
62 jours… Je me réveille tous les jours avec un enthousiasme renouvelé. Tous les matins, je barre un jour de plus. Un jour de plus qui me sépare de mon retour chez moi, a Beyrouth, au Liban. Et ma voisine, libanaise, fait pareil. Moi je barre. Elle, déchire la page de chaque mois qui s’écoule… elle la déchire de toutes ces forces. Cette page qui la sépare de son pays adoré. Elle en fait un avion en papier, un petit bateau qu’elle met dans l’eau pour faire jouer son enfant et parfois elle la jette. Et puis elle me dit, toute heureuse et fière du temps qui passe qu’il n’y a plus que trois mois, ou deux, ou six… ca dépend.
On attend. On s’impatiente. Même quand on est heureux la ou on est. Même quand on s’amuse. Même quand on fait la fête. Même quand on construit une carrière prometteuse. Tout ce qu’on vit, on le vit pour venir, un jour, le raconter chez nous… la ou les gens nous écoutent. La ou la famille s’intéresse. La ou nos frères nous manquent et nous regardent le regard fier, ce regard qui fait si chaud au cœur …
Et puis a peine arrivé, on s’adapte plus vite que doucement a un train de vie malsain auquel on était autrefois habitue. Les soirées se succèdent, les verres s’enchainent, les sorties se bousculent et entre jupes trop courtes et verres trop remplis on noie nos esprits et on enterre le réel. On dit que le Liban c’est ca, on dit que les libanais sont tous rassembles sur ce toit magnifique qui donne sur la ville, les montagnes, les rues, la mer… on dit que les libanaises sont celles que l’on voit le soir, trop maquillées, trop arrangées, trop perchées sur des talons trop hauts, trop maniérées, trop superficielles, trop méchantes… dont j’en fais, je l’avoue - en quelque sorte et ca me tue - partie.
Et puis un jour… un jour, même quand on adore le Liban et qu’on est fou de son pays, même quand on a Beyrouth dans le sang et la famille tatouée sur la peau, même quand on adore parler l’arabe, même quand on est tellement fier d’être libanais on réalise que le Liban c’est pas vraiment ca… Et la vie dépasse les sorties inutiles qui se ressemblent tellement chaque soir, que le monde ne se résume pas a un verre d’alcool et aux cigarettes qui brulent, que le vrai ne peut résider dans une boite de nuit, que les anges dorment la nuit, que la sérénité doit se rechercher ailleurs, dans un endroit plus calme, plus pacifique, moins exagéré, moins superficiel, moins excessif… plus authentique.
Ce soir, après deux mois d’exagération, je réalise que je ne me retrouve plus dans ce Liban que j’avais crée, dans ce Liban que je m’étais appropriée… non, le Liban est bien plus que cela. Liban, aujourd’hui, et pour la première fois, je te vois.