mardi, février 07, 2012

Libanais, comme moi

La femme libanaise mariée à un ressortissant étranger ne peut, selon la loi libanaise, transmettre la nationalité libanaise à ses enfants.
Un décret libanais datant de 1925, dans son article premier, stipule : « est considéré comme libanais tout enfant né de père libanais ».
La suite de ce même article choque un peu plus : ‘’une femme non libanaise mariée à un libanais peut accorder sa nouvelle nationalité, obtenue automatiquement un an après le mariage, à ses enfants nés d’un précédent mariage avec un non libanais…’’
Les enfants d’un homme et d’une femme, tous les deux non libanais, auraient donc un peu plus de chance d’être octroyés la nationalité libanaise, dans le cas du remariage de la mère avec un homme libanais, que ceux nés d’une mère libanaise mariée à un ressortissant étranger.
En effet , et selon le Droit libanais :
Une mère libanaise peut transmettre sa nationalité à son enfant si celui-ci est né d’une relation hors mariage et de père inconnu ; une femme étrangère mère d’enfants mineurs nés d’un premier mariage avec un père étranger, si elle acquiert la nationalité libanaise en épousant un Libanais, peut alors transmettre sa nationalité à ses enfants mineurs non libanais, à la mort de son époux.

Et pourtant …

Le Liban n’est-il pas Etat membre des Nations Unies ? N’a-t-il pas participé à la rédaction de sa charte ?
Difficile à croire.
Parce que le paragraphe (b) de l’article (13) stipule que l’assemblée générale œuvrera dans le sens de « faciliter pour tous, sans distinction de race, de sexe, de langue ou de religion, la jouissance des droits de l’homme et des libertés fondamentales ». Le paragraphe (c) de l’article (76), insiste sur la nécessité d’« encourager le respect des droits de l’homme et des libertés fondamentales pour tous, sans distinction de race, de sexe, de langue ou de religion ».
La constitution libanaise le dit. Qu’il y a égalité complète entre tous les citoyens libanais (article 7).

Comment interpréter la réalité ? Violation de la constitution ? Ou citoyenneté en fonction du sexe ?

Le Liban n’a-t-il pas signé en 1997 la « Convention internationale pour l’élimination de toutes formes de discrimination contre la femme » ?

Et pourtant, l’article 15, paragraphe 2, de la déclaration universelle des droits de l’homme, stipule que « nul ne peut être arbitrairement privé de sa nationalité ou du droit de changer de nationalité ».
Et le Liban, parait-il, aurait participé à la rédaction de celle-ci.

Et pourtant...

En vertu d’une loi datant de 2003, les égyptiennes mariées à des étrangers ont désormais le droit de donner la nationalité à leurs enfants.
En 2005, au Maroc, dans un discours du Trône datant du 30 Juillet 2005, on entend : « Soucieux de toujours répondre aux préoccupations réelles et aux aspirations légitimes et raisonnables de tous les citoyens - qu'ils résident au Royaume ou à l'étranger -, Nous avons décidé, en Notre qualité de Roi-Commandeur des Croyants (Amir Al-Mouminine), de conférer à l'enfant le droit d'obtenir la nationalité marocaine de sa mère ».
En 2009, les Algériennes sont autorisées à transmettre leur nationalité à leurs enfants après la levée par un décret présidentiel de la réserve sur un article de la Convention de 1979 sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes.

Et pourtant...

En 2009, au Liban, une lueur d’espoir quand on assiste – presque ! – à un revirement de jurisprudence.
En effet, en juin 2009, suite au décès de son mari ressortissant égyptien, Samira Soueidan se voit octroyer le droit de transmettre sa nationalité à trois de ses enfants nés au Liban. La décision fut fondée sur l’article 7 de la Constitution libanaise qui énonce le principe d'égalité devant la loi pour tous les citoyens, hommes et femmes. Le raisonnement du juge (John Azzi) fut le suivant : si une femme étrangère ayant obtenu la nationalité de son mari libanais pouvait la transmettre à ses enfants non libanais nés d’un mariage préalable avec un non libanais, une femme née libanaise devait a fortiori pouvoir la transmettre aussi.
Cependant, le ministre de l’intérieur fait appel à la décision. Et la cour d’appel rejette la demande de Samira.

Et je ne sais si l’on peut critiquer la décision fondée après tout sur le texte libanais. Ne faut-il pas changer ce dernier ?

Si le législateur ne se précipite pas pour le faire, ce serait, selon certains, pour des raisons politiques et d’équilibre confessionnel. Il aurait trouvé dans la violation de ce droit naturel de la femme, une façon d’empêcher la naturalisation des refugiés palestiniens.

Certains diraient qu’un changement de mentalité préalable permettrait une modification du texte. D’autres sont convaincus que le contraire serait plus juste. Un changement du texte d’abord. Et un changement de mentalité précipité, devenu alors obligatoire.

Je suis libanaise. La Loi me déplait. Mais elle ne me dissuadera pas d’épouser l’élu de mon cœur, non libanais. Mes futurs enfants, un jour, ne seront que résidents. Pas citoyens. Ils devront obtenir un visa pour visiter leurs grands parents, on ne peut plus libanais. Ils devront être titulaires d’un permis de séjour. Eventuellement aussi, d’un permis de travail, s’ils décident de rester. Ils n’auront pas accès à une éducation publique gratuite. Ils feront face à des complications administratives, certes. Mais ceci n’empêchera pas qu’ils seront, dans leurs cœurs, âmes et esprits, aussi libanais que moi. Et je ferais tout pour. Croyez-moi.
Ils parleront comme moi. Un arabe qui chante. Entremêlé de quelques mots de francais et d’anglais, naturels, qu’ils ne peuvent empêcher. Ils exigeront la Mlloukhieh le dimanche et un verre d’arak avec leur Kebbeh Nayye. Ils auront le cœur en morceaux quand quelqu’un aura la mauvaise idée d’attaquer en paroles leur Liban adoré. Et n’hésiteront pas à sortir les griffes pour le défendre, surtout quand face-à-face à un étranger. Ils feront du ski à Faraya, danseront à Beyrouth et bronzeront la peau au soleil de Batroun.
Mes enfants, je l’espère, seront des enfants que le Liban aurait aimé avoir. Que le Liban perd à ne pas avoir. Que le Liban aurait… rejetés.
Ils ne voteront pas. Et si un jour au Liban confrontés à des obstacles divers et exagérés, ils seront résignés à abandonner. Ils iront alors là-bas, là ou la Terre accueille plus et meilleur. Ils occuperont des postes importants. Enfin, j’aime à le croire, comme toute mère que je ne suis pas encore… Ils seront aussi titulaires d’un passeport anglais.
Mais rien ne changera… non rien… le fait que leur anglais, parce qu’un peu chanté… sonnera…. Libanais !

vendredi, février 03, 2012

Le front

Son premier fut sur la paume de la main. Rien de plus anodin. Et pourtant, je mentirais si je disais qu’il n’a pas provoqué en moi des désirs transcendant, et de loin, la légèreté de l’acte. Ses yeux, évasifs et errants, presque vides et je ne sais s’il faisait semblant, me rendirent dingue à cet instant, et je ne sus jamais si le film dans ma tête faisait partie du plan, ou si son baiser était totalement innocent.

Le second, j’avoue, que je l’ai exigé. Sur la veine bleutée du poignet. Parce que de Jeanne Moreau, à l’époque, j’étais obsédee. ‘’J’ai la mémoire qui flanche’’ était ma chanson préférée. Et pour l’aimer davantage, j’ai voulu pouvoir m'y identifier, c'est-a-dire la chanter en pensant à lui, ou à l’une de nos soirées. En voiture, je chantonnais ‘’tout entre nous, a commencé, par un très long baiser, sur la veine bleu-tée du poignet, un long baiser sans fin’’ … Je voulais faire en sorte que cette chanson devienne mienne, mais je ne pouvais oublier le fait que c’était une scène fausse, provoquée. Et ma mémoire, là, malheureusement, n’a pas su flancher.

Des baisers sur la bouche, y en a eu plein… Les premiers étaient magiques. Ses baisers sur le dos étaient… comment dire ? Féériques ? Bref.

Je pourrais écrire notre histoire en racontant nos baisers. Les baisers secs sur la joue, pour clore une conversation qu’il jugeait agaçante ou futile, ou même, tout simplement, finie, alors que pour moi, elle ne venait que de commencer. Les baisers sur les cheveux, quand je faisais une remarque que je pensais pertinente. Remarque qui en réalité ne réussissait qu’à lui arracher quelques sons bizarres sans cesse dérivés du rire sarcastique… et un bisou rapide sur ma chevelure sauvage. Comme pour dire, tu es gentille, un peu naïve, mignonne quand même. Je les détestais, ces baisers là.
Y en a eu plein de beaux, de magnifiques, de superbes…

Je ne me souviens plus exactement de chacun. Je me souviens vaguement de l’idée gardée des sentiments alors provoqués et des réactions, de bonheur ou de colère, qui de moi émanaient. Les hauts et les bas étaient délicieux, d’une façon paradoxale peut-être, mais qui fait tout le charme d’une relation.

Tout était beau. Tout. Sauf le dernier baiser. Celui qui a su dire, tendrement, tout ce que je voulais, mais craignait entendre, celui qui a su, avec élégance peut-être, lâcheté sûrement, avec douceur sans doute, avec peur surtout, servir du dernier point, du dernier paragraphe, de la dernière page, du dernier chapitre d’un roman que beaucoup n’auraient lu qu’à moitié.
Ce fut un baiser sur …

jeudi, février 02, 2012

Cerveau Lent

Oisive. Et ceci depuis quelques mois. Cela ne me déplait pas. J’avoue que je savoure… les nuits blanches, les grasses matinées, les rendez-vous en pleine journée, le temps illimité devant la télé, la vie en survêt, les discussions futiles, et l’analyse détaillée du temps qu’il fait. Sauf que mon cerveau devient lent. Et il n’ya rien de plus dangereux qu’un cerveau lent.
Parce que la musique à elle seule peut le manipuler. L’emmener là où il refusait, pendant longtemps, de mettre les pieds. Un film tragique peut le détruire. Et une parole mal placée complètement l’obséder. Le cerveau lent s’évade lors de l’admiration d’un paysage, jusqu’à ne plus voir vagues et océans, mais bien au-delà de l’infini, son propre néant. Le cerveau lent réagit en retard. A défaut d’exercice. Il reçoit les phénomènes extérieurs sans censure, les absorbe sans les digérer, et les mélange sans les filtrer. Ses nuits sont longues et sans émotions. Ses idées vagues et sans précision. Ses rêves fades et sans réelle ambition. Et ses paroles légères, sans préalable sélection. Elles se concrétisent à travers une voix douce et timide, qui en réalité n’est que le résultat d’une nonchalance maladive transformée en réalité.
Mon cerveau lent ne comprend plus la peur, la faiblesse, la tristesse, la blessure. Caché derrières de grands yeux ronds, marrons, et bêtes, il commande à la bouche de redire ces choses qu’il entend sans qu’il ne les pense vraiment. Spectateur d’un monde qui l’indiffère, il ne sait plus ce qui le stimule, ni ce qu’il préfère.
Le cerveau lent devient de plus en plus lent chaque jour. Mais il se sait lent. Alors il garde l’espoir du retour.
Les décisions sont lentes aussi. Elles changent sans cesse en fonction de… quoi ? qui ? il ne sait plus. Enfin… si… peut-être… plus.
Le cerveau lent s’évade, léger comme une plume. Il effleure sable chaud et coquillage, ciel bleu et nuages, Londres, Beyrouth, une pizza, une tarte citron, les maths et les lettres, il se goinfre de tout et de rien, ne connait plus son chemin, préfère l’anesthesie totale à l’effort qui porterait en lui l’espoir de changer de sort.
Le cerveau lent aime la musique. Eva Cassidy surtout. Lana Del Rey. Renault. En ce moment. Il aime les films légers. Les ballades nocturnes. Le vin. Les rencontres familières et sereines. Dormir tard pour s’éteindre vite. Pour s’éteindre complètement. Shut Down.
Il n’aime pas les questions transcendantales. Il déteste l’avenir. Il possède le pouvoir de voyager dans le passé. Il choisit ses moments préférés. Il y reste. Surtout pour dormir. Avec toi.
Mon cerveau est un cerf-volant.

mercredi, février 01, 2012

PC (ce n'est pas un ordinateur)

L’histoire ne s’est pas bien terminée. Elle n’avait pas bien commencé au départ et il n’est pas sûr qu’elle soit réellement finie aujourd’hui. Enfin, surtout pour elle.
Mais elle le sait… qu’il n’est pas fait pour elle. Qu’elle mérite mieux. Plus d’attention. Plus de temps. Et surtout… surtout… l’éventualité, même lointaine, même… éventuelle, d’un avenir. Elle ne l’exigeait pas dans l’immédiat. Elle n’exigeait que le rêve de celui-là. Et toute femme en a le droit.
Elle décide alors de le quitter. Fini. Lui, c’est la passion qu’il veut. Elle, la passion aussi. C’est une passionnée, une folle. Mais de la passion + un tout petit peu de raison aussi… Et quoi de plus normal ? Parce que la passion à elle seule, et au fil des années, détruit. Quand on s’y plonge, c’est souvent par envie et aussi, surtout, par arrogance. Que l’on possède ce pouvoir d’ouvrir une parenthèse et de la fermer. Que tout est contrôlé. Elle avait surestimé ses pouvoirs. Elle avait eu tort. Sa parenthèse, à elle, n’a pas su se refermer. Et il n’y a rien de pire qu’une parenthèse ouverte. ( Essayez.
Elle accepte alors, en se forçant, quelques invitations à diner. Avec des garçons bien qu’aimerait beaucoup sa mère. Des garcons avec qui elle pourrait, si elle le décidait, faire des projets. Ces hommes qui la regarderaient les yeux grand ouverts, beaucoup trop fiers, d’avoir l’occasion de partager, avec elle, la soirée.
Pendant qu’ils remuent leurs lèvres, vantent leurs succès et leurs exploits, elle pense à l’autre, à leurs soirées bêtes et enfantines, à la musique qui les unit, aux verres de vin, aux folies que seul lui sait installer, à ce qu’elle ressent quand elle est avec lui, dans ses bras, dans son regard, et dans sa vie. Elle s’y sent vivante. Tout simplement.
Avec les autres, sa vie semblerait prendre un tournant classique. C’est-à-dire triste. Un destin qu’elle appellerait tragique. Un dessin tout droit, bien souligné. Alors avec l’Autre… rien n’est prévisible. Et c’est ce qui l’avait attirée au départ. Ce plongeon dans le vide. Cet abandon total. Et cette faculté de se moquer, à deux, de la vie…
A peine son diner achevé, sans dessert, sans café, bien précipité, elle l’appelle. Elle appelle son obsession, sa drogue, son plus grand péché. Elle l’appelle sachant que ce serait comme à chaque fois, un moment de pure extase, une évasion là où elle ferait mieux ne plus aller, des rires exagérés mais tellement ressentis, du bonheur à l’état pur, sans artifices. Juste vrai.
Elle irait le voir… parce qu’elle pensera qu’il n’y a que lui pour elle. Qu’il la comprend. Qu’il ne peut peut-être pas lui promettre amour éternel mais qu’il est le seul à lui offrir l’amour conjugué au présent. Elle ira le voir parce qu’elle aura l’impression qu’il est au final, et par comparaison, son prince charmant.
Sauf qu’un prince charmant l’est dans l’absolu. Et jamais par comparaison.
Elle rentrera chez elle triste, dégoûtée, vidée. Elle se dira que voilà c’est fini. Elle effacera son numéro, le bloquera de sa boite à lettres. Elle lui dira aussi de l’oublier. Il n’essayera pas de la convaincre du contraire. Il saura très bien qu’il ya une parenthèse à jamais perdue et plein, plein, de points de suspension… partout ...