samedi, mars 31, 2007

Mon évidence

L’amour. J’ai toujours eu peur de passer à coté. J’ai toujours demandé à ceux qui prétendaient aimer comment détecter l’amour, comment le reconnaître, comment le saisir, comment le conserver. On le confond avec des notions similaires : la tendresse, l’habitude, la pitié, la répétition, la passion, le désir. On essaie de le créer par la combinaison de ces éléments. J’ai toujours réfléchi mes amours. Est-ce que je l’aime vraiment ? Serais-je habituée à lui ? Est-ce ma raison qui parle ou est-ce mon cœur ? Où se situe le cœur ? Mais l’amour ne se crée pas. Il est subi.
Certains choix sont difficiles à prendre. Alors on se fait aider par des indices, des constatations, des présomptions, des déductions, des assimilations et des comparaisons. Mais les meilleurs choix sont ceux que l’ont fait sans la moindre hésitation, les meilleurs sauts sont impulsifs et téméraires, les meilleures réponses sont toujours les premières. Il n’est pas possible de se tromper.
Il y a les raisonnements. Et il y a les évidences. Pour choisir, et à défaut d’une évidence, on essaie souvent de raisonner. Un raisonnement tente de se rapprocher de la réalité, il flirte avec elle, il l’imite, il essaie de la comprendre, il essaie de lui ressembler mais celle-ci reste inaccessible meme s'il s’approche d'elle de trop près quand il se veut pertinent, meme si elle se laisse parfois aller. Une évidence, quant à elle, provoque la réalité. Une évidence s’impose et ne se laisse pas intimider. Une évidence ne laisse aucune place à la réflexion. Une évidence, c’est toi et moi. Je n’ai aucune décision à prendre. Car il me semble que c’est la seule situation envisageable. Depuis que je te connais, je ne comprends plus la vie sans toi. T’avoir dans ma vie me paraît naturel et vital. Parce que tu es mon évidence.

Ce que je sens, ce que je veux

Sentir… Un verbe trop fort peut-être. Moins fort quand on réalise qu’un sentiment négatif est toujours un sentiment. Et que l’amour n’est pas exclusif.
Vouloir… Encore plus énergique. Je veux. Trop dur parfois. Comment savoir ce que je veux ? Moins énergique quand on réalise que ne pas vouloir c’est vouloir quand même ; au moins la négation d’une certaine chose.
Tout le monde sent. Tout le monde veut. Tout le monde ne sent rien parfois. Ou peu. Et tout le monde ne veut pas ; parfois.
J’ai vingt ans. Je sens. Je veux. Je sais ce que je veux. Mais je sais surtout ce que je sens. Je te sens. Et je te veux.

mercredi, mars 28, 2007

L’une de mes deux vérités

C’est un moment étrange qui s’installe. Un de ces moments qui nous obligent à parler pour combler le vide. Alors on commence à poser des questions à la personne en face, rien que pour faire semblant d’être intéressé. On s’efforce à engager une conversation parce que franchement, quand on est deux dans une salle vide et quand on est obligé d’attendre une heure au moins, il n’y a rien d’autre à faire. On fait même semblant d’écouter. On pense à autre chose : à une rencontre, à un examen, à un problème, à une sieste toujours trop chère… Et l’autre continue à parler. La meilleure, c’est quand cette personne décide de parler politique. Comme si son avis avait de l’importance quand par hypothèse la politique ne m’intéresse pas. Lucide, elle remarque que mes paupières se font lourdes et que je m’en fous. Alors elle me pose des questions sur moi. On lui a probablement dit qu’en étant intéressée elle serait intéressante. Mais ce matin, je n’avais même pas envie de parler… Et surtout pas de moi. Mais elle continue. Par devoir. Et me demande ce que je fais dans la vie. Bien sûr, elle parlait des études. Pourtant ma première réponse, celle que j’ai gardé pour moi, racontait mon dernier coup de foudre. J’ai choisi la seconde. Celle qui est moins bien. Et de loin. Je lui ai dit que j’étudiais le droit. Et c’est à ce moment-là que ses yeux ennuyés se firent grands et ronds. C’est à ce moment-là qu’elle montra son étonnement et qu’elle fut réellement intéressée. Je dirais même qu’elle fut amusée par ce que je venais de lui dire. Elle se garda d’exploser de rire mais ses yeux trahissaient son jugement : elle trouvait la scène ironique. Je lui demandai des explications. Elle pensait que j’étais trop douce pour faire du droit. Et que je ne pouvais réussir. Elle pensait que ça ne m’allait pas. Qu’il fallait être dur, blessant, sauvage, fort, impoli. Elle pensait que j'etais trop... blonde? Elle avait une mauvaise conception du Droit. L’heure s’était écoulée. J’entendis mon nom. Je pouvais quitter la salle désormais. Je fis quelques pas mais fis rapidement demi tour. Je lui dis que comme tout le monde… elle ne vit que l’une de mes deux vérités.

lundi, mars 26, 2007

L'émotion… de l’émotion.

« Ecris un texte dans lequel tu parlerais de tes envies », m’a-t-il dit. Et rien que l’idée me réjouit. J’ai envie. Phrase qui choque venant de celle qui n’a jamais envie. Phrase qui choque venant de celle qui croyait, quelques jours plus tôt, avoir perdu ses émotions. L’envie n’est-elle pas l’ultime émotion ? Si aujourd’hui j’ai envie c’est que quelque part elles existent ; mes émotions.
Ecrire sur l’envie. Mais que dire ? Que dire quand les envies sont si difficiles à décrire, que dire quand celles-ci sont changeantes et éphémères, que dire face à cet état de métamorphose qui a nécessité le rejet catégorique de tout sentiment avant d’opter pour des émotions folles et insensées, des émotions qui se marient si peu avec la personne rationnelle que j’essaie d’être. Souvent.
Que dire quand mes émotions retrouvées semblent ridicules car inattendues, que dire quand mes émotions sont si peu crédibles désormais, que dire quand les autres ne croient plus les mots de mon instabilité…
Que dire ? Rien du tout. Enfin, pas grand-chose. J’ai des émotions. Et pas n’importe lesquelles. J’ai les émotions qui choquent, celles qui perturbent le déroulement normal des choses, celles qui sont peu attendues mais trop voulues, les émotions dont je contestais catégoriquement l’existence. Les émotions existent. Les miennes en tout cas. Ne serait-ce que pour quelques jours naïfs et optimistes qui me donnent une raison de vivre et me font perdre la notion du temps. J’ai ces émotions douces et sauvages qui me font autant de bien que de mal. J’ai ces émotions que j’essaie de conserver mais qui menacent à toute seconde de s’envoler. J’ai ces émotions qui refusent l’état de non émotion. Oui, j’ai des émotions. Et j’ai surtout envie d’en avoir. J’ai l’émotion… de l’émotion.

mercredi, mars 21, 2007

Mes emotions

Trop émotive, me disaient-ils. Et ça ressemblait bien à un reproche. Un tout petit rien me faisait pleurer. Un mot maladroit me faisait rougir. Une critique m’empêchait de dormir. Ma vie était conditionnée par les autres. Des autres que j’ai appris à exclure petit à petit… au point de perdre mes émotions.
Entre ces deux états extrêmes une situation intermédiaire pendant laquelle j’ai exploité tout sentiment, toute larme, toute promesse pour réussir mes écrits. J’ai même pensé à provoquer des sensations pour le plaisir d’une nuit solitaire face à mon écran à noircir des pages virtuelles et ressentir alors les vraies… émotions. J’étais donc en quête de sentiments ordinaires pour vivre en écriture l’extraordinaire dans l’espoir de le partager et de le multiplier.
Mais aujourd’hui j’ai perdu mes émotions. J’ai cru les avoir perdues provisoirement mais cet état me semble définitif désormais. Tout écrit est fruit d’un long raisonnement alors qu’avant mes écrits précédaient ma pensée.
J’ai perdu mes émotions et je déteste cet état de stoïcisme qui me rend imperméable. Rien ne me réjouis. Rien ne m’attriste. Rien ne m’inquiète. Rien ne me motive. J’accepte et je refuse alternativement pour être sûre de bien décider une fois de temps en temps car j’ai aussi perdu mon intuition. Je reproduis presque parfaitement mes jours et même mes histoires se ressemblent. Je voudrais écrire mais je ne suis plus inspirée. Et je me demande si je n’exploite pas, aujourd’hui même, cette carence d’émotions pour écrire un texte pauvre en… émotions.

lundi, mars 19, 2007

Disqualifier en... qualifiant

Certaines personnes, les juristes en particulier, adorent… qualifier !!! Cette opération consiste à rattacher un fait ou un contrat à une catégorie bien déterminée pour en faire découler le régime juridique et les effets. Qualifier un contrat c’est donc dire qu’il s’agit d’une vente ou d’un prêt afin de pouvoir appliquer les règles qui lui sont propres. Toutefois, l’imagination des hommes et l’autonomie de la volonté conduisent à conclure des opérations singulières qui ne sont pas prévues par la loi. Un juriste avisé renoncerait à une qualification erronée et se contenterait de déclarer l’originalité du contrat en question et lui donnerait les effets voulus et prévus par les contractants.
Nous adorons aussi, dans la vie quotidienne, qualifier nos relations. En effet, nous veillons, suite à des présentations faites dans un milieu mondain, à rattacher illico au prénom un qualificatif : Daniel, mon cousin, Carol, ma sœur, Charles, mon ex, Gaëlle, ma meilleure amie, Stéphanie, mon ennemie… Comme s’il était nécessaire d’éclaircir le lien et de permettre aux autres d’en faire découler des conséquences. La nature de la relation doit apparemment être définie dès le départ, notifiée et affichée. A défaut d’une telle précision, la nature de celle-ci serait volontairement dissimulée ou déguisée et comme une qualification doit être donnée, celle-ci le sera par une société souvent… mauvaise. Un couple qui nierait le lien amoureux encouragerait les mauvaises langues à y voir une dérogation alors qu'un couple qui se dit amoureux aurait bien accompli son devoir. Mais à force de vouloir qualifier, ne risquons-nous pas, comme les juristes obsédés par l’opération, de disqualifier une relation par hypothèse unique en son genre ?
Utile, certes. Parfois nécessaire, oui. Souvent spontanée, j’approuve. Mais une qualification n’est pas toujours facile à donner. Et dans la complexité des faits, il est souvent plus prudent de l’éviter.
Il ressent quelque chose pour elle. Un p’tit truc qu’il saura faire développer. Parler d’amitié serait lui mentir. Parler d’amour lui semble précoce. Parler d’un coup de foudre serait exagéré. Parler d’un crush lui semble éphémère. Parler d’une relation le ferait fuir. Parler de couple l’étoufferait. Il choisit donc de vivre les choses comme elles viennent, sans leur attacher des mots superflus, sans chercher à en tirer des conséquences, sans promettre un avenir, sans parler d’un présent en commun. Il préfère la singularité du lien et la liberté du mouvement. Il ne veut pas qualifier… Pas encore. Et entre temps, il profite des meilleurs moments. Avant que vienne s’imposer un régime juridique disqualifiant et surtout… étouffant.
S'abstenir de qualifier contribuerait meme a sauver une relation. L'adultere ne serait pas possible sans mariage par exemple, et la relation non definie ferait l'objet d'un combat infini qui aurait pour consequence de sauvegarder une magie croissante et les sensations du premier jour.
Entre lui et moi tantôt de l’amitié, tantôt de l’indifférence, occasionnellement de la passion et parfois même de la haine. Entre nous une relation compliquée et anormale, bizarre et singulière, présente et absente à la fois. Entre lui et moi une relation lunatique que le meilleur des juristes renoncerait à qualifier.

vendredi, mars 16, 2007

Tolerante

Tolérante. Il m’aimait pour cela. Et j’avais seulement 16 ans. Je connaissais à peine la signification de ce mot-là. Et si je l’étais vraiment, si je le comprenais, si je l’acceptais, si je l’accueillais si facilement dans ma vie, c’est que quelque part moi aussi, j’avais besoin de cela : de la tolérance.
Est-ce qu’on est tolérant à 16 ans ? Je ne le pense pas. A 16 ans, on accepte tout. Ou presque. C’est naturel et spontané. C’est altruiste et vrai. Oui, à 16 ans je le voulais. Je le voulais autant qu’aujourd’hui je le refuserais. J’étais catégorique et j’avais les bras ouverts… Exactement comme aujourd’hui je le laisserais tomber. Exactement comme aujourd’hui je critiquerais ses erreurs, rirais de ses expériences, jouerais de sa vie…
Oui, je deviens moins tolérante. Moins tolérante car on m’a appris à me débarrasser de ma tolérance. Elle serait synonyme de vulnérabilité. Elle rimerait avec faiblesse. Elle irait de pair avec fragilité. Et moi je suis bonne élève ; normalement.
La tolérance. Je m’en suis débarrassé complètement. Je refuse tout ce qui est différent, moindre, excessif, déplacé. Je compare à certaines mesures. Et je jette tout ce qui dépasse. Mais des mesures imposées par qui ? Pour qui ? Et selon… quelles mesures ?
Nous pouvons être tolérant sans être con pour autant. Il est possible d’accepter sans se faire marcher sur les pieds. Et il est souvent bien plus intelligent de laisser passer les choses sans grande importance que de les critiquer. C’est en jugeant tout petit détail que l’on perd, souvent, l’essentiel.
Tolérante, je veux être. Parce que quelque part, moi aussi, j’ai besoin de cela : de la tolérance. Tolérante, je veux être, comme à 16 ans. Comme quand j’écoutais, j’acceptais, j’apprenais, je partageais… Et comme quand je passais outre pour mieux avancer. Tolérante je veux être. Je veux ouvrir mes bras comme à 16 ans rien que pour revivre une aussi belle aventure. Je veux accueillir la vie. Parce que je veux surtout qu’elle m’accueille… aussi.

mercredi, mars 14, 2007

Subtile

Subtile fut son entrée dans sa vie. Subtile fut son premier message : un commentaire gentil sur un texte mal écrit.
Subtile fut leur rencontre anodine dans un café de passage, elle qui prétend que c’est sur son chemin, lui qu’il ne sait quoi faire d’une heure perdue.
Subtiles furent leurs premiers messages ; des messages hésitants et timides qui disent tout sans vraiment le dire, qui se contentent tantot d’une blague et tantot d’une allusion. Des messages qui fuient la vérité.
Subtile est la main qui cherche la sienne, qui la touche du bout des doigts sans trop oser la serrer.
Subtile est le regard indiscret qui fixe ses yeux, ce regard qui descend vers sa bouche pour se terminer dans son cou…
Subtile fut sa proposition. Subtile bien que trop agressive : une invitation à tout laisser tomber…
Subtile fut son entrée dans sa vie. Mais bien subtile aussi sera sa sortie.
Subtile, m’a-t-il dit.

jeudi, mars 08, 2007

Infidele, moi?

Cher ami,

Je me sens infidèle. Pourquoi est-ce que je te préfère à lui qui m'a accompagnée pendant toutes ces années, lui que je présente souvent avant moi, lui qui me forme, qui constitue mon identité, lui avec qui j'ai grandi, qui m'a portée.
J'ai honte. Comment avouer cette lourde vérité que j'essaie de dissimuler parfois en essayant de me convaincre que ce n'est qu'un coup de foudre, que ca passera, que tu n'es qu'un amour de vacances, que tu n'es qu'un crush éphémère qui disparaitera avec le premier vent d'hiver, avec ma raison regagnée.
Je suis embarrassée... Ca ne se fait pas. Je me sens mieux entre tes bras. Je parle comme toi, je t'écoute, je te désire, je t'admire, je me perds dans ta beauté, j'essaie d'imiter ton élégance. Serais-je habituée à lui?
Terre avale moi. Serais-je en train de laisser tomber mon ami d'enfance?
Silence.. Je ne dirai rien. Après tout, je n'ai pas de comptes à rendre, et si j'ai envie de me lancer dans cette aventure qui s'avère délicieuse, ce ne sont pas les bonnes moeurs et les valeurs que vous voulez incarnées en moi qui vont m'en empêcher.
Mais le fait de ne rien dire ne soulage pas ma conscience! Arrête de me séduire, arrête d'user de ton charme, ca y est, je t'ai remarquée, laisse moi tranquille.
Paris, serais-je amoureuse de toi?
Liban, mon ami, je suis désolée.
Après tout, ca ne changera pas si je quitte, tu as beaucoup d'amis, tu n'as pas besoin de moi, je suis infidèle, je suis lache, j'ai honte de moi. Tu as besoin d'hommes, tu as besoin de fidèles, de personnes à fort caractère, qui ne te laisseront pas tomber au premier sourire d'un inconnu dragueur, qui sauront qu'après les vacances, tu seras là pour eux. Tu mérites des gens non superficiels, qui restent de marbre face à la magie des couleurs, aux miracles de la musique, à l'harmonie des tableaux de peinture. Moi, je suis faible. Je suis attirée par les violons, touchée par les fleurs, marquée par les fontaines, saoule par la perfection des parcs... Je ne suis pas sérieuse, et mes sentiments maitrisent ma raison, si elle existe. Alors ne m'en veux pas. Un jour, je grandirai. Je reviendrai, c'est promis. Ne me tourne pas le dos! Je ne t'ai jamais menti. Je t'aime. C'est juste que j'ai besoin de partir. Ne t'en fais pas, ce ne sera pas pour longtemps. Tu sais, je n'aime pas le froid. Je reviendrai bronzer, et je te raconterai tout en détails, des yeux d'un étranger, à la douceur d'un chocolat. Je sais que tu ne me croiras pas, tu sais que j'aime exagérer, que j'adore raconter des histoires, que j'ai tendance à m'inventer des vies, parfois même plusieurs par jour, tu sauras en me regardant dans les yeux que j'aime te faire rêver, parce que toi, tu me connais. Mais tu m'écouteras quand même, d'abord pour me faire plaisir, mais ensuite parce que t'aimes bien. Ici, on ne parle que de choses sérieuses, des choses des grandes personnes. On m'a dit que ca s'appelle politique. On m'a dit aussi que c'est elle qui tue les grands Hommes, ceux qui donnaient une si belle image de toi. Tu as déjà entendu ca toi, par hasard? Parcequ'ici on ne te parle pas, on te fait entendre. D'ailleurs je me demande s'ils ont remarqué ta présence. J'aurais voulu t'aider, j'ai toussé quelques fois pour toi, mais j'en ai marre, j'ai besoin de faire un tour sur le chemin de la paix.
Je ne suis pas digne de t'habiter, pas encore.
Pardonne moi.

Sincèrement,Karen.

Publie dans l'orient le jour le jeudi 8 mars 2007

mercredi, mars 07, 2007

Whatever will be, will be

L’avenir, à quoi ressemble-t-il ? Existe-t-il ? Dépend-t-il de moi ? Est-il décidé à l’avance ? Subissons-nous notre destin ? Le construisons-nous ? Autant de questions sans réponses… Car si je connais mon passé, si j’essaie de vivre aussi pleinement que possible mon présent, l’avenir quant à lui reste mystérieux…

Certains disent que l’avenir de chacun de nous est déterminé à l’avance. Et pour pouvoir surmonter un problème, ils se consolent par l’idée que c’est la volonté de Dieu et que « c’est écrit » (Maktub).
D’autres, plus cartésiens, adhèrent à un courant différent, voire opposé. En effet, ils pensent que l’avenir de chacun n’est que le sort qu’il mérite puisqu’il n’est que le reflet, la rémunération (ou la sanction) du passé.
La distinction ci-dessus repose donc sur un critère personnel ; celui de la croyance.

La relation que nous entretenons avec notre avenir dépend aussi, hélas, d’un critère géographique. Oui, géographique. Selon que nous soyons nés en Moyen-Orient ou en Europe par exemple, nous développons une relation de méfiance ou de confiance avec notre avenir. La naissance signerait donc, un peu comme le veut la première des conceptions qui justifie tout par la volonté de Dieu, le destin de chacun.

Un français me donne rendez-vous 4 mois à l’avance fixant le jour, l’endroit… et l’heure. Je ne puis m’empêcher d’esquisser un sourire et d’adopter un air léger sans même prendre la peine de noter ces précisions. Je ne puis m’empêcher de penser qu’il est encore tôt et que nul ne sait ce qu’il adviendra dans 4 mois. Parce que moi, je suis née au Liban.

Nous libanais entretenons une relation de méfiance réciproque avec l’avenir. Nous l’ignorons, nous le snobons, nous le craignons. Nous refusons d’en parler, nous le haïssons d’avance, nous le condamnons ouvertement. Alors qu’ailleurs, l’avenir ressemble un peu au passé et un peu plus au présent. Ailleurs, l’avenir n’est point injuste, rancunier, imprévisible… L’avenir est mérité.

Mais comment connaître à l’avance le futur déroulement des choses ? Il n’est possible de prévoir le lendemain que si nous le préparons. Or quand le changement est provoqué de l’extérieur, il est tout à fait compréhensible qu’il soit surprenant. Alors prenons les choses en main et soyons le moteur du changement… rien que pour mieux connaître l’avenir.

Comparant le Liban aux pays « ennuyants » où tout est connu, prévu, aimé, comparant mon pays où l’on se donne rendez-vous une minute à l’avance pour l’annuler dans la seconde qui suit à ceux où les rendez-vous fixés avant 4 mois sont tout à fait raisonnables, je fredonne une chanson qui me semble bien appropriée : « Que sera, sera, wherever will be will be… ».

dimanche, mars 04, 2007

Paradoxe

C’est un beau collier. Une pièce d’art qui m’a attirée par sa contradiction. On me dit qu’il est fragile. Je le touche. Je l’examine. Il est fait à partir d’une longue chaîne dorée. Je le porte. Il a comme pendentifs un cœur et une tête de mort. Un cœur blanc, serein, sincère ; un cœur très grand. Mais juste au dessus, en plus petit et plus discret, un visage morbide et souriant, ironique et malveillant. C’est le cœur qui attire l’attention. A première vue, on dirait que c’est un bel objet naïf. Mais ensuite, en le fixant un instant, on remarque toute sa signification. Je l’achète. Je l’achète pour la contradiction.
Je me ballade dans l’aéroport exposant mon affaire. Je le laisse tomber contre ma poitrine et accompagner mes mouvements par un balancement tendre et provocant. J’observe les regards pour y déceler une réaction quelconque. Je me demande s’ils aiment, comme moi, les paradoxes. Et je ne puis m’empêcher de me demander auxquels des deux objets je ressemble. Au cœur ? A la tête de mort ? Ou aux deux à la fois ?
Je ressemble au collier en tant que tout, sans doute. Je lui ressemble car comme lui j’ai mes deux vérités. Une face douce et gentille, innocente et sereine, attentionnée et fragile. Et une autre mauvaise et agressive, méfiante et sauvage, animale et égoïste.
Plongée dans mes pensées et fière de cet objet qui me décrit, un objet que je porte tout contre mon cœur comme une carte d’identité, j’oublie le temps, je laisse couler les minutes avant de me rendre compte de mon retard. Il est déjà temps d’embarquer. Je cours. Je suis la dernière. Je m’arrête subitement ; j’ai l’impression d’avoir fait tomber quelque chose. Je m’accroupis et je trouve une pièce de mon collier par terre. J’en ai le cœur brisé. Je ramasse les restes de ma moitié. Elle s’était cassée. La tête de mort avait décidé de m’abandonner.
Je ressemblais au cœur blanc en définitive. Déçue, je m’en vais tout de même, à contre cœur. La moitié de moi continue son chemin. Paradoxe, je ne suis pas. Je suis un objet à couleur unique. Je suis un objet banal apparemment. Si tu savais combien j’aurais préféré être, comme toi, un paradoxe…

Rumeur

Je tourne légèrement la tête pour la poser contre la vitre. Il conduit. Je regarde le paysage qui défile et ferme les yeux à moitié afin que l’image soit suffisamment floue. Floue, comme mes pensées. J’écoute une chanson qu’il choisit et décide de me l’approprier. J’adapte ses mots à ma vie et laisse la musique me ramener dans le passé. Juste au moment où je commençais à bien intégrer mes souvenirs, il change la chanson. Il choisit une musique qui lui ressemble, une musique qui me contredit. J’ai la gorge qui se resserre mais je patiente en espérant qu’il change d’avis. Je ne peux rien lui dire. Nous avons perdu tous les deux l’usage de la parole. Depuis quelque temps, nous l’avons remplacée par des regards agressifs et des gestes brusques. Les larmes, parfois, sont aussi expressives. Il garde la chanson que je déteste. Il hausse le volume comme pour mieux me blesser. Et moi, je pleure de mon coté. La route est encore longue. Je décide de m’y habituer. Je cherche et trouve difficilement dans cette chanson cruelle des notes qui puissent me plaire. Mais il change encore, il change et rechange la musique, pour me forcer à m’installer dans un décor qui se transforme sans cesse et qui fait de moi une infinie étrangère. Je regarde dehors dans l’espoir de pouvoir m’évader. Je souffre en silence et il sait comment me sauver. Nous continuons notre jeu dangereux surtout par égoïsme. Nos idées sont tordues et notre vengeance pathétique. Il accélère comme pour attirer mon attention. Je ne me retourne pas. Même si j’en meurs d’envie. Il accélère encore. Il sait que j’ai peur. Je regarde mon téléphone ; mon échappatoire. Je fais mine d’envoyer un texto. J’écris des mots que je ne comprends même pas. Il me le prend de force. Il essaie de lire ce que j’écris mais c’est incompréhensible. La haine nous dévore tous les deux. On se déteste tout en étant inséparables. En moi, trop d’émotions. Des émotions qu’il me faut évacuer. J’ai besoin de rentrer. Rentrer pour écrire… Mais je suis enfermée dans son jeu. Un jeu malsain qu’on alimente rien que pour confirmer une rumeur qui se propage depuis samedi dernier. Rumeur. Un mot qui me plait. Le nom d’un parfum que j’ai acheté. Une odeur qui gagne de la place comme une rumeur confirmée. Cette rumeur m’obsède. Puis on arrive. Et nos visages se transforment. Nos traits se détendent et nos sourires superbes blessent l’unanimité. Nous sommes accueillis par des amis naïfs qui essaient de décrypter une vérité qui ne se saura jamais. Nos rôles sont très bien joués. Et dans la complicité de la nuit nous jouons le bonheur et l’amour rien que pour susciter la jalousie. Nos mains se touchent, nos regards se font tendres et rêveurs, nos jambes se frôlent sous la table, nos histoires parlent de projets à deux, vacances, ambitions, accomplissements ; bref, tout est parfait. Tout est parfait pour le moment. Tout est parfait… devant les autres. Je m’éclipse un instant, le temps d’ajouter une goutte ou deux… de mon parfum préféré.