mercredi, mars 30, 2011

La philosophie des bactéries

Je connais un garçon très nul. Ne lui dites pas que je pense cela de lui, mais franchement, il n’a pu réussir ni le design, ni la chimie. Ni le sport, ni l’économie. Ni l’architecture, ni l’agronomie. Pas aussi nul que ca au fait, parce que pour planifier des fêtes, il était roi. Et dans son roof top au centre de Londres, on a laissé quelques souvenirs… mes amis et moi.

Ce garcon gaté n’a quand même pas manqué de nous surprendre. Parce que pour choquer, il savait s’y prendre. Et du haut de ses échecs accumulés, ils nous annoncent dans un message facebookain, vite fait, qu’il a décidé d’entreprendre la médecine. Et qu’il s’est inscrit en première année, en Chine.

Gentiment- mais avec une touche de sarcasme- on l’appelle pour le dissuader de perdre, encore une fois, une année. Et de se concentrer sur ce qu’il réussissait… les soirées. Il défie le groupe et le monde que bientôt il sera le médecin le plus reconnu de Londres. Peut-être. Mais en tout cas, même si j’aime bien ce garçon, je n’irai pas le voir la fièvre au front.

Plus tard dans la journée, ennuyée et fatiguée, je décide de lire un passage sur les bactéries. Puisque depuis quelques temps, elles insistent à ce que l’on devienne meilleures amies. Apparemment elles choisissent le moment propice. Un moment de fatigue pour s’installer pleines de vices. Aussi, elles s’installent là où le corps n’a pas de défense. Pour que rien ne les dérangent et pour qu’elles profitent de leur danse.

Ensuite, petit à petit, en groupe et pleines d’énergie, elles se propagent dans le corps sans faire de bruit et attaquent plus fort l’objet affaibli.

La médecine, c’est facile. Et ca me donne quelques idées. Un voyage en Chine ? Ou peut-être tout simplement, une tactique d’attaque contre celui qui me résistait.

Commencer par le point faible bien identifié… et de là-bas, planifier le reste de la randonnée.

Simplicité!

Chut… j’y vais !


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Une lettre

Une lettre jetée sur le parquet. Un parquet usé. Je la laisse par terre. Je la lirai plus tard. Peut-être. Si j’ai le temps.

Mais quelque chose m’attire. Et me pousse à la lire. On dirait qu’elle contient un message important.

En effet. Un message du propriétaire. Qui m’informe que je devrais ranger mes affaires. Et partir dans un mois. Ou deux. Est-il sérieux ?

Je regarde autour de moi. Perdue et choquée. Cet appartement que j’ai longtemps détesté.

Je regarde une tache de vin sur la moquette. Et une égratignure sur la peinture. Causée par un tableau que je n’ai pas su accrocher. Que vais-je faire et ou aller ?

Je regarde mes affaires dans des boites en fer. Je regarde les traces de vie, de soirées après minuit, les débris et les bougies. Je regarde les photos au dessus de mon lit. Je regarde ma vie.

Je sors sur ce balcon que j’ai souvent trouvé trop petit. Et devant moi, la vue que je trouvais jusqu'à aujourd’hui laide et sans vie, me semble tout à coup très jolie.

J’appréciai soudainement cet endroit qui n’a appartenu, durant les trois dernières années, qu’à moi. Et l’immeuble imposant juste en face m’envahit et me détruit.

Parce que je connais chacune de ses fenêtres. J’y connais chacun de ses êtres. Ceux qui y habitent étaient mes amis. Je connaissais leurs manies. Et souvent aussi… je leur disais bonne nuit.

Une belle vue aurait autrefois signifié la mer, les montagnes, un olivier. Parce que j’habitais des maisons agitées. Par mes frères, ma sœur, mes parents et mes voisins de pallier. Le bruit à l’intérieur me poussait à rechercher, dehors, la sérénité.

Mais ici à Londres, dans un studio sombre, alors que le silence dedans était omniprésent, c’est la vie dehors que je voulais. Et de la vie, du bruit, l’immeuble d’en face, moche, sale et gris, m’offrait.

Il y a une femme qui fume souvent en sortant la tête de sa fenêtre. Il ya un couple qui se dispute et que je comprends de ses mouvements et de ses gestes. Il ya un vieux qui lit un journal devant sa télé. Qui passé ses journées sur un canapé. Il ya aussi un beau gosse que je n’ai toujours pas eu l’occasion de rencontrer. Il ya la femme aux jolies plantes. Il ya l’enfant qui souvent la nuit chante. Il ya des étudiantes qui crient en pleine nuit. Et que fatiguée j’ai tellement de fois haï.

Mon cher bout de vie va me manquer. Ma porte grinçante et le vin sur le plancher. Mon lit trop dur et la mauvaise peinture. Mon petit miroir et le désordre dans mon armoire. Et surtout… les gens d’en face que j’ai aimés. Qui ont comblé mes insomnies et mes tristes journées. Sans qu’ils ne sachent qu’une petite libanaise, en face, existait.

Adieu, merci… bonne nuit.

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jeudi, mars 17, 2011

Les impardonnables

Le vernis écaillé. Les cheveux pas lavés. Manger dans le métro. Robe et espadrilles en lieu de stilettos. Les saucisses de bon matin. Le bavardage sans fin. Les mecs avares. Les cafards. L’eau gelée en plein hiver. Les visites imprévues du propriétaire. Les jupes trop courtes quand les cuisses sont trop lourdes. Les bretelles de soutien-gorge qui se veulent transparentes. Au bureau, les minutes lentes. Et les secondes encore pire. Le travail à n’en plus finir. La pluie le weekend. Le beau temps les lundis. Le gris. Le gris. Les files devant les boites de nuit. Le placard vide quand j’ai faim. Pour sortir, devoir prendre le train. Le seul beau mec du bureau marié. Sa femme la bombe qui travaille au premier. Leurs enfants sortis d’un magazine. Et leurs soirées au bord d’une piscine. Ma collègue qui mange des chips et qui se lèche les doigts. Qui, ensuite, tape sur son clavier et moi qui calme mon effroi. Le diner romantique annulé. Et les chaines que j’aime qui disparaissent de ma télé. Mon t-shirt accroché au balcon pour sécher… envolé. Et l’autre dans la machine… décoloré. Le café trop dilué. Le pain brûlé. La mauvaise pizza qui arrive. Le livreur qui sort ses archives. Le placard toujours vide. Et le chat du voisin qui se suicide. Des catastrophes mondiales provoquées. Quand les dégâts naturels sont assez. Et encore... le vernis écaillé. Le taxi qui sent mauvais. Le chewing gum collé sur mes nouvelles chaussures. Parler à un mur. Les anchois. Manquer de choix. Etre seule le soir. Mes racines noires. Porter un petit haut parce qu’il fait beau et se faire surprendre par un vent glacial. A Londres, les visages trop pâles. Ta voix nonchalante souvent enrouée… Et surtout surtout… ton injuste beauté. Toi mon impardonnable pécher.

mercredi, mars 16, 2011

Coup sec

Il ya des choses qu’il vaudrait mieux faire d’un coup sec.

Comme enlever un pansement, puisque l’enlever doucement fait mal plus longtemps.

Sauter sous la douche quand l’eau est gelée. Au lieu d’y glisser les bras… puis les pieds.

Se couper les cheveux, comme je l’ai fait le weekend dernier. Puisque Marco le coiffeur était complètement booké. Et mon impatience a gagné. J’ai pris de la cuisine mes ciseaux de jardinier… et les yeux mi-fermés, j’ai foncé. Le résultat n’est pas si mauvais. Quand on ne regarde pas de trop près.

Comme avaler un shot de tequila. Puisque je déteste le gout mais je le fais… pour l’effet. Et pour ne pas passer pour la lourde qui ne sait pas s’amuser. D’un coup sec. Et c’est fait. Taper de la main sur la table juste après, aide, il s’est avéré.

D’un coup sec aussi, s’épiler… mais là, je me retiens. C’est mal élevé.

D’un seul coup, sec, crier, vider la haine de son corps, et ne laisser place qu’au bonheur, se libérant des remords. Je l’ai fait aussi. Du balcon. Bien sûr, je l’ai nié. Qui pourrait bien vérifier?

D'un coup sec, fermer vite vite la porte de l'ascenseur avant que l'on puisse s'y faufiler. Pour que j'y sois seule et que je puisse applatir mes cheveux par la pluie gonflés. Aussi, pour éviter la conversation matinale qui me dégoute et me fait mal !

D'un coup sec se lever du lit, malgré les paupières alourdies et les jambes affaiblies suite à une nuit d'insomnie.

D'un coup sec, tout lui dire et tout lui avouer. Ce charmant garcon que j'ai rencontré. Au moins, comme ca, il le sait. Et mes sentiments sont partagés ...

vendredi, mars 11, 2011

Parce qu'elle pouvait

La mère de Céline est venue la visiter le weekend dernier. C’était tombé d’avance, je pouvais déjà oublier nos ballades nocturnes et nos cafés. Bien sûr, je comprends. Un weekend sacrifié de temps en temps, pour faire plaisir à sa mère qui vit en nous attendant, et pour se faire plaisir aussi en se ressourçant auprès d’elle, n’est pas uniquement une obligation, mais l’évidence même.

Illico, je fais des plans alternatifs, des plans de rang B, en attendant le weekend d’après, où tout reprendrait le cours normal des choses. Cela s’impose.

Céline est une fille différente. Différente des gens qui m’entourent. Parce qu’elle n’est pas banquière. Et cette trouvaille dans une ville rongée par les banquiers la rend encore plus spéciale qu’elle ne l’est.

Souvent même, j’avance avec un peu d’arrogance, que ma copine, elle, travaille dans le domaine de la musique. Et elle appelle les stars par leurs prénoms. Comme si la connaitre pourrait me donner aussi cet air cool que je lui envie, puisque moi je fais malheureusement ce que tous les autres font ici.

Je l’appelle en fin de weekend, beaucoup plus pour parler de moi que pour l’écouter. Au passage, elle me lance qu’elle a été malade pendant deux jours et qu’elle en a profité pour se reposer.

Je m’arrête tout de suite de parler. Et je la bombarde de questions sur son état de santé. Et sa mère ? Qu’avait-elle fait ? Elle qui pensait venir voir sa fille et s’amuser …

Mon amie me répondit ce qui ne manqua pas de me laisser bouche bée. Elle me dit ce que je trouvai assez significatif. Quand le rythme de la vie fait que fatigué, l’on se sent fautif. Elle m’avoua tout simplement… qu’elle était tombée malade parce que protégée par sa mère, elle a sentie qu’enfin… elle le pouvait.

Une fille

Il y a quelques années d'aujourd'hui, je ne l'aurais pas choisie pour amie. Elle est géniale, la fille. Mais franchement, elle et moi, on se ressemble comme le jour... Et la nuit.

Ironie du sort, elle dort le jour. Et moi, la nuit.

Non, on n'aurait pas eu ces atomes crochus qui nous auraient rapprochées. Ce qui change aujourd'hui, c'est que dans cette ville - oui... Encore une fois cette maudite city - nos atomes crochus sont nos racines. Inutile de préciser qu'au Liban ceci ne représente aucune originalité.

A partir de ce point de départ, nous decouvrimes à notre grande surprise ce que nous n'aurions pas découvert quand nous étions plus près de notre terre.

Et j'appris à la connaitre au delà de la peau jusqu'à son être. J'appris a voir au delà de son rire souvent menteur une fragilité qu'elle se trompe de cacher.

Et elle apprit à me connaitre aussi. Elle qui me croyait, quand ensemble sur les bancs de la fac on étudiait, dure comme de l'acier.

Trouver une heure convenable commune pour se retrouver reste la plus grande difficulté pour alimenter cette amitie.

Mais hormis ce problème de nature technique, je la comprends. Et elle aussi.

Je l'ai appreciée davantage quand elle m'a dit avec un ton non denué d'ironie, "je n'ai rien contre les hommes. Ils sont gentils."

Bien sur, j'en ris. J'en ris autant que permis.

Mais pour comprendre une telle affirmation... Il faut etre une fille

jeudi, mars 10, 2011

Des épices dans un palais... libanais.

Samedi soir… nous décidons de sortir diner à deux. Lui et moi. Pour parler de nos semaines respectives autour d’un bon repas… libanais.

Parce que la nourriture libanaise me manque. Et celle-ci est toujours à partager.

Après des jours entiers passés seule dans ma chambre, je redécouvre le plaisir de redécouvrir la ville. Et de bien m’habiller pour sortir.

Soho… Le quartier de Londres qui ne manque jamais, à chaque fois, de m’inspirer. Par son énergie, son art qui ne prétend pas être artistique mais qui l’est vraiment, sans prétention, sans effort, en tout abandon. Ses passants déguisés sans le savoir. Ses boutiques colorées. Sa musique sourde. Son chaos organisé. Oui, j’aime Soho. Parfois.

A peine sortie du taxi, j’entends mon prénom dans la nuit. Je me retourne pour m’assurer que c’est bien moi qu’on interpelle. Et voilà que l’on tombe sur un groupe d’amis ayant eu parfaitement la même idée. Notre diner à deux se transforme en une sortie à dix. Et c’est bien cela que j’aime dans cette ville. Une ville où l’on croit se perdre dans l’anonymat. Mais qui n’est en réalité, à bien y réfléchir, que similaire à mon petit village libanais.

Autour d’une table allongée, on discute et l’on rit en arabe. Des arabes bien différents venus de la Tunisie, de la Syrie, de la Palestine, de la Jordanie, de l’Irak et… du Liban.

Les plats différents se servent pour le plaisir des yeux, du nez… et du palais. Des épices, des légumes, du citron, des feuilles de vigne, du pain fraichement sorti du four, du thym, du yaourt condensé, du persil, des oignons se mélangent et se marient offrant un spectacle de couleurs et une harmonie de saveurs.

En arrière plan, la voix de Fairuz s’éclipse derrière nos voix qui s’entremêlent et qui se disputent les révolutions arabes et les montagnes de mon pays.

Les assiettes passent d’une main à une autre et les conversations s’entrecoupent par des commentaires admiratifs des délices qui se donnent à nous.

Et à travers cette nourriture libanaise que l’on partage, dans sa texture particulière, dans ses couleurs diverses, dans sa richesse et dans ses assaisonnements, cette idée de comparer l’Orient à l’Occident me frappe et me surprend. Parce que le peuple arabe est généreux, il aime le partage et le chaos, il se sent concerné par le problème du père, de l’ami et du voisin, il donne sans compter et n’hésite pas à le faire mais surtout… il ne peut être réduit à une couleur, une senteur ou une arome. Alors que l’Occident qui nous accueille, est, malgré ses diverses qualités, souvent individualiste, solitaire et égoïste… Sa cuisine est rarement celle du partage, puisque sont offerts dans ses frigos de grande surface, des plats congelés… pour un individu et un seul, souvent en quête d’identité.

Voilà pourquoi souvent, quand la ville nous mène et surmène et que l’on trouve du mal à se retrouver… moi je préfère dormir. Sans manger.

mercredi, mars 09, 2011

Histoire singulière

Coup de fil à 22 heures. Pas de chance. J’avais décidé de me coucher tôt. Mais c’est une copine. Enfin, une très bonne. Parce que la décision de plonger dans un sommeil, un vrai et de bonne heure, m’avait gagnée depuis ce matin. Franchement, il fallait bien que je trouve une solution pour couper court aux siestes sur le siège du bord dans le métro. Et par conséquent, couper court à mon trajet se résumant de plus en plus « à la station de trop ». Bref. Je le répète: PAS de chance.

Si ma copine m’a appelée, c’est pour me raconter un évènement amoureux venu s’ajouter à une suite de péripéties s’étant étalées sur quelques années. Et pour qu’elle prenne son courage entre ses deux mains et partage avec moi ce qu’elle avait juré la veille ne plus laisser se reproduire, c’est que la situation devait être bien grave.

Bien sûr, agacée (mais le cachant bien), je murmurai ce que je savais d’avance voué à l’échec. Ces mots que l’on se force de dire, alors même que l’on sait inutiles et désuets. Je lui dis que ca passera, que tout le monde est passé par là, que le temps apaise les blessures, que dans quelques années elle regardera en arrière et rira de cet amour et de ce mec qui ne méritait pas ce détour...

Mais elle me dit que non… Que je ne pouvais pas comprendre. Que leur histoire à eux, lui et elle, était différente, qu’elle ne pouvait être réduite aux histoires des autres et qu’elle devait être traitée dans son individualité propre. Et bien sûr, j’acquiescai. Non, pas par hypocrisie. Mais parce qu’il y a quelques mois d’aujourd’hui, j’étais elle. Oui, j’étais Juliette, accusant le monde de ma relation impossible et trouvant dans ma rupture une justification extérieure et étrangère au simple fait que lui et moi… nous faisions 2. Et pas 1.

Parce que nous ne voulons jamais croire qu’il ya des siècles et des siècles que le monde fonctionne ainsi. Que tout le monde aime, rompt, se blesse, blesse, pleure et oublie. Parce qu’il ya en nous du romantisme, de l’égocentrisme, de l’arrogance, des rêves de princesse et de paillettes, qui font que nous croyons souvent notre relation singulière et qui font que nous nous enrageons vite quand une copine, un frère, une mère osent – et comment osent-ils ? – affirmer que tout le monde est passé par là. Oui, comment osent-ils? Comment osent-ils quand lui et moi, nous sommes passés par des routes tout à fait différentes, ces routes que personne, personne, n'aurait pu connaître. Puisque nous les avions inventées...

Alors comme ca… je la laisse faire. Je la laisse faire en souvenir de qui j'étais. Je lui dis qu’il est vrai que leur amour à eux aurait dû durer. Qu’à deux, ils faisaient un très beau couple. Et je l’entends pleurer de plus belle… Mais je sais que rien ne sèchera ses larmes. Rien ne la consolera. Et rien au monde ne pourra la convaincre qu’un jour, dans un avenir proche et lointain, elle se réveillera et sans effort quelconque, sans contrôle de soi, sans produits chimiques et sans liquide intoxicant, sans groupe de copines folles servant de support et sans chansons dépressives, sans crise de rebellion et sans sms de colère, sans nuits blanches et sans discours à soi-même, elle se réveillera heureuse et en beauté, elle rougira à nouveau devant un autre mec à laisser tomber et elle se dira que l’autre histoire après tout… ne méritait pas tout ce drame.

Mais que celle-ci par contre… Celle-ci - et il faut bien me croire cette fois-ci - a tout un autre charme !


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dimanche, mars 06, 2011

Vivre de pêche

Je savais que la marche serait longue.
Parce que c’est dimanche soir. Et il n’y a pas de taxis. Je sais, je sais… je l’ai beaucoup dit. Mais ceci est un peu un prétexte. Pour commencer ce texte.
Comme la marche allait être longue, j’ai préparé mon imagination, pour que celle-ci m’emporte vers mes folies les plus profondes, et me laisse rêver en chanson.
Dans ma tête défile des images et des situations, d’endroits où j’aurais voulu être et surtout… de ce que j’aurais voulu faire. Parce que si plus jeune mon ambition suffisait, maintenant, c’est l’audace qui manquait.
Je vole, je nage, je plane… je rêve de cette vie d’écrivain, d’artiste, de poète que j’aurais voulu avoir.
Je marche encore… mais je n’y pense plus. Le froid m’indiffère. Parce que je suis dans ce monde parfait que je visite pour quitter la terre.
Demain, lundi, le weekend sera fini. Et rien qu’à y penser des crampes me viennent à l’estomac. Non, je n’aime pas ce que je fais.
Quelques semaines plus tôt, mon directeur au bureau a fixé l’objectif à atteindre pour cette année. En banque, ca se traduit par un nombre. Il va falloir que je fasse quelques millions. Alors que pour mon bonheur, souvent, il suffit qu’on me prête un crayon.
Les rêves sont donnés à tout le monde. Mais les rêves s’effacent au fur et à mesure que la vie passe.
Moi aussi, j’avais beaucoup de rêves. Certains se sont envolés alors que je croyais les réaliser. Aujourd’hui il m’en reste quelques uns. Et je me souviens qu’il ne relève que de moi de dessiner mon destin.

vendredi, mars 04, 2011

En compagnie de soi... etc.

« Un homme seul est toujours de mauvaise compagnie. » Et ce n’est pas moi qui le dis. C’est Valéry.
J’avais lu cette citation quelque part et elle m’était restée à l’esprit. Parce qu’elle m’avait plu. Mais ce que je n’avais pas réalisé, alors, c’est que je ne l’avais jamais vraiment comprise. Alors comment se fait-il que j’en ai marqué la page, comme si cette affirmation me parlait… alors que je n’y comprenais rien en réalité ?
En y pensant… je me souvins trouver cette phrase tellement bizarre que j’en appréciais une absurdité qu’il me convenait d’inventer. Parce qu’avouer ne rien comprendre à une chose qui pourrait m’intéresser m’aurait longtemps bouleversée et m’aurait surtout volé ce qui restait de ma concentration affaiblie face à la vie.
Alors je me suis joué ce tour que je commence à maitriser, et je m’inventais en cachette – pour qu’on ne vienne débattre mes conclusions – un sens faux – mais convenable – d’une phrase à l’allure simple mais aux vices cachés.
Comment un homme seul pouvait-il être de mauvaise compagnie ? L’hypothèse est pourtant claire. Il est seul. Donc il n’a pas de compagnie. Qu’est-ce qu’il raconte Valery ? C’est sans doute de l’absurde. Déjà, le mot "absurde" me plait. Et voila, j’en restais là.
Jusqu’au jour où il m’a fallu rester seule… mais pas seule une soirée, une journée, un weekend. Non, seule pendant dix jours. Et Valéry alors, réapparut dans ma vie, "de nulle part" comme dirait Barbara, avec un sourire quelque peu vicieux, me dire que voilà, maintenant j’avais compris, qu’absurde n’était pas exactement sa philosophie.
Parce que seul, oui, on a quand même de la compagnie. Puisqu'on laisse la place à l’imagination. A la mémoire. A la conscience. A l’Inconscient parfois. A l’analyse. A l’autocritique. Aux questions transcendantales de la vie, celles que l’on remue par bêtise puisque jamais des réponses en ont découlées. Aux émotions qui ressurgissent mieux et plus fort dans le silence. Aux peurs souvent refoulées. Aux larmes devant un reportage de télé qui vient masquer une vraie raison (pas vraiment) cachée… Et surtout… surtout… on laisse la place à notre seul ennemi. Soi.
Un homme seul n'est jamais vraiment seul du coup. Au contraire... il est souvent - trop - entouré, par ces personnages rarement invités.
Vite, vite… j’appelai Julie. En compagnie de moi-même ? Non, merci.
Maintenant, Valéry, je te comprends. Enfin…. pour le moment.

jeudi, mars 03, 2011

Et il y a le Liban

Nous critiquons tous le Liban. Tous. Nous libanaises, nous critiquons les femmes libanaises. Nous les accusons de superficialité, d’hypocrisie parfois, d’excès. Nous accusons les hommes aussi de machisme, nous accusons les parents de leur attention souvent exagérée, de leur ingérence, de leur sévérité…

Oui, nous regardons le Liban à travers une loupe. Et nous avons le droit. Parce que le Liban est nôtre. Comme les parents ont le droit de critiquer leurs enfants. Comme un frère a le droit de faire des observations parfois dérangeantes à sa sœur. Le droit découlant d’une bonne intention. De la volonté de protection. La légitimité de l’affirmation se trouvant dans l’information. Tout simplement. Parce que qui connaitrait le Liban mieux que nous, libanais.

Mais je défie tout libanais d’accepter qu’un étranger pointe notre cher pays du doigt. Nos femmes. Nos hommes. Nos parents. Parce qu’il s’agit là d’un cas de figure tout à fait différent. Le droit y faisant défaut. Et la légitimité alors devenant questionnable.

Parce que le Liban nous l’aimons tous. Et je peux affirmer que les libanais que je connais, vivant à l’étranger, vivent par procuration et à travers un calendrier. Je peux vous assurer que même si souvent j’ai été tentée de partir plus loin, plus beau et plus exotique, mon cœur, lui, s’oppose à cette envie et fait défiler devant mon regard froid et errant une plage libanaise souvent moche, sale, chaotique mais oh que je l’aime.

Libanaise je resterai dans l’âme, dans la tête, dans l’accent, dans mes fausses mèches blondes et jusqu’au bout des ongles toujours vernis d’une libanaise jamais convertie.

Aujourd’hui un rayon de soleil s’est infiltré dans ma chambre. Et mon bonheur, lui, a trouvé sa source dans le soleil du Liban. J’ai eu recours à la théorie de la proportionnalité pour imaginer chez moi un soleil encore plus fort, plus vrai, plus audacieux.

Et mon imagination n’a pu qu’entendre le bruit du printemps – parce que le printemps fait du bruit - ce bruit délicieux de voitures qui passent à intervalles espacées, d’oiseaux qui commencent doucement à bavarder, de feuilles d’arbre qui se caressent et de ma mère dans la cuisine toujours occupée.

Nous critiquons le Liban. Mais nous le sommes. Nous sommes toutes ces choses qui nous dérangent, nous sommes son charme fou, nous sommes son désordre, son chaos, son embouteillage, ses poubelles, son permanent danger, sa chaleur, son excès, sa structure compliquée, ses éternels pourparlers.

Ce matin, j’aime le Liban un peu plus. Parce qu’il ya des jours comme ca, où l’on aime plus, sans savoir pourquoi.

Et comme il ya des partenaires stables et raisonnés, qui promettent des relations saines et à longues durée, de beaux enfants et de jolis carnets et d’autres amants qui ne promettent rien du tout à part la ferveur du moment, il ya des pays aux gouvernements francs. Et il ya le Liban.

mardi, mars 01, 2011

Tant pis pour Canary Wharf

Ces quelques derniers jours méritent sans doute de figurer dans un des chapitres de ce livre imaginaire que ma mère appelle : « les épreuves de la vie ».

Cadeau de printemps, aliment criminel ou autre, j’ignore la raison qui a fait que mon corps entier réagisse en quelques secondes et me transforme en monstre. Je dis monstre parce qu’en me regardant dans le miroir, je vois Charlize Theron. Non, pas la Charlize glamour et sexy sur le tapis rouge. Mais la Charlize monstre dans Monster. Si vous n’avez pas vu le film, googlez le (non, ce n’est pas une erreur linguistique. Le verbe « to Google » existe maintenant dans le dictionnaire. Si, si… j’en suis sûre).

Bref. A part la catastrophe esthétique qui m’a profondément affectée (je suis un peu superficielle quand même), la véritable douleur s’est située au-delà de la peau et m’a permis de remettre les choses en perspective.

Souvent, dans une grande ville comme Londres, l’organisation s’impose. Parce que les minutes deviennent précieuses. Métro à 7h du matin, salle de gym à 20h, verre entre copines vendredi à 21h et ainsi de suite. Les rendez-vous s’installent dans le calendrier nous volant le plaisir de la spontanéité, des grasses matinées et des envies instantanées. Tout devient programmé comme pour que l'on puisse profiter au maximum de son temps.

Alors que c’est en le domptant tellement, que nous le perdons vraiment. Son temps.

Et dans cette organisation poussée des choses, on passe surtout à coté d’une réalité évidente. Celle d’être, malgré tout, humain. Parce qu’en donnant rendez-vous dans une semaine ou dans deux, on élimine du coup la possibilité qu’un évènement extérieur et imprévisible, « une force majeure » (comme dirait la juriste endormie en moi), viendrait bousculer l’ordre des choses et ajouter quelques péripéties dans sa vie.

Samedi matin, j’enfilai à la hâte un jeans et me dirigeai, encore dans le t-shirt qui me sert de pyjama- dans le premier taxi vers les urgences. Je résistais encore à cet acte de raison, détestant les hôpitaux et étant imprégnée de cette arrogance libanaise que rien ne peut m’arriver. Jusqu’au moment où j’ai détecté dans le regard noir de mon amie qui me fixait une peur presque tangible.

Malgré l'urgence du moment, je pris le soin d'emporter mes lunettes et mon chapeau, le déguisement ce jour-là s'imposant naturellement. Et là, j’aime à m’imaginer, comme pour me consoler de la douleur (et/ou de la laideur), Kate Moss sur les rues d’Angel déguisée pour ne pas se faire reconnaitre et pour éviter d'attirer la curiosité des passants.

(Sauf que j’étais Charlize... Encore).

Je passe le chapitre des médecins incompétents, des seringues qui restent ma seule phobie, de la ballade sous la pluie en pleine maladie pour absence de taxi, de ma mère au téléphone qui se sent impuissante mais qui ne comprends toujours pas que sa voix, seule, est mon unique force, des hôpitaux sales et tellement anglais, de la difficulté de faire les courses nécessaires quand on trouve à peine la force de trainer les pieds…

Je passe. Parce que si j’en parle c’est parce qu’il a fallu que je vive quelques jours difficiles pour que je me souvienne ce que Londres à tenté – en vain – de me faire oublier. J’en parle parce que même si j’ai souffert et que j’en souffre encore, j’ai surtout réalisé que l’on passe souvent à coté d’une bénédiction anodine mais des plus précieuses, celle d’être en bonne santé.

J'en parle parce qu'il a fallu que je vive ces moments pour me rappeler que quelque soit la cadence de sa vie, il faut toujours trouver du temps à accorder à ses amis et à sa famille. Parce que c'est à eux que l'on pense quand on a des bleus aux jambes et au coeur et quand on est heureux.

Et aussi… j’en parle parce que j’avais presque oublié que même fiévreux et lasse, il n’y a rien de plus délicieux que d’être octroyé, comme par le ciel, le cadeau de passer toute une semaine au lit à ne rien faire à part regarder two and half men à la télé.

Ce n’est pas tout. Oui, oui, ca devient encore mieux… Les oréos et toutes les bêtises du genre s’offrent et avec eux le Plaisir, oui le plaisir avec un grand P, celui qui se donne dans son acceptation la plus poussée, c’est-à-dire dénué de tout sentiment de culpabilité.

Tant pis pour Canary Wharf.
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Aubergine

Il ya certains aliments que les enfants n’apprécient pas. L’aliment que je ne pouvais pas avaler, enfant, était l’aubergine. La couleur, la texture et le goût me répugnaient que non seulement je n’y touchais, mais aussi je m’éloignais de tous ceux qui en mangeaient.

Je ne puis me rappeler exactement du moment du revirement soudain et définitif qui a fait de l’aubergine mon aliment favori. Je ne sais plus si cette métamorphose s’était produite par progression naturelle ou par un acte unique et précis. Tout ce que je sais, c’est qu’il suffit qu’il y ait des aubergines dans un plat, avec de la mozzarella, du poulet, une pizza ou des pâtes, pour que j’en mange jusqu’à ne plus pouvoir m’arrêter.

Et cette histoire de l’aubergine me pousse à penser qu’il ya des choses dans la vie qu’il faut apprendre, avec le temps, les années, à apprécier. Et à défaut d’y mettre l’effort nécessaire, ces choses souvent viennent à nous d’elles-mêmes, sans invitation quelconque, avec l’âge et la maturité.

Parce que l’aubergine, enfant, n’était pas ma seule ennemie. Il y avait aussi l’ennui. Je me souviens que je répétais souvent cette phrase, au risque d’agacer ma mère à court d’idées : « je m’ennuie ».

Et aujourd’hui dans ma chambre, un lundi matin très différent car oisif, dans un silence qui normalement m’aurait semblé pesant et difficile, je réalise qu’avec l’âge (même si la maturité n’y est pas encore), comme l’histoire des aubergines, je commence à apprécier le plaisir… de ne rien faire.