une personne malade d’ennui,
Car mon cas est grave cher ami,
Puisque ma volonté est sa complice.
Ensemble elles envahissent mes nuits,
Ensemble, elles harmonisent mes jours,
L’erreur, la bêtise et la folie,
M’ont abandonnée pour toujours.
Et je pleure ma vie,
Et je pleure mon paradis,
Comme on rit de ses faiblesses,
Comme on se moque de son ivresse
. »






Je refermai son cahier en silence, et je retrouvai ma vie perturbée. Ce soir, je la regardai d’un air différent et la remerciai d’être si désordonnée. Je l’interdis de se faire belle, elle me convenait parfaitement comme elle était. Je la défendis de devenir raisonnable, sa folie m’attirait. Je regrettai au fond de moi, la vie de cette personne si parfaite. Décidément, qui aurait cru avant ce soir-là que la perfection pouvait causer des ennuis ? Je tacherai dans le futur, pour ne pas changer mes habitudes, de chercher ennuis et problèmes afin d’éliminer toute possibilité de pleurer de perfection. Mon journal n’aura pas à me consoler. Je vous le jure, jamais parfaite je ne serai.

1 commentaire:

~Chris~ a dit…

on apprecie les gens pour leurs qualités... mais on les aimes pour leur defauts...
la perfection est loin d'etre un but, sauf pour le pauvre here qui ne vit que pour lui meme...