jeudi, octobre 18, 2007

Lundi matin

Lundi matin. Je vais en cours très tôt. J’essaie d’avoir la mine de celle qui s’est offert une nuit de huit heures… Je parle fort, je fais des efforts pour marcher droit. Je fais semblant d’être heureuse car je sens que je n’ai pas le droit de ne pas l’être. Je viens de m’offrir un week-end de rêve.
Lundi matin. Et encore une raison pour détester les lundis. J’ai souvent dit « lundi, je commence un régime, lundi je fais du sport, lundi je deviens plus sérieuse, lundi j’assiste à tous les cours, lundi je laisse tomber mes copines fofolles, lundi je dors toute la nuit, lundi, je finis ce livre que je n’ai jamais terminé… » Mais maintenant je me dis aussi « lundi, il sera déjà parti ».
Lundi matin. Oui, je vais en cours. Une résolution bien respectée. Un peu pour masquer un évènement que je voudrais repousser. Je vais en cours. Et je prends note. Je prends note de tout, machinalement, car j’ai très peu dormi et un peu trop réfléchi. J’écris idées, éternuements, soupirs, pauses, articles de lois, références, blagues débiles d’un prof dépassé, réflexions déplacées d’un élève qui en fait trop, principes généraux, règles principales, directives etc etc etc…
Lundi matin. Je sors du cours et je passe te prendre pour aller « là-bas ». Je connais la route mais j’oublie comment s’appelle cet endroit. Et apparemment, toi aussi. Je passe te prendre. Et on y va. Chut… Ne dis pas où. On sait très bien, évidemment. Mais vaut mieux se taire. Car je n’ai pas assez dormi pour prononcer se mot amer.
Aéroport. Tu le dis enfin. Et je te déteste. Tu descends trop vite. On est si nuls quand il s’agit de se dire adieu. Je profite des klaxons vulgaires des voitures derrière pour m’échapper en douce avant que tu ne lises la tristesse de mes yeux et avant que tu ne devines que je vais mal. Oui très mal.. Je crois même t’avoir ordonné de descendre vite pour sauvegarder mon sang froid et pour gagner quelques minutes sèches avant que les larmes me volent ce qui reste de ma fierté.
Lundi matin. Je retourne chez moi. Et je te laisse partir. Je te laisse t’échapper. Je te laisse mettre fin à mon bonheur et réveiller un mode de vie dominant et tellement… ennuyant.
Lundi matin… Je rentre dans mon lit désert déterminée à dormir plusieurs mois. Mais je me réveille vite. Pour étudier, travailler, lire et écrire. Et surtout pour penser à toi.
Aujourd’hui, j’ai pris un café brûlant dans notre centre ville glacial. J’étais seule dans les rues désespérées de la ville. J’attendais l’heure d’un examen que j’ai si peu préparé. Voilà que ma vie reprend le dessus… J’ai bu quelques gorgées trop chaudes et je me suis fait mal intentionnellement pour oublier une douleur plus profonde, plus abstraite et si difficile à localiser.
Parle-moi de ta nuit. As-tu bien dormi ? As-tu promené ta main à côté pour voir si j’y étais ? As-tu pensé à nous ? A nos fous rires ? A nos projets de gosses ? A nos ambitions prétentieuses ?
Lundi matin j’irai en cours… Et je prendrai note de tout : de tes promesses, tes sourires, tes yeux qui brillent et surtout… de notre prochain rendez-vous.

samedi, octobre 13, 2007

Robes, jeans 34 et talons

Bleues, roses, vertes, blanches, beiges, noires et grises… Du coton, du satin, du lin et de la soie. Certaines sont très courtes, d’autres ouvertes dans le dos, certaines sont pudiques et donnent libre cours à l’imagination, d’autres sont criminelles de classicisme, d’autres encore offrent un décolleté plongeant. Toutes sont belles… Et les filles absolument magnifiques. Vendredi soir à Beyrouth, dans une boite populaire sur un toit de la ville, les plus belles robes dansent et se touchent…
Celle que j’ai préférée était en taffetas, sans manches, rouge sang et en boule. Elle dessinait joliment la courbe des hanches de la fille et se terminait en un gros nœud de devant.
Moi j’ai mis une noire classique… Une robe que l’on trouve dans chaque armoire. Il y a des jours où l’on ne sait pas trop quoi choisir. Et le choix le plus sûr reste le noir. On ne peut pas faire faux avec du noir. C’est gagnant gagnant. Et tous les accessoires sont permis. Le rouge, le vert et le jaune sont absorbés par sa profondeur. Une petite robe noire anodine quand on n’a pas envie de trop réfléchir…
Il y a aussi les jeans. Mais pas les jeans que vous connaissez sous leur acceptation habituelle : blue jeans classique, insignifiant, confortable et déformé. Non… Les jeans dont je parle ne s’enfilent qu’après une semaine de famine et une bonne demi heure allongé sur le lit avec l’aide d’une meilleure amie. Car ils sont de taille 34 et ont la capacité de se fermer autour d’une taille 36, 38 et même 40… Ils sont faits pour être portés bien sûr mais aussi pour que l’on reste muettes et immobiles. Car le moindre faux pas et la moindre parole de trop pourraient les faire exploser. Ils affinent les jambes, redressent le cul et bien sûr… compliquent la vie. Quand vous verrez une fille faire des pas de tortue et respirer une fois sur deux vous comprendrez que c’est la faute du jeans…
Robes ou jeans… Peu importent. De beaux corps qui se baladent constituant le décor de la scène et le glamour de la soirée. Robes ou jeans… Mais toujours chaussures à talons. Des talons compensés et des talons aiguilles pour faire balancer les hanches, allonger les jambes et surtout… pleurer les mecs !
Ce sont les filles de Beyrouth. Belles comme sur un podium. Arrangées comme pour aller à un bal. Habillées comme un concours de stylisme. Maquillées comme des tableaux d’art.
Nous les critiquons. Nous nous en moquons. Nous les plaignons. Et nous faisons de même. Car parmi ce cinéma, il est impossible de rester hors du jeu. Les soirées deviennent un lieu de mode où tout est permis, le court, le long, le carré, le coupé, le dénudé… tant que soient évitées les fautes de goût comme une combinaison vulgaire et exagérée.
Dans un monde esthétique où l’on est sinon magnifique du moins très beau, la plus value d’une fille réside ailleurs. Ce plus que l’on cherche se trouve dans ses capacités intellectuelles et sociales.
La vraie beauté dans un douloureux diplôme de polytechnique qui se marie difficilement – mais clairement – avec une si petite robe de soirée, dans une vraie gentillesse débarrassée de toute hypocrisie, dans un succès professionnel à laisser bouche bée toutes les filles-statues, dans une conversation sincère entre deux filles oubliant les mecs et la jalousie, dans un humour a faire pleurer de rire, dans un projet de carrière ambitieux et sans doute réussi, dans une attitude convenable malgré la décadence des lieux, dans une profondeur plus présente que son apparence, dans une vie bien remplie qui ne se résume pas à la folie des nuits, dans un amour pur et stable malgré la volatilité des relations, dans un accomplissement personnel qui fait briller les yeux, détendre le visage et affirmer la démarche…
Bleues, roses, vertes, blanches, beiges, noires et grises… Du coton, du satin, du lin et de la soie. Un jeans 34 qui rend la vie impossible. Des talons qui se cassent parfois. Mais pas que ça. Car certaines filles ont autre chose. Des choses qui ne se fanent pas. Des choses non éphémères. Des choses qu’elles cultivent et qu’elles grandissent…
Des robes certes… Mais aussi plein de choses à faire oublier robes et talons.

mardi, octobre 09, 2007

J’écrirai encore, malgré moi

Je m’ennuyais. On m’avait donné des choses à faire mais les journées étaient longues. Je travaillais. Mais je faisais autre chose aussi : je discutais avec deux stagiaires qui sont devenues mes meilleures amies, je parlais au téléphone avec mon copain, je discutais avec lui sur Internet, je descendais en bas avec les filles pour fumer, manger des macarons de chez Le Nôtre et surtout observer les gens sur le trottoir et se moquer de leurs démarches alors qu’en réalité on les enviait à mort de pouvoir se balader en toute liberté et audace en plein milieu de journée, en plein milieu de Paris alors que nous étions enfermées dans un bureau. On faisait aussi de longues pauses déjeuner en quittant un peu plus tôt et en revenant un peu plus tard… J’ai un peu honte d’avouer qu’elle était souvent suivie d’une pause café.
Aussi, j’écrivais. Tout. Quand je pense que j’ai oublié d’effacer mes écrits de l’ordinateur qu’on avait mis à ma disposition, je rougis de honte, même ayant quitté Paris. Une chose est sûre, on ne me proposera plus jamais un stage dans ce même cabinet. Mais ce n’est pas très grave. J’en trouverai d’autres.
Après quelques semaines de stage, je fus obligée de dévoiler mon site à mes collègues. Je ne pouvais pas prétendre indéfiniment lire une étude analytique sur le code civil quand on pouvait bel et bien voir, par-dessus mon épaule, que le fond est carrément… rose. Et petit à petit, mon site devint la station de départ de chaque journée. J’écrivais, j’expliquais, j’avais droit à des critiques, des suggestions, des questions, des commentaires, des rires, des larmes et des jugements. J’adorais. Et je le dis avec un brin d’arrogance. Savoir que des histoires futiles pouvaient provoquer de telles réactions dans un environnement professionnel et carré ne me laissait pas indifférente. On me conseilla alors d’envoyer mes écrits à des maisons d’édition. Je trouvai l’idée complètement ridicule. Mais je l’accueillis volontiers.
Aujourd’hui, j’ai reçu une première réponse. Les autres vont sans doute suivre et être dans le même sens. La réponse est bien sûr négative. Mais je m’en fous. Il y a quelques années, j’aurai déchiré la lettre et je l’aurais brûlée avant de la jeter. J’aurais pris la précaution d’être à l’abri des regards et si l’on m’avait surprise quand même, j’aurais prétendu avoir brûlé une feuille anodine d’un magazine dépassé pour le plaisir de faire du feu.
J’ai accepte avec un sourire une mauvaise nouvelle que je n’attendais même plus. J’avais oublié avoir envoyé mes écrits et cette lettre de Paris m’a rappelé de beaux moments de ma vie. Elle m’a rappelé des instants de confiance, de détermination, de chance, d’émotions, d’espoir. Elle m’a rappelé que j’ai voulu tenter ma chance alors que je savais que j’en avais peu, elle m’a rappelé que quelque part à Paris, cet été, il y a quelques mois, mes histoires faisaient sourire des avocats qui, au fond de leurs bureaux et entre des dossiers tristes, s’ennuyaient. Mes écrits furent refusés. Ils ne sont pas assez professionnels, peu concentrés, très naïfs et souvent pressés mais je sais que demain soir dans mon lit, comme ce soir et comme tous les soirs de ma vie, entre deux fenêtres ouvertes de mon ordinateur à l’odeur des bonbons et du café, j’écrirai encore, malgré moi.