mardi, avril 27, 2010

J’aime ca

Quand je pense aux belles choses de la vie, aux beaux paysages, aux fous rires, aux secrets, aux conversations, à un bon verre de vin rouge autour d’un feu, à une nage, à une danse, à un plat fraichement cuisiné, à une promenade, à un voyage, à un beau film, à une course, au concert d’un chanteur apprécié, je ne peux que penser aux personnes que j’aime. A une en particulier. Ou à plusieurs.

Elle avait gagné un voyage. Et elle n’avait personne à emmener. Ayant fraichement rompu avec son fiancé de toujours, elle y a vu une bonne opportunité pour avancer. Ca lui changerait les idées s’était-elle dit. Elle qui est si peu aventurière. Et même pas du tout. Elle voulait s’ouvrir à toutes les éventualités. Aller où son cœur l’emmène. Elle dont le cœur était brisé.

Elle a marche sur paris. Dans ses boulevards. Dans ses rues. Elle a longtemps marché au bord de la Seine. Elle a voulu y plonger. Mais son esprit trop rationnel l’en a empêchée. Et elle s’est détestée pour cela. Elle s’est assise au pieds de la tour Eiffel. Elle s’est sentie trop petite. Elle a été à Montmartre. Une chanteuse bohème chantait “le tourbillon de la vie” de Jeanne Moreau. Elle voulait que le moment s’éternise. Elle commençait à apprécier le printemps… Et l’alcool fait oublier le temps.

Elle a marché et s’est acheté une crêpe au Nutella. S’est assise sur la terrasse du café de Flore en essayant d’imaginer les vrais écrivains d’autrefois qui se retrouvaient pour discuter de leurs mots et de leurs joies, qui vivaient pauvres et puis voilà.

Elle respirait Paris. Elle respirait l’air frais. Elle respirait la vie. Elle respirait ce qu’elle était. Mais une tristesse insurmontable qu’elle essaya en vain de chasser la rappela que tout était moche… Quand on n’a personne à qui dire “j’aime ca”.

dimanche, avril 25, 2010

Les grandes personnes

C’était le premier entretien de ma vie. Il fallait faire un CV. Une feuille banale qui prétend résumer, décrire la personne, en donner une idée, détailler le parcours d’une vie, les expériences professionnelles, les diplômes académiques et les activités sociales. Un bout de papier préférablement sur une seule page qui va pouvoir, ou pas, décrocher un job après s’être battu avec d’autres feuilles en format A3.

Un CV est une création de “grandes personnes“. Celles qui, par un calcul simple et rationnelle des exploits intellectuels, de l’âge, de la réputation de l’école, des langues, vont offrir la chance d’un emploi ou la refuser.

C’était mon premier entretien. Et je n’avais jamais imprimé mon CV. Je l’ai envoyé sous forme électronique. Un banquier comme tous les autres, avec rien de particulier digne d’être mentionné, observait mon bout de papier avec le plus grand sérieux. Révoltée, je lui demande ce qu’il a fait avec le reste de la page et pourquoi la seconde partie de la feuille était vide. Il répond simplement que c’est ainsi qu’il l’avait reçue.

C’est alors que je remarquai que mon CV faisait trois lignes, que deux lignes sur trois parlaient de mes passions, et que la première ligne parlait de mon diplôme en droit. Bien sûr, ca ne suffisait pas. Les passions ne font pas partie du calcul. Elles ne sont pas quantifiables. Et peu utiles pour le travail. Je ne pus m’empêcher de penser au petit prince et a ce passage que je comprends tellement que ca me fait mal:

“Si je vous ai raconté ces détails sur l'astéroïde B 612 et si je vous ai confié son numéro, c'est à cause des grandes personnes. Les grandes personnes aiment les chiffres. Quand vous leur parlez d'un nouvel ami, elles ne vous questionnent jamais sur l'essentiel. Elles ne vous disent jamais: "Quel est le son de sa voix ? Quels sont les jeux qu'il préfère ? Est-ce qu'il collectionne les papillons ?" Elles vous demandent: "Quel âge a-t-il ? Combien a-t-il de frères ? Combien pèse-t-il ? Combien gagne son père ?" Alors seulement elles croient le connaître. Si vous dites aux grandes personnes: "J'ai vu une belle maison en briques roses, avec des géraniums aux fenêtres et des colombes sur le toit..." elles ne parviennent pas à s'imaginer cette maison. Il faut leur dire: "J'ai vu une maison de cent mille francs." Alors elles s'écrient: "Comme c'est joli !" Elles sont comme ça. Il ne faut pas leur en vouloir. Les enfants doivent être très indulgents envers les grandes personnes.“

Alors j’essaie d’être indulgente. Même si je préfère les géraniums, leur couleur, leur parfum et la saison qui les accueille… à cent mille francs. Et jamais les grandes personnes aux enfants.

La vie en parachute

Chute libre. Paysage fantastique. Sensation de liberté. Sentiment de risque. Laisser-aller total. Excès d’adrénalines. Passion pour le danger. Soucis évacués. Perte de contrôle intentionnelle. Amour de l’extrême.

Je n’ai jamais fait du parachute. Je n’ai jamais eu le courage. Et j’ai toujours aimé être en contrôle. Ne dépendre de rien. Tout calculer. Se sentir maitre de son destin. Avoir les pieds bien sur terre. La tete bien devant. Les passions sans risque et peu passionees. Et se demander pourquoi l’on ressent du chagrin?

Faut-il vivre en suivant des directives bien précises qui guident nos actions conformément aux lois de la société, logiques ou pas logiques, rationnelles ou pas, morales ou pas, religieuses ou pas, sympas ou pas? Faut-il les suivre rien que pour être bien intégré, pour être comme les autres, pour avoir la vie facile, pour ne rien regretter?

Ou faut-il vivre en saut de parachute? Se lâcher. Prendre du risque, respirer l’air frais, celui d’en haut, observer la vie des hauteurs, baisser l’œil et la snober, faire des amis parmi les oiseaux, planer aux dessus des nuages et ne voir que le bleu, ne jamais avoir chaud, sentir des sensations magiques, vivre hors la loi… et toucher terre de temps en temps?

Je n’ai jamais fait du parachute. Mais l’idée me plait. Dis-moi, comment c’était?

jeudi, avril 22, 2010

Monsieur M. je te dis tu

Le talent existe toujours. Et peut prendre différente formes, différentes couleurs et différentes intensités. Le talent est soit découvert et développé, soit jamais exploré, soit découvert et ignoré.

J’ai eu la chance de découvrir monsieur M. Un homme exceptionnel qui a découvert son talent. Et qui l’a développé. Un homme qui a pris des risques. Et qui les a assumés. J’ai eu la chance de rencontrer monsieur M., qui a découvert le mien. Et qui m’a poussée à le développer. Écris, me dit-il. Toute pensée. Même banale. Écris toujours n’importe quoi sur un bout de papier. Écris toute petite idée, aussi ridicule soit-elle, aussi inappropriée, aussi bête soit-elle, aussi mal rédigée.

Et j’ai écris. Je n’avais jamais vu monsieur M. Mais notre amitié s’est développée a travers les années. Jusqu’au jour où j’ai demande à le voir. Et il a accepté.

C’Était un Vendredi. Le Vendredi Saint à Beyrouth, deux jours avant Pâques. Les rues étaient vides. Et l’embouteillage me manquait. En fait, je ne voulais pas arriver de si vite. J’avais peur de décevoir ce grand homme qui ne me connaissait qu’à travers mes écrits. J’avais peur de ne rien avoir à dire. J’appréhendais cette rencontre autant que je la voulais. Moi qui avait tout dit. Sans vraiment rien dire.

Monsieur M. était tout ce à quoi je m’attendais. Et plus. Et rien qu’à le regarder, j’avais l’impression de l’avoir toujours eu à mes cotes. Parce qu’il a été, peut-être sans le savoir, la réponse à mes doutes quand j’ai douté de moi. Et de mes histoires. La réponse à mes “si” quand j’ai douté de mes choix. Et la réponses à mes peurs quand j’ai failli perdre mon audace.

Ce Grand Homme me connaissait. Beaucoup si j’ose dire. Parce qu’il a su répondre à ces questions sans que je ne prenne la peine de les exprimer. Ces questions amères que toute fille se pose, en les ignorant parfois, en les disséquant souvent et en les rejetant quelque part de perdu dans la mémoire en espérant qu’elle ne rejaillissent jamais à la surface. Ces questions qui rejaillissent malheureusement toujours. Après chaque naufrage.

Il avait beaucoup à dire. Beaucoup étant ami, père et grand-père. Beaucoup à dire ayant vécu ces choses que j’ai eu le luxe de ne vivre que partiellement, dont le dépaysement, la guerre, les coups de fusils, les coups de cœur, les séparations, les bombes, les dilemmes humanitaires, politiques, journaliers, la vie à Beyrouth loin de sa première passion - ses enfants - mais proche de sa seconde - le journalisme.

J’ai la chance d’avoir Monsieur M. dans ma vie. Monsieur M. qui n’aime pas que je l’appelle Monsieur. Mais que je me retrouve toujours à l’appeler ainsi, à le vouvoyer et avoir honte de ma jeunesse et de ma naïveté. Parce que Monsieur M, excusez-moi de ne pas avoir tenu ma promesse, je vous admire et je vous remercie.

Certaines personnes ont le pouvoir de parler droit au cœur. Sans passer par les tournures de phrases, les non-dits, l’embellissement des mots et des vérités, les tournures hypocrites et inutiles, les politesses exagérées. Monsieur M. m’a dit ce que toute personne doit savoir. Et ce que je ne savais pas. Et je lui dois de transmettre le message. Un message d’un Monsieur qu’on ne peut que admirer.

Monsieur M. m’a dit qu’il faut persister. Qu’un grand écrivain ne commence qu’avec des manuscrits ratés. Et qu’il faut tout mettre sur papier. Monsieur M., tu vois, je le fais.

Il m’a dit de ne pas vouloir tout décider aujourd’hui…. Et de laisser quelques choses se faire par la vie. De laisser le temps s’écouler, de ne pas se faire trop de soucis, de vivre, mais de vivre, mais de vivre vraiment, de suivre son cœur parce que le cerveau est lunatique, de suivre ses envies, ses intuitions, ses ambitions… Et la balance finira toujours, un jour, par pencher.

Monsieur M. m’a dit que la chose la plus importante dans la vie était d’être libre. Libre de ses peurs, de ses culpabilités, libre de ses remords, de ses regrets, libre des obstacles qu’on l’on se pose sans vraiment qu’ils n’aient à exister, libres des limites géographiques et celles de la pensée.

Il a aussi répondu à un de mes plus grands dilemmes. Il m’a confié qu’il faut parfois dans la vie savoir tourner le dos. Le tourner pour voir de l’autre coté. Car on ne regrette jamais ce qu’on a laissé derrière. Mais souvent ce qu’on a pas osé faire.

C., comme tu aimes que je t’appelle, car comme tu dis en l’empruntant à Prévert : “Je dis "tu" à tous ceux que j’aime même si je ne les ai vus qu’une seule fois”, tu as changé ma vie. Et je ne t’ai vu qu’une seule fois.

samedi, avril 10, 2010

Et vous?

Nationalité. Un titre qui se transmet par le sang, le lieu de la naissance, la mère, le père ou la résidence selon les pays. Un titre qui définit nos droits, nos obligations fiscales, électorales et autres, notre vie, nos risques, nos opportunités, nos ambitions, notre existence. Un titre qui dépend de lois écrite par un seul homme ou par plusieurs selon le “développement” des structures politiques. Des lois qui flirtent avec le juste, le logique, l’arbitraire, la démocratie, la dictature, les parlements, l’Histoire.

Résidence. Un fait qui prétend localiser un être en perpétuel mouvement. Une affirmation qui se vante de pouvoir stabiliser un être vivant. Un statut juridique qui voudrait sédentaire un nomade-né ou un gitan qui se fout de frontières créés par des guerres.

Domicile. Une notion un peu plus sentimentale. Une notion imprégnée de gratitude, de souvenirs, de passé, de sang, de grands-parents, de villes, de villages, d’une école d’enfance, de Jounieh, de Shaileh, de Zouk, de Haddad, de Kfarchima, du Liban et de la Palestine. Un certificat d’identité plus réaliste qui sert de référence dans un monde qui s’uniformise et qui tente de détruire les appartenances culturelles diverses en faveur d’une appartenance mondiale.

Nomade je suis. Nomade j’ai été obligée d’être étant née dans un pays superbe et touchant mais malheureusement peu sécurisant. Nomade j’ai été obligée d’être dans un pays hanté par des vampires qui détruisent notre avenir au prix d’une liberté qui justifient leurs actions cruelles et insensées, une liberté qu’ils nous prennent au lieu de nous la donner, cette liberté de choisir de vivre là où l’on est né.

La résidence a dû changer. Et quand celle-ci se prolonge, certains ont eu droit à une autre nationalité. Une nationalité plus pratique puisqu’elle permet de voyager sans limite. Une nationalité moins pénible car libérée d’assimilations et de préjugés. Mais une nationalité artificielle. Car uniquement sur papier.

Nationalité. Résidence. Et un peu moins domicile. Que ces notions me paraissent archaïques et dépassées. Car aujourd’hui, ma mère résidant au Liban avec une persistance que je lui admire et que j’envie, ma sœur vivant à New York où les exigences de sa carrière l’ont emportée, mon grand frère vivant à Dubaï où il s’est installé, mon petit frère quittant le Liban pour habiter dans un désert où ses talents sont mieux appréciés, mon père pilote que je ne puis toujours localiser et moi seule à Londres arrachée à ma famille, ma terre, mes amis, ma voiture, ma chambre, ma mer, mon village, ma patrie, je refuse de croire en ces titres qu’on veut m’imposer.

Les politiques diverses me dégoutent. En ce qui me concerne, je n’ai ni résidence, ni domicile, ni nationalité. Et je me fous des papiers. Les gens que j’aime sont partout. Le liban m’a chassée. Non, ce serait abusé de dire qu’on a choisi de quitter. Car quand on arrive enfin à quitter un conjoint qui nous trompe et qui nous maltraite, c’est moins par choix que par nécessité. Alors qu’ils gardent leurs “clés, leurs cartes et leurs codes prisons pour nous retenir”. Ma famille, mes amis et moi habitons désormais le même pays. Ma famille et moi habitons le Monde. Et vous?