mardi, février 28, 2006

Aujourd'hui, quelqu'un m'a regardée.

Je marchais d'un pas pressé, timide sans en avoir l'air, je marchais d'un pas maladroit, embarassée mais toujours fière. Je marchais je ne sais où, tout en faisant croire qu'on m'attendait, je marchais toute seule, comme quelqu'un trop hautain pour se faire accompagner. Je me sentais abandonnée, je me sentais fragile, je pris un air de star de ciné, pour qu'on ne se doute de mes pensées.

Je marchais tout droit pour pas frémir, je controlais mes joues pour pas rougir. En passant, j'entendis des murmures. En passant j'entendis leurs paroles. On me traitait d'orgueil et de vanité, on me traitait de superficielle, de mal élevée. Je pressai le pas, en balancant harmonieusement les hanches, je pressai le pas comme une personne insouciante un beau dimanche.

Je continuai ma ballade solitaire, pensant à ce procès inégalitaire. J'étais toute seule à marcher, ils étaient nombreux à critiquer. Puis tout à coup, une chaleur parcourut mon corps, une caresse traversa mon dos, et une certaine assurance m'envahit. Quelqu'un m'avait regardée. Quelqu'un m'avait regardée differemment. Son regard ressemblait à une promesse, à un mot doux dans l'oreille, à un secret dont j'étais le seul gardien désormais. Son regard m'avait fait gagner le procès.

Je marchais d'un pas tranquille, où j'allais n'importait plus. Je marchais toute seule encore, mais sans leur faire croire qu'on m'attendait. Ce qu'ils pensaient n'avait plus de valeur. Leurs murmures s'etaient transformés en un bruit lointain et mortel. Je marchais doucement, je marchais vraiment. J'étais heureuse. J'avais gagné. Aujourd'hui, quelqu'un m'a regardée.

dimanche, février 26, 2006

UN GRAND HOMME

A chaque fois que tu parles, j'essaie de retenir ce que tu dis. Tes mots ont la couleur du ciel; d'ailleurs, dans ton avion, tu es si proche de lui.
Tes mots traduisent les secrets du monde, ce que seul un homme sage pourrait voir. Grace à l'amour que tu nous portes, je pourrais défier le monde. Avec la confiance que tu nous donnes, toujours plus grande que celle que nous nous donnons, la réussite est en grande partie pour te plaire, pour te rendre fier, pour faire briller tes yeux, ces yeux que tu m'as offerts, ces yeux marrons si sombres et si clairs à la fois. On dit que le marron est insignifiant, couleur d'automne; je trouve qu'il est profond, qu'il porte ta sagesse. Sur des bancs de classe toujours incomfortables, un professeur d'Histoire citait les grands hommes.

J'ai compris qu'un Grand Homme était un Grand Voleur, un Grand Assassin, un Grand Politicien (mot diplomatique pour Menteur). En résumé, un homme qui incarne tous les vices du monde est un grand homme qu'on admire après des centaines d'années.
J'essayai de trouver une position comfortable, pliai et dépliai mes jambes pour remarquer que ce qui me révoltais en fait était cette définition cruelle. Je regardai le ciel, ton univers et trouvai la vraie signification d'un grand homme: un grand homme est tout d'abord un père. C'est une personne grande par son amour, grande par sa bonté, par sa compréhension, par ses projets, par ses rêves (qui sont toujours ceux de ses enfants). Une grande personne, dirait Saint-Exupery, est une personne qui n'a pas oublié l'enfant qu'elle était un jour, qui vit toujours à travers elle.
Je te remercie tous les jours d'être avant tout un père, un vrai. Je te remercie d'avoir ces paroles honnêtes qu'ont seulement les parents, d'avoir cette vue élevée du monde, cette vue d'en haut. De leurs avions, les pilotes peuvent tout voir: la mer, les montagnes, les maisons... et surtout la notre. Une maison qui porte ton nom et qui le portera toujours. Dans ton avion, tu fais le tour du monde, tu t'éloignes pour mieux revenir, tu recules pour mieux observer, tu t'absentes pour donner plus et tu reviens chaque fois un peu plus... grand.
Loin de devenir une habitude, tu m'es un émerveillement quotidien, un voyage dans ton monde donc dans le notre, un voyage dans le plus beau monde, le seul, au bord de cet avion que tu conduis si bien.

Ce quon appelle la mode

La mode, expression de style, ou uniformisation culturelle?

Pour être intégré en société, l'Homme a aujourd'hui besoin, parait-il, de s'identifier à un groupe socio-culturel qu'il idéalise, sous peine d'être critiqué, voire exclu.

Dans une société où le regard d'autrui guide presque le comportement de l'individu, ce dernier a tendance à emprunter certains codes d'habillement (entre autres), qui ne traduisent pas nécessairement ses goûts ou sa personnalité, mais les "must" du moment, afin qu'il soit "in" ou branché.

Le consommateur perd alors son esprit sélectif, sa censure morale et opte pour l'adhésion. La mode, qui devrait en principe refléter fantaisies et particularismes, devient alors une forme d'uniformisation culturelle qui banit l'originalité et l'individualisme.

Aidées par les mass media qui font véhiculer aux quatre coins du monde les mêmes folies, les industries culturelles réussissent à influencer les choix et réalisent des profits inimaginables dans une société de jetable où la mode ne résiste pas à l'épreuve du temps: elle doit toujours changer, faire croire qu'elle évolue et attirer les accrochés au superficiel. D'ailleurs, la couturière Coco Chanel disait: "La mode, c'est ce qui se démode".

Bien sûr, être à la mode c'est aussi une forme d'adaptation nécessaire, à condition de choisir. Le meilleur moyen d'assurer un équilibre entre ce qui est imposé et l'excentrique de la contre-acculturation qui a pour corollaire le repli sur soi, reste à considérer à la fois le besoin et le désir. La mode resterait alors ce qu'elle devrait être, en harmonie avec le corps, les goûts et les sentiments. "Prouver que l'on existe, c'est passer d'une attitude de CON-sommation à une attitude de consom'ACTION". –Stephane Giquello-

Lui/Elle

Elle l'a connu à la fac. C'est un garcon considéré mignon a l'univ. Presque un homme, mais pas encore. Dans ses yeux se mêlent timidité, classe et tristesse. Elle lui dit qu'il a les yeux noirs corbeaux, les yeux du nil, même si sa meilleure amie future pharmacienne et toujours un peu trop philosophe lui assure qu'elle a tord, car d'après elle les yeux noirs ca n'existe pas. Elle sait que ca existe, puisqu'elle les voit!
Il fait des études d'économie, il est en 2ème année. Elle est en sa première année de droit et ne sait même pas si elle réussira. Elle est maladroite, lui parfait. Il réussit en silence. Elle crie un succès pas encore touché. Il écoute. Elle parle. Il apprend. Elle enseigne (des conneries). Il lit, elle écrie.
C'est un garcon pas comme les autres. Il cache dans le coeur une peine accumulée, il est vieux et enfant à la fois. Vieux, plus discret que les autres. Enfant, fragile entre ses bras.
Il finit la première étape de ses études l'année prochaine. Il partira: à Paris, à Londres, aux Etats-unis? Ils voyagent tous, surtout eux. Il la laissera ici. Elle sera encore en sa première année peut-être. Il lui dit que le fait qu'il voyage ne changera rien dans leur relation. Mais voyons, elle le voit déjà revenir avec une blonde aux yeux bleus, une francaise, anglaise ou américaine, mannequin de préférence, qu'il préfèrera à cette libanaise compliquée et maladroite.
Pas de travail au Liban, un service militaire obligatoire et toutes les raisons pour partir. Elle aimerait lui dire au revoir sur un quai de gare comme dans les chansons tristes d'amour qu'on chante souvent en voiture dans les embouteillages, se dirigeant vers la fac, croyant être protégés du monde alors que les gens autour se moquent de nos grimaces de faux chanteur, elle aimerait lui dire adieu comme ces films qu'elle regarde les larmes aux yeux, croyant ces scènes tellement loin de la réalité. Il partira tout de même, elle le sait, et l'adieu ne sera que dans le seul aéroport ou quasi-aéroport de la capitale. Beyrouth, tu fais fuir nos "maris". Ca l'a fait rire, quelle ironie puisqu'elle le sait déjà, puisqu'elle s'y attend. Elle n'y peut rien, vaut mieux rire que pleurer. Elle voyagera aussi peut-être. Ou pas. Peu importe.

solitude

C'est à travers toi que j'existe,
C'est dans tes yeux que je me vois.

L'indifférence, qu'on la subisse ou qu'on l'éprouve ressemble à l'inertie et à la mort. Solitaire, l'Homme ne peut épanouir sa nature spécifique et ne développe ses facultés qu'au contact de ses semblables. C'est ce que démontre a contrario le cas des enfants sauvages, laissés à eux mêmes. De même, des études ont montré comment l'absence prolongée de contact avec les autres est facteur de régression mentale chez l'individu déjà formé.
La question est de savoir quelle importance revête la société dans la vie d'une personne. L'analyse conduira donc à pointer la dimension fondamentale de l'autre et à repenser les conditions de cette coexistence.

Il est évident que pour vivre, l'Homme a besoin d'un entourage auquel il puisse s'identifier. La communication est une caractéristique propre à l'Homme (et ne peut évidemment avoir lieu qu'en présence de deux personnes au moins) qui le distingue par conséquent de l'animal. Entouré de personnes, l'Homme humanise ses tendances à la base égoistes et devient un "animal social". Dès sa naissance, il imite instinctivement le comportement d'autrui. On lui transmet d'abord le langage, manifestation première de l'existence de l'autre. A travers le jeu, l'enfant apprend le partage comme le démontre le sociologue Jean Piaget. Quelques années plus tard, il essaie de remplir les exigences d'une société sévère afin de réussir une intégration essentielle et d'éviter l'exclusion. Le regard de l'autre devient primordial.
La solitude a bien des effets régressifs. En effet, Michel Tournier démontre que l'absence d'autrui enferme l'individu dans sa propre conscience et induit des confusions entre le rêve et la réalité. Aussi, l'absence d'échange verbal produit l'appauvrissement du vocabulaire ainsi que la perte de la capacité d'abstraction. Pour vivre biologiquement et socialement l'Homme a donc besoin des autres et se doit de développer son altruisme. Valéry écrit "Un homme seul est toujours de mauvaise compagnie."

Toutefois, l'individu n'a-t-il pas également besoin d'espace et de recul pour bien se connaitre? Si la solitude renvoie une image péjorative, n'est-elle pas aussi et surtout une condition de bien-être? Pour être à l'aise en société, ne faut-il pas d'abord être à l'aise seul?

On ressent tous à un moment donné le besoin de s'isoler, de se mettre à l'écart. Même très entouré, on est quelque fois très seuls. Une envie d'évasion s'installe en nous, comme si le monde entier ne suffisait plus. On se surprend alors observant le ciel une nuit d'été ou couché sous le soleil alors que notre travail n'est pas achevé (même pas commencé). On se rend compte qu'on a arrêté le chronomètre et qu'on n'entend plus le téléphone sonner, ce même téléphone qui rythme d'habitude la cadence de nos pas. Les gens disparaissent soudain de notre vie, et notre solitude devient vitale. Des idées nouvelles nous parcourent la tête et une paix intérieure nous envahit. On marche inhabituellement sans destination, on n'est plus pressé. Nos soucis accumulés n'ont plus d'importance. On revient un peu plus tard, comme revenant d'un très long voyage, avec plein d'histoires à raconter et une vie à recommencer.
La solitude est parfois un très bon remède, mais pas pour longtemps, j'ai besoin de toi:
C'est à travers toi que j'existe,
C'est dans tes yeux que je me vois.

L'amitie

Définir l'amitié?
L'amitié, pour moi, c'est tout d'abord contribuer à l'épanouissement de l'autre. C'est un partage, un échange de sourires qui veulent tout et rien dire, un échange de larmes qui nous font à la fois perdre l'équilibre et retrouver le repère, de cris qui nous rappellent la place qu'on remplit, et d'encouragements qui nous poussent vers l'avant quand on sent qu'on ne peut plus marcher. L'amitié, c'est quand on trouve des bras ouverts pour nous serrer tellement fort au point de nous couper la respiration, quand les bras du monde nous ont laissé tomber.
C'est se raconter ce qu'on aime.
L'amitié c'est comprendre l'autre sans que cet autre ne prononce un mot, c'est l'aider à se relever et c'est se ranger de son coté quand tout le monde le condamne.
Mais l'amitié c'est aussi laisser l'autre vivre son histoire. L'amitié dépasse les calculs, et quand l'amitié devient obstacle on s'en passe.
L'amitié c'est l'harmonie des esprits, et la danse des coeurs. Quand l'amitié s'oppose au bonheur de l'autre, quand l'amitié vire à l'égoisme, on s'en passe. Si cet autre veut s'envoler, en amitié on le laisse faire, on le laisse apprendre s'il a besoin d'apprendre, on le laisse se noyer si c'est ce qu'il veut, mais on est là s'il tombe, et on est à son secours s'il tarde sous l'eau, parce qu'on est les seuls a savoir combien de temps il peut tenir sans respirer, avant de voir la mort.
Quand l'amitié viole les valeurs qu'on prétend incarnées en nous, quand l'amitié contredit nos principes, elle perd sa définition.Les bonnes manières ne sont guère en apparence. Les bonnes manières ne sont pas les manières que tu fais, les roles que tu joues devant les autres et que moi je reconnais, les choses superficielles que je laisse passer, et les mots bas que je prétends ne pas entendre. Les bonnes manières, en amitié et en tout, c'est savoir être noble. Et ca, tu ne sais pas l'être. L'amitié, c'est surtout penser à l'autre et ne pas voir que ce qui nous enchante. Parceque c'est là que l'amitié s'évapore. C'est là que les calculs commencent. Et moi, tu le sais, je n'avais jamais ete bien en maths, je n'ai jamais su calculer.

Agitations dans les coulisses.

Agitations dans les coulisses. Derniers conseils, dernier coup de peigne afin de mettre en ordre les mèches rebelles. Une dernière couche de maquillage et les rideaux d'un rouge pourpre s'ouvrent brusquement face à un public attentif.

Je prends des roles différents. Tantot princesse d'Orient, tantot prostituée d'une rue mal fréquentée. Parfois gitane, parfois prisonnière attendant mon prince charmant, histérique mélancolique ou fille modèle, étudiante ambitieuse ou poète rêveuse... un simple masque, un changement de décor, un choix de musique et le tour est joué.

Je peux révolter le public, l'attirer par des mots doux, le provoquer par des costumes indécents, le noyer d'ivresse. Sur scène tout est permis. Des masques colorés, un masque noir pour faire mystérieuse, un masque rouge pour la gaieté. Mais un masque. Un masque pour cacher. Ce n'est qu'un role à jouer.

Ensuite, sous les projecteurs et après avoir salué l'audience naive, je salue et je quitte. Une fois encore, j'ai réussi. Pas question de montrer qui je suis. C'est l'enveloppe qu'ils veulent voir. Ca fait du bien de plaire. Peu importe qui je suis, puisque je peux être ce qu'ils veulent. Peu importe ce que je sens, puisque c'est leur admiration que j'obtiens. Si je suis princesse d'Orient, prostituée, gitane, prisonnière, histérique, étudiante ou poète rêveuse. Peu importe.

Une pièce à jouer, constamment, quotidiennement, de facon permanente. Un visage différent tous les jours, un beau discours bien préparé, des gestes bien étudiés, des mots justes, des pas calculés.
Actrice sur scène, quel beau métier d'être applaudie. Un seul problème: plus de spectateurs. Tout le monde sur scène.

Les yeux revolver

"Les yeux revolver", ces yeux qui nous guettent, nous critiquent, nous violent, nous déshabillent, nous inventent, prétendent nous connaitre, nous jugent, nous accusent, nous étouffent, nous envient.. nous tuent. Des yeux sévères, des yeux injustes, des yeux grands ouverts, des yeux moqueurs, des yeux destructeurs, des yeux jaloux, des yeux qui nous tuent... encore.Je ne parle pas de ce regard qui tue par son charme comme le chante Marc Lavoine, mais de ce qui se cache derrière un bleu troublant, un vert changeant, un marron sympathique ou un noir profond.Je parle du regard que nous portons vers l'autre, de cette incapacité à accepter ses différences sans le comparer à nos "perfections", je parle contre ceux qui croient que ce qui est différent est faux, que l'inconnu fait peur, et je parle surtout pour ceux qui vivent en marge de la société, pour ceux qui sont déviants et non délinquants, pour ceux qui savent que la majorité n'a pas toujours raison, que la minorité n'a pas toujours tord, qui n'ont pas peur de crier haut et fort ce qu'ils pensent, qui veulent changer le monde et qui réussiront un jour, pour ceux qui vont à contre courant, pour les élites de la société, les élites du savoir, ceux qui s'en foutent royalement si on n'aime pas leur top rouge et leurs chaussettes oranges, ceux qui ne se sentent pas inférieurs parcequ'ils ne possèdent pas le sac Di-R, le jeans D-es-l, et le string Doré qui dépasse de ce dernier. Je parle pour ceux qui ont le courage de résister aux bêtises de la mode, qui ont la sagesse d'ignorer les commentaires des hommes mortels, qui ont la force de rester stoiques face aux faiblesses de la race humaine, qui ont la chance de voir d'en haut. Je parle pour ceux qui sont à la hauteur de se faire des amis de classe, comme Antoine de Saint Exupery, je parle pour ces dieux critiqués jour après jour, montrés sans cesse du doigt, toujours mal compris ou trop compris, je parle pour ceux qui ont pitié de nous, nous les superficiels aux yeux revolver, qui passons notre temps à les foudroyer de l'oeil, et à nous foudroyer entre nous, qui passons notre temps à mesurer qualités et défauts, afin de métamorphoser tout atout en vice, nous qui sommes assez limités d'esprit pour ne retenir que l'échec de l'autre en oubliant, ou voulant oublier, ses réussites. Ils viveront éternellement, ils sont nés différents, nous non. Je parle pour ces fantomes qui rendent notre monde meilleur, que nous n'évoquons jamais d'ailleurs –on se sentirait bêtes- sauf pour les humilier, et se sentir marrants.Je parle pour ces personnes qui savent que la différence est richesse, que les gens pourraient être complémentaires s'ils le voulaient, je parle pour ceux qui ont l'imagination assez fertile pour se créer un monde magique à l'intérieur du faux qui n'est pas à leur goût, pour ceux qui ont la patience de supporter nos bêtises d'intelligence réduite, espérant qu'un jour ce sera différent.

Mme tete en lair

C'est l'histoire d'une fille maladroite. Elle est maladroite, elle est tête-en-l'air et ca lui fait mal. A plusieurs reprises, elle a oublié les phares de sa voiture allumés. A chaque fois on lui dit "ca te servira de lecon". Mais non, elle refait la même chose, parceque ses gestes ne sont pas réfléchis, et sa vie n'est pas étudiée. On ne comprend pas qu'elle vit ailleurs, que dans sa voiture rejetée, elle s'imagine dans le carosse de Cendrillon, et dans un carosse-citrouille on ne risque pas d'oublier les phares, ni de garder la clé à l'intérieur, on oublie que dans son jeans mal lavé, elle s'imagine dans une robe qui couvre le monde de grandeur et qui vole aux étoiles leur splendeur, on ne comprend pas qu'elle n'entend rien autour d'elle, qu'elle ne voit pas les sauterelles, qu'elle est maladroite parce qu'elle pense à autre chose, à ses devoirs jamais terminés, à celui qu'elle aime, à la beauté du ciel après la pluie et au vent qui lui caresse le cou.
Elle est maladroite et ca lui fait mal. Elle n'a plus envie de conduire, elle n'a plus envie de sortir, tout ce qu'elle fait sonne faux et elle ne sait pas comment faire pour se concentrer. Et puis le temps... Elle déteste le temps. Elle ne pense pas que le contraire de la liberté est l'oppression. La liberté est emprisonnée dans la notion "temps".
Comment faire pour rester à jour dans ses études, pour sortir, pour lire, pour jouer avec ses cheveux et pour voir son petit ami en si peu de temps?
Je déteste ce sablier tricheur, qui ne fait que vanter ses graines rapides, qui me vole mes jours, me sépare de mon amour, me menace d'échec, me montre les rides du futur et se moque de mes jours heureux perdus. Je déteste la vie injuste, qui ne donne du bonheur que contre un travail acharné, une crainte de perte ou un malheur bien plus grand.
Mais j'aime cette course infinie, j'aime souffrir. Ca me donne envie d'écrire.

Une femme, un homme.

J'aurais très bien pu commencer par "c'était une femme belle comme le soleil, c'était un homme hors du commun" mais cette fois je n'ai pas envie d'embellir la vie. Je la vois comme elle est, je n'ai pas envie de rêver. C'était tout simplement une femme d'une beauté moyenne, vieillie par les jours, par les déceptions, par la fatigue du travail quotidien, qui garde dans ses yeux la lumière de sa jeunesse et sur ses lèvres le sourire de ses 20 ans. C'était tout simplement un homme. Et cet homme se voulait fort et décidé, il essayait de dissimuler par ses yeux gris l'incertitude et la peur de l'avenir. Ils ne se sont pas rencontrés dans un jardin ensoleillé, un beau jour de printemps, alors qu'elle écrivait ses jours heureux, alors qu'il peignait la lumière du monde. Ils se sont rencontrés par hasard, dans le chaos de la rue, à un moment où leurs pas pressés s'étaient ralentis un instant. Ils se sont rencontrés sur le croisement de leurs légendes alors qu'ils se dirigeaient vers deux destinations contraires. Ils s'arrêtèrent, échangèrent un regard complice qui en dit long, un regard compréhensif qui disait "j'ai tout vécu, comme toi, j'ai beaucoup vécu". Ils marchèrent ensemble sur un trottoir trop utilisé par des passants très occupés, qui ne font que courir, qui ne font que bousculer le monde, alors qu'ils pourraient le tenir entre leurs mains. Ils marchèrent loin, très loin, n'échangèrent pas un mot. Leurs yeux parlaient. Elle recevait des coups de fil de son bureau, qui d'habitude rythmaient la cadence de ses pas, elle recevait des appels de ses enfants de retour de l'école, elle avait des factures non payées, des projets à rendre et sa tête ne pouvait contenir un soupir de plus. Elle avait décidé de se reposer un instant. Il était en retard, beaucoup plus que d'habitude, il avait tant de choses à faire, tant de comptes à rendre. Le temps n'était jamais suffisant, et le matin aggravait toujours la situation. Il avait décidé de fermer les yeux un instant. Coordination temporelle ou destin pur, ils ne le savent toujours pas. La nuit était tombée, un ciel noir, sans étoiles. Dans le silence pesant d'une vie plus rapide que leurs efforts fous, ils se sont aimés, mettant de coté leurs existences monotones. Ils se comprenaient, et leurs gestes dessinaient leurs peines, leurs soucis, leurs projets d'adolescence râtés et leurs rêves de jadis aujourd'hui évaporés. Leurs caresses faisaient mal, comme la vie qui passe, et qui les écrase en passant. Ca leur faisait pour une fois du bien. Quelques heures plus tard, elle quitta. Elle devait se rendre au bureau. Il sortit au balcon fumer une cigarette. On aurait pu croire qu'il contemplait la profondeur de la nuit, qu'il se rappelait la chaleur de leurs étreintes, qu'il s'imaginait la suite. En fait, il ne pensait qu'au balcon, qu'à la cigarette. Et c'est la vie.

Mon pere.

Je me demande parfois pourquoi j'écris mais surtout, pour qui. J'étale ces mots les uns à coté des autres, alors ils se racontent des secrets ou ils se disputent. Les uns au dessus des autres, ils s'écrasent ou ils font l'amour. Les uns contre les autres, ils se contredisent, ils refusent. Les uns collés aux autres, ils se font des calins, et s'enlacent pour se sentir moins seuls la nuit.
Je me demande pourquoi je passe mon temps à écrire, pourquoi je perds des heures à raconter des histoires que personne n'apprécie, pas même moi parfois, je l'avoue, pourquoi je décris des paysages tout à fait classiques au point de ne plus attirer l'attention des passants, et pourquoi je confie mes aventures amoureuses, qui ne sont probablement pas des aventures, et qui ressemblent aux histoires de tout le monde. Pourquoi j'écris, alors que je suis toujours en retard, pourquoi j'écris, puisque le téléphone sonne et personne ne répond (encore!), pourquoi j'écris ces mots naifs qui rougissent encore au "je t'aime" de ce garcon trop fier alors que je n'ai pas encore compris mon arrêt (franchement ya que moi pour pas comprendre), pourquoi j'écris alors qu'il est 3 heures du mat, que j'ai des cernes et que je n'ai pas bien dormi hier. Pourquoi j'écris?
La verité?
J'écris pour toi. J'écris pour la personne qui ne pourra jamais comprendre ce qui se cache derrière chaque lettre qui porte mes larmes, mes cris, mes rires et mes peurs. J'écris pour celui qui ne pourra jamais savoir combien je suis heureuse quand il me parle, j'écris pour celui qui me fait vivre d'amour, j'écris pour l'homme que j'admire, que j'écoute beaucoup plus que les autres, -est-il le seul que j'écoute?-, à qui je vole chaque mot, celui que je fixe du regard au point de le perturber, celui que j'ai peur de blesser, celui qui me fait trembler de maladresse alors qu'il est tendre comme tout, celui qui me fait rougir alors que ses yeux brillent de compréhension...
J'écris pour la seule personne qui ne lira jamais mes vers, pour celle que je ne saurai jamais faire pleurer par mes histoires, pour celle que je ne pourrai jamais faire rire par un mot rigolo, pour celle que je n'aurai jamais la chance d'impressionner par mes belles phrases, pour celle qui ne me donnera pas l'honneur de la convaincre par les grands mots dont je ne connais pas le sens, souvent.
J'écris pour toi. J'aurais tellement aimé que tu puisses me comprendre, toi qui comptes tellement pour moi. J'aurais voulu te l'exprimer, te dire combien je t'aime par des tonnes et des tonnes d'expressions sincères, mais je ne puis le faire autrement, je ne puis utiliser une langue qui m'est distante. J'écris pour toi et je te lis ce que j'écris. Je regarde tes yeux, parce que quand je lis pour toi, les mots viennent seuls, et le papier ne sert plus qu'à occuper mes mains. Je fixe tes yeux aussi longtemps que je puisse le faire, car quelques secondes plus tard, mes larmes m'empêchent de distinguer tes traits. Je te regarde, et je vois comment tu m'écoutes. Je vois que tu écoutes chaque mot, que tu te concentres sur ma bouche qui prononce les syllabes, sur mes yeux qui expriment ce que je dévoile, sur mes joues qui rougissent parfois à cause de parties impudiques, sur une mèche de cheveux qui vient me couvrir le visage. Tu m'écoutes différemment. Non, pas comme les autres. Eux, ils écoutent, ils ne comprennent rien. Ils entendent. Ils sont très intelligents pour mes contes d'enfants, très sérieux pour un moment sans importance, trop profonds pour comprendre les choses "à la surface" que j'aime tant et qui font ma vie. Je te regarde, je te lis mon histoire, et tu comprends, toi qui ne comprends pas le francais. Je te lis mais c'est toi qui me racontes des mystères. Tu me racontes ma prochaine histoire. C'est dans tes yeux que je lis ce que plus tard j'écris. Tu me dis que tu écoutes la musique de mes mots, et je sais que tu comprends tout. Tu me dis que ma voix exprime tout, même avec un vocabulaire qui t'est étranger. Tu m'expliques. Alors pour qui, pourquoi j'écris? J'écris pour toi, pour te plaire.
Je ne réfléchis pas. D'ailleurs, si je le faisais, tout serait maladroit. J'écris seulement ce que ton coeur raconte au mien, dans le silence que tous trouvent pesant. Tous, sauf nous. Ils se sont trop approfondis pour apprécier ces moments, et c'est dommage. J'écris pour toi, tu ne sais pas que je t'ai toujours dédié mes poèmes, mes histoires, mes nouvelles, mon journal, ce livre que je n'ai jamais fini et mes chansons sans musique. Certaines chansons contiennent un rythme et font danser... sans instruments.
Tu me dis tout le temps qu'un jour je serai écrivain. Je te le jure, à ces moments-là, je suis sans aucun doute La plus heureuse sur terre. Autour de moi, je n'ose pas avouer mon rêve. Je le garde pour moi. On l'avait trouvé amusant et on s'était moqué de moi tout en me conseillant gentiment d'opter pour quelquechose de plus réaliste. Ca m'a découragée, et j'ai lâché un moment. Alors toi, qui ne sais pas ce que j'écrivais pendant mes cours de physique, qui ne comprends pas ce que contenait mes lettres d'amour, qui n'arrive pas à déchiffrer mes trésors, ceux dans lesquels je me perds souvent très tard dans la nuit, tu m'as dit qu'un jour je serai très célèbre et que j'écrirai un livre, que je réaliserai mon rêve. Alors, j'ai rattrapé ce que j'avais plus tot lâché, avant qu'il ne soit trop tard. Mais je ne veux pas te décevoir, j'écris comme tout le monde, et ce que tu espères pour moi, ce que tu anticipes, est trop beau pour être vrai. Je te remercie de croire en moi, et de m'avoir appris qu'on ne lit qu'avec le coeur, qu'on ne comprend qu'avec les yeux et qu'il n'existe de langage autre que celui de l'âme. J'essayerai de ne pas te décevoir, j'écrirai, parce que ca te plait, je te les lirai aussi, juste pour admirer tes yeux, je les chanterai pour te faire rire, je les chuchoterai pour te faire sourire, je les crierai pour que tu les retiennes, et à travers toi, je saurai que j'écris juste, que j'écris bien, que j'écris vrai, parce que ca me suffit que tu m'écoutes.
Et si un jour mon rêve se réalise- je crois aux rêves et je ne veux point être réaliste-, tu seras le premier à écouter mon histoire, la tienne en fait, tu seras le premier à avoir mon livre, ce livre que j'appellerai "Mon père".

samedi, février 25, 2006

Que serait pour vous une vie plus belle?

"Que serait pour vous une vie plus belle?"

Huit ans plus tot, en classe de 6ème, le prof de francais écrit fièrement son sujet de rédaction sur le tableau... Comme si en 6ème, on sait ce qu'on aime, et a fortiori ce que serait une vie plus belle. Je me souviens de n'avoir rien trouvé de mieux qu'écrire qu'une vie plus belle, bien plus belle, serait d'être dans un endroit ailleurs qu'en salle d'examen, à faire n'importe quoi, mais n'importe quoi, pourvu que ce ne soit pas une rédaction philosophique à 12 ans à peine. Je me souviens aussi d'avoir échoué. Evidemment.


Et comme tout échec, ce sujet me poursuit toujours, hante mes rêves, envahit mes idées et je me rends compte que je ne sais toujours pas ce que serait pour moi une vie plus belle. Me voila en 2e annee de droit, essayant de faire une bonne rédaction, défi lancé un jour à des enfants, essayant en quelquesorte de prendre ma revanche. Je la donnerai peut-etre à ce prof prétentieux dont je ne connais plus le nom... je la lui donnerai. Si je le trouve.


Comment savoir ce qui rendrait une vie plus belle? Une méthode me parait aujourd'hui attirante. J'avoue qu'en 6ème je n'y avais pas pensé. Je vais commencer par essayer de citer ce qui rends ma vie moins belle.


6h du matin. Ma journée recommence. Je me réveille avec le même espoir encore, que ce soit une fausse alerte, que le réveil ait sonné "par hasard". Mais ces choses là n'arrivent jamais.. Machinalement, je fais les mêmes gestes quotidiens et je quitte ma maison encore endormie pour passer une heure en voiture. Je me lève avant que le soleil ne se soit levé et ce n'est pas ma partie préférée de la journée. Paolo Coelho écrit que dans toute vie, il ya un certain point, une décision, un acte qui ferait longtemps trainer ses conséquences. Qu'on saluera ou maudira tous les jours, tous les matins, tous les soirs et toutes les secondes. Il dit aussi, qu'à ce carrefour d'idées, il faut se poser un instant, il faut bien réfléchir. Ce carrefour est un lieu sacré. C'est là-bas où les dieux ont coutume d'y dormir et d'y manger. Là où les routes se croisent, deux énergies se concentrent, le chemin qu'on va choisir et celui qu'on abandonne. On ne peut pas y rester éternellement. Il FAUT choisir. Et pour moi... c'était le Droit.


Choix ou absence de choix? Je l'ignore toujours. Je déteste devoir courir sous la pluie, d'être encore en retard, et malgré tous les efforts, renvoyée, par un geste paresseux du revers de la main d'un prof sévère du cours de 8h. Encore, une phrase blessante et sincère m'aurait satisfaite. Mais ce geste nonchalant se marie difficilement avec mon début de journée agité.


Ce qui rend une vie moins belle c'est quand on sent que tous les efforts qu'on fait passent inapercus, c'est quand on sourit parceque si on va parler pour ne rien dire, vaut mieux se taire. C'est quand on prépare tout un discours, digne d'une grande personne, qu'on se dirige tête haute, démarche distinguée vers cet être qu'on est sur d'impressionner d'avance et qu'on ne dit rien... ou qu'on dit très, mais très mal, le seul mot qui ose sortir. C'est quand on ne sait pas si on va réussir. Cette incertitude de réussite qui tue, qui fait beaucoup plus mal qu'une certitude d'échec.


Ces choses là dérangent le bon déroulement des choses. C'est choses là modifient le décor. Mais elles constituent ma vie. Si je n'avais pas pu expliquer à mon prof le fait d'avoir fait une rédaction en 3 lignes, aujourd'hui, en Droit, j'ai appris à me défendre. Ma vie n'aurait pas pu être plus belle. Elle est parfaite avec tous ses défauts. Et en attendant le prochain carrefour... je prends des notes.

LA PERFECTION

Je pense à divers moyens de commencer ce que j'ai à dire. Je déchire feuille après feuille. Je me dirige vers mon ordinateur comme il est plus facile de tapper que d'écrire. Rien ne me plait. Je veux faire "bien" au point de ne rien faire du tout. Et encore, faire"rien", c'est-à dire le néant, le vide, c'est encore bien. Mais ne rien faire du tout m'inquiète. Je veux mon aricle parfait, et comparé à l'idéal que je me pose, rien ne me parait à la hauteur. Ceci m'amène au thème que j'ai choisi de traiter. Notre obsession. La perfection. La perfection est une plénitude d'être, une pleine satisfaction, un état de non manque où pas de possible incertain, ou de potentialité non réalisée. L'Homme tend instinctivement vers cet ultime idéal, qui est d'ailleurs le moteur de l'évolution puisqu'il permet à l'individu de progresser sans cesse afin d'atteindre un but en perpétuel mouvement, une barre qui ne fait que hausser.Hegel dit qu'en poursuivant leur propre intérêt, les Hommes font l'Histoire et sont en même temps les outils et les moyens de quelque chose de plus élevé et de plus vaste qu'ils ignorent maisréalisent de facon inconsciente. Ce "quelque chose" n'est-il pas la perfection? Si l'humanité est vouée à atteindre sa perfection ne signifie pas qu'elle soit imparfaite ou du moins perfectible? Imaginons ensemble le monde parfait: des réponses à toutes nos questions, une égalité entre les Hommes, une harmonie de formes et de couleurs, une parfaite distribution des ressources... Nous rêvons tous d'un monde meilleur, d'une solution à nos problèmes, d'une réponse à nos questions transcendantales incessantes, d'une explication à ces sujets obscurs. On raconte l'histoire de cet homme qui passa sa vie à la recherche de réponses. Au moment où il les trouva, toutes les questions avaient changé. Un monde parfait ne rendrait pas les gens plus heureux. Face à la perfection, ils n'auraient plus rien à faire, ils n'auraient plus à travailler, et mourraient d'ennui. Ce serait comme offrir à un enfant tous les jouets du monde à la fois, et le priver du bonheur d'en laisser un, pour en trouver un autre. La perfection pour nous, devrait se limiter à la beauté du coucher du soleil, au sourire sincère d'un père, à la promesse d'un ami, aux bras ouverts d'une maman. La perfection peut même être la somme des imperfections de la personne qu'on aime. C’est aussi retrouver ses amis d’enfance , et remarquer que certaines choses ne changent jamais. C’est regarder la personne qui nous impressionne, cet être mysterieux qui nous donne la force de nous reveiller à 6h du matin pour aller en cours, et s’apercevoir que cette personne là nous regarde aussi . Peut-être qu’elle regarde la fenetre derrière nous ; peut-être qu’elle pense à quelquechose d’autre et qu’il se trouve qu’on fait inévitablement partie de son champ de vision ; peut-être aussi qu’elle n’a même pas remarqué notre presence (et c’est probablement ça) .Mais il nous semble qu’elle nous regarde. Ceci nous rend heureux. Et c’est parfait. La perfection c’est quand on se sent très seul un samedi soir, alors que tout le monde est sorti, quand on croit qu’on va passer une soirée de plus devant la télé, et que soudain, quelqu’un qu’on aime bien (peut-être plus, peut être moins), nous appelle. On sort, on se raconte tout et n’importe quoi (plutot n’importe quoi), autour d’un verre, ou pas, et ça vaut bien plus, beaucoup plus, que les soirées les plus folles qu’on aurait pu passer. On écoute ensuite des chansons pathétiques dans l’intimité de la nuit. Et c’est tout simplement parfait. La perfection c’est mon quartier saoul et desordonné, c’est mon voisin impoli mais toujours très serviable, c’est ma rue maladroite qui parait bien plus belle que celle aux dimensions exactes de St Petersbourg, trop vide, trop triste… trop parfaite. La perfection est donc partout. De la douceur d’un chocolat qui fond dans notre bouche un jour d’hiver, à l’assurance que l’on éprouve dans notre plus ancien jeans, usé par les bancs trop sales de la fac, par les années, ce jeans qui n’a même plus la même couleur qu’il avait, mais qu’on aime parcequ’il nous ressemble, qui est devenu “nous” et qu’on finit toujours par enfiler, après avoir une fois de plus essayé nos habits neufs . La perfection… il suffit de simplifier les choses, de bien regarder pour la trouver. Elle est relative, subjective, et dépend de nos envies, nos attentes et nos espoirs. Elle est là quand on ne demande pas trop mais assez pour grandir. N'essayons pas de parcourir tous les chemins, choisissons le notre. D'ailleurs, il ne nous est même pas donné de choisir, car, comme l'adit Salvador Dali "Ne craignez pas la perfection, vous n'y arriverez jamais."

Paru dans l'orient le jeudi 12 avril 2007

Une fois, à Paris.

Je ne t'avais pas demandé la lune, je savais que tu n'étais pas de ceux qui passent leur vie à pleurer un amour perdu, je ne t'avais pas demandé ces promesses que tu m'as faites, ni les larmes du moment, je t'avais juste demandé comment tu t'appelais, je t'avais juste volé ce baiser de cigarette, ce baiser de bière, alors que je n'aime ni l'un ni l'autre, alors que je n'aurais jamais osé le faire à un inconnu, à l'inconnu que tu étais. Connaître ton nom me suffisait. Je pouvais t'embrasser, je te connaissais désormais. Quelqu'un m'a dit bien plus tard, que le baiser était le début de la fin. Le notre était le début tout court, mais sans doute la fin d'une partie de ma vie, alors cette personne n'avait pas complètement tort. Je crois que je t'ai toujours connu mais jamais rencontré. je ne t'avais pas demandé de m'aimer pour toujours, juste de m'offrir une histoire à raconter à mon retour, je voulais juste une inspiration, une raison d'être malheureuse à vie, pour les yeux noirs d'un garcon, pour le coeur d'or de celui qui se veut fort, je voulais juste te parler, je voulais juste que tu m'écoutes, je voulais que tu me tiennes la main, que tu me serres comme seuls les boxeurs savent le faire, je ne voulais rien de toi, c'est toi qui l'a voulu, tu m'as raconté des sottises, j'ai cru que j'etais comprise, tu m'as raconté cet amour que je connaissais, mais qui ne m'avait jamais été raconté, tu m'as chuchoté des secrets, tu m'as fait croire au coup de foudre, et aux rencontres d'amoureux, tu m'as promis la terre entière, alors que tout ce que je voulais était un moment de paix, une île ensoleillée, dans ce bar mal fréquenté, avec toi.
Ta voix m'a caressée pendant des jours, des jours, des nuits et des nuits... Je ne me rappelle plus si j'avais dormi, on avait tant parlé, tant pleuré, on avait fait des projets, et je l'avoue... j'y croyais. Je ne me rappelle plus quel sentiment avait gagné, le bonheur de te connaitre, le doux-amer de ton baiser, la peur de te perdre, ou plutot savoir que c'était en même temps le début et la fin.
Le plafond de ma chambre portait tes photos, je dormais tous les soirs en les regardant, je croyais que tu y étais. Parfois, au milieu de la nuit , quand j'ouvrais les yeux un moment fatiguée d'un mauvais rêve, j'allumais la lumière, je me mettais debout sur mon lit et j'observais tes traits singuliers. Je faisais tout pour te voir, pour aller à Paris, j'allais te rencontrer après un match de foot, à 9h devant le café kléber, notre café, toi, un café crème, moi, un jus d'orange pressé.
Tu disais que j'étais ton ange, ton bébé, ton coeur, tu ne me touchais pas, pour pas me blesser, tu me regardais comme une princesse, comme personne ne l'avait fait, tu me disais que j'étais la seule à t'aimer, et je me demandais comment on pouvait être tellement aveugle mais ca me convenait.
Je jouais avec un chat gris aux yeux verts, un petit chaton qui m'avait aimée, et toi tu me regardais. J'avais les larmes aux yeux quand toi à ton tour tu regardais l'écran de cinéma, c'était un film de boxe dans la langue thailandaise que tu comprends, tu me disais que c'était beau, que je devais regarder, mais moi ca ne m'intéressait pas, c'était toi que je voulais admirer, je savais que ceux-ci étaient les derniers moments même si on avait dit, et juré qu'on allait se revoir. Dans le vent tu as pleuré, tu m'as serrée contre toi, et pour la première fois je me suis sentie en sécurité... Tu as pleuré, tu as pleuré de force et pas de faiblesse, il ne faut pas avoir honte de pleurer, tu m'as dit que tu m'aimais pour la vie, que sans moi tu n'étais rien, que j'étais ta belle et toi mon clochard. Je n'ai rien dit du tout. je n'avais rien à dire, les mots se disputaient la première place, et quand enfin un petit groupe a emporté la bataille, tu étais déjà parti. C'etait "je t'aime" en fait. Tu étais mon prince ... et si tu veux, mon clochard.
Un soir, j'ai pris un taxi, après t'avoir embrassé dans la nuit, le chauffeur curieux m'a demandé si t'étais mon petit ami, je n'ai pas pu répondre, j'avais mal à la gorge. Il a sûrement cru que je l'avais trouvé indiscret, ce qui n'a pas dû l'étonner, habitué à la froideur des francais, mais en fait j'aurais voulu crié au monde entier, que t'es à moi, que je t'aime, que tu m'aimes, qu'on sera ensemble à jamais. Je n'ai pas pu parler. Ce jour-là je vis pour la première fois la grande ville à travers mes larmes. T'as déjà vu ta capitale comme moi je l'ai vue? A travers ses larmes, on ne reconnait ni les formes, ni les personnes, tout est un ballet de couleurs, rien n'a de sens, ni les trottoirs, ni les bars, ni les cafés... on ne voit que la vie qui passe, derrière les vitres d'une voiture, comme une personne saoule d'avoir trop bu, trop bu de tristesse, de promesses, de paroles qui "se posent sur ma bouche"...et malheureusement sur mon coeur. Mais je déteste Paris, je la déteste, et je l'aime tant. Désormais, Paris ce sera toi.. La première fois que je t'ai vu, Paris a eu une identité. Avant ca ne me disait rien, c'était beau, japonais et vide. Maintenant, ca veut dire quelquechose, quand on me dira Paris, j'entenderai ton rire, je verrai ton sourire, et je me rappellerai les meilleurs moments de ma vie. Je me demande si je pourrai un jour y aller sachant que c'est fini. Paris c'est toi.
Tant de fois on nous a regardés, comme moi je regarde aujourd'hui ceux qui s'aiment, ceux qui croient encore que l'amour fou existe, ceux qui sont heureux oubliant le monde, oubliant la guerre, oubliant la misère.
Tu m'as serrée très fort, la tour eiffel nous enviait, elle a demandé à la pluie, sa voisine, de tomber, croyant qu'elle pouvait nous séparer... elle est bête, si les kilomètres n'ont pas su le faire, la pluie pouvait rêver. On s'était promené tant de fois dans le vent glacial, seuls dans les rues désertes à cause du froid insupportable, mais c'était bien, et on ne sentait rien, même si nos nez rouges trahissaient une sensation ignorée.
Mes cheveux volaient dans le vent. Devant la porte de l'immeuble, je pouvais regarder le mirroir de l'entrée, et je nous ai regardés. Je savais que c'était la dernière fois, même si on s'était vus et séparés à plusieurs reprises, cette fois c'était différent. Je voulais contempler pour la dernière fois la plus belle image de mon existence. C'est l'image que j'ai encore de toi. Je savais que ca allait être utile. C'est curieux comment la mémoire peut parfois immortaliser un moment.
Tu me disais que j'étais belle, tu me regardais différemment, tu ne voulais rien de moi à part ma présence. Je me rappelle le jardin des plantes, on s'était étalés sur la boue sous le soleil, rien ne nous dérangeait, ni la chaleur du soleil venu après des jours de pluie (après la pluie vient toujours le beau temps), ni la boue sur nos habits... c'était tellement bien. Ensuite, on a couru sous les fontaines, comme quand j'avais 10 ans. Le gardien du parc nous suivait et ca nous faisait rire... maintenant ca me fait pleurer.
On marchait je ne sais où, on a dû beaucoup marché parce que la nuit était tombée.
Ta mère ne te croyait pas quand tu disais que t'as été dans un musée, elle ne pensait pas que tu pouvais aimer van ghogh ou l'art chinois, surtout qu'en rentrant tes habits étaient déchirés des folies qu'on faisait . Elle ne me croirait jamais si je lui disais la vérité, que c'est toi qui m'a appris l'art, la littérature et la beauté.