vendredi, août 22, 2008

Le compte à rebours

Le voyage se banalise de plus en plus. Tous les jours, des amis rentrent passer un week-end à Beyrouth, des cousins font leur valise pour des vacances sur une île, des voisins voyagent se marier civilement à l’étranger, une fille choisit soigneusement ses habits pour passer une semaine chez son fiancé parti travailler à l’étranger, un étudiant embrasse sa mère pour partir faire un stage en Europe, un père pose, machinalement mais majestueusement, un beau képi pour aller retrouver son avion, sa seconde maison …
Le voyage se banalise depuis que les billets d’avion se font plus abordables, depuis que les familles se dispersent et depuis que les ambitions débordent des frontières.
Il suffit d’une simple invitation tentante, de quelques économies, d’un goût quelque peu accentué pour l’aventure pour faire un pas, et puis deux, et s’évader un moment… ou plus.
Mais il en est autrement quand le voyage est à durée indéterminée. Cette envie d’escapade, d’aventure, de découverte et de repos laisse la place au doute inévitable face à l’inconnu, à l’angoisse de ne plus jamais revenir à son pays et la peur de ne jamais pouvoir transformer le pays de destination en un « chez soi ».
Savoir la date du départ crée un drôle de sentiment, semblable peut-être à l’hypothèse utopique d’une mort fixée à l’avance dans le sens où l’on sait combien de jours il nous reste, et on compte bien en profiter jusqu’au bout, jusqu’à la dernière seconde, sans retenue et sans modération.
J’ai toujours su qu’il en serait ainsi. Et j’ai toujours pensé que les derniers jours avant mon départ seront passés inlassablement sur une plage beyrouthine et que les dernières nuits seront blanches, dépensées dans le bar le plus branché de la ville et bien arrosées.
Il en fut autrement.
Curieusement, sachant que je ne reviendrai plus avant longtemps, j’ai ressenti le besoin de passer le plus clair de mon temps tantôt bien installée dans un canapé qui me connaît bien, creusé au milieu par mes propres fesses à regarder des séries que je connais par cœur aujourd’hui, et tantôt sur la table haute de la cuisine à déguster avidement des gâteaux parfumés et enfumés très fraîchement sortis du four et des petits biscuits qui ont le goût du chocolat, de la vanille, de l’orange et surtout… de ma maison.
Et pour la toute dernière soirée, quoi de plus évident qu’un dîner entre meilleurs copines, comme toujours et sans grande cérémonie, le verre de vin ennuyé des conversations pathétiques d’habitude – mais si amusantes – et l’esprit prêt à se défouler sur les gens de passage et sur les pizzas succulentes du nouveau italien.
Enfin, et pour éviter des adieux superflus et peu agréables, finir par une promesse écrite – réflexe de juriste – que je fais signer à mes copines de venir me visiter dans 10 jours exactement, ni plus ni moins, pour jeter dans les rues de cette ville encore étrangère, un peu des étincelles de nos vies.

A Gaelle qui part aussi...