vendredi, septembre 30, 2011

Chapitre 1

Les débuts de livre, j’aime bien… ces quelques mots qui commencent une histoire. Ces premières phrases qui viennent fixer un ton, un contexte, un pays, une ile, une conversation, un monologue, une discussion avec soi-même ou un poème…

Les fins de livre m’intéressent encore plus. Parce que j’ai le défaut de l’impatience. Et je me surpris souvent, alors que je choisissais mon prochain roman en bibliothèque, a jeter un coup d’œil discret sur les derniers quelques mots. Cette mauvaise manie a parfois réussi a ruiner le bonheur de la découverte. Curiosité? Peut-être. Mais c’est surtout que je n’aime pas perdre mon temps.

J’ai vécu les trois dernières années a Londres comme ca. En permanent mouvement. Le Liban, j’y pensais, bien sur, mais il ne me manquait pas tout le temps. La douleur des souvenirs est souvent masquée par l’enthousiasme de partir. Cela dure en general deux ou trois ans…

La distance, quoique nécessaire, quoique choisie, n’a pas su me faire oublier… ni le confort de ma maison, ni le soleil de nos étés. Mes souvenirs restaient. Souvent altérés par une imagination fertile que je savais de moins en moins déceler.

Le Liban, j’en parlais… A moi-même, en compagnie d’un verre de vin, tard dans les soirées. Mais aussi a des gens rencontrés… Et quand la passion m’emportait, je me surprenais même a inventer quelques petits détails inoffensifs et superflus pour projeter une image de mon pays… gentillement retouchée.

Le Liban, maintenant, j’y suis. La nostalgie petit a petit trouve son chemin de sortie. Les souvenirs, eux, disparaissent pour faire place au quotidien. La passion lunatique que j’avais inventée s’éclipse aussi… Le romantisme, a distance, c’est joli. Mais sur place, l’on redécouvre les bouchons de 8h, les coupures de courant, et des gens pas toujours tres gentils.

Je pourrais bien écrire sur Londres. Lui crier ma passion. Ecrire sur les petits coins qui me manquent. Sur le marche du dimanche. Sur les écureuils. Les parcs. Les couleurs de l’automne. En oubliant, volontairement, le métro,les rats, le froid, la solitude et mon studio glacial. Mais cette fois je refuse. Je refuse de me laisser faire. Je refuse d’avoir la mémoire sélective. Et quand j’y penserai, je le promets, ce sera pour restituer au meme titre les fêtes de juillet et toutes les choses qui me faisaient chier…

Le Liban, j’y suis. Il n’a peut-être pas tellement changé. J’avais peut-être tout imaginé. Possible. Notre relation ne sera ni douloureuse ni paradoxale. J’y suis, rien de plus banal. Chapitre 1. Les compteurs a zéro. L’imagination au repos. Les souvenirs désuets en dépôt. Je retrouverai ma passion. Je chercherai partout s’il le faut. Je refuserai le faux.

Voila. J’ai mon début de livre. Ce sera, je pense, ce que je fais le mieux: une conversation avec moi-même. J’ai jeté un coup d’œil, vite fait, sur les derniers mots, juste pour avoir une idée… La page fut vide. Quelle drôle d’idée.

lundi, septembre 26, 2011

Abandonner

Persister. Persévérer. Insister. Répéter. Réussir.

La réussite ... Pour la validation de la société. Pour le bonheur des parents. Pour la satisfaction personnelle. Pour le pouvoir, l'argent.

Quoi de plus important ? La réussite relative, subjective, partielle... Qu'importe. Mais réussir. Demain ou dans un an. Réussir enfin.

Se réveiller. Travailler. Courir. Espérer. Prier. Vomir. Stresser. Exagérer. Paniquer. Puis reussir.

Etudier. Faire des études a l'étranger. Prendre le métro. Participer a un congrès. Changer de boulot. Faire le CFA. Des études de droit. Partir la-bàs. Faire des nuits blanches. Bosser les dimanches. Avoir les yeux cernés.

Rêver. Rêver de ne plus rêver. De cette vie qui ressemble à une corvée. De zéros en banque et d'enfants adoptés. De grands discours... Et d'un coeur lourd.

Mais réussir. Selon une définition imposée. Qu'on finit par avaler. Pour obéir a une certaine normalité.

Et puis un jour... Se surprendre à envier ceux qui décident de sortir de la course. De se poser. De prendre un break. D'observer. Envier ceux qui ont le courage d'abandonner.

Et dans leur echec je devine la plus audacieuse des réussites... Un bien-être independant qui se suffit à lui-même. Et surtout... une certaine liberté.

jeudi, septembre 22, 2011

Va-t-en

Elle te donnera du plaisir. Ephemere. Elle t'offrira ce que tu demandes. Mais tu paieras cher. Elle te fera oublier tes soucis. Et tes valeurs aussi. Tu n'es que de passage. Elle le sait. Elle te fera oublier ton age. Et ta peau de plus en plus ridee. Elle te chuchotera des paroles. Insensees. Elle partagera tes idees folles. Mais ne se laissera pas elle-meme emporter. Elle te donnera tellement. Que tu te retrouveras dans le neant. Elle parlera si fort. Qu'elle couvrira tes remords. Tu n'auras pas le temps de penser. Mais quand tes sous seront epuises, tu te reveilleras degoute. Elle n'aura pas de comptes a regler. Elle n'est pas responsable de ta malchance. Le contrat etait fixe d'avance. Ou tu pars depend de toi. Elle n'implique pas son coeur, c'est la loi. Le bruit te rend sourd. Elle est habituee aux rues, aux faubourgs. Elle survivra. Elle le fait depuis longtemps deja. Et si tu decides de t'en aller. Tant mieux. Ne t'attends pas a un adieu. Tu ne fus qu'un numero. Et elle, une habituee au faux.

Ne pleure pas pour des conneries.
Il y a, je crois, du vrai dans la vie.

Pas a Londres. Londres est une pute, petit.

lundi, septembre 12, 2011

Passion

Vous la connaissez cette bêtise? Celle qui consiste à attaquer tout, sauf l’objet du désir ? Sans logique. Sans fondement. Juste comme ca, bêtement ?

Moi, j’en ai été coupable dans la cour de récré. J’allais vers tous les garçons. Sauf celui qui me faisait rêver. Alors il croyait que je le détestais…

Et je n’ai pas changé. A dix-huit ans j’aurai pu me lancer dans des études de littérature. Mais j’ai opté pour des études plus sérieuses aux débouchés plus sûres. Des études de grand.

Je ne sais pas d’où vient cette manie. Cette tendance à bien réfléchir, à chercher au fond de moi, à fermer les yeux et à identifier ma passion… Pour ensuite faire tout. Absolument tout. Sauf celle-ci. Comme ci le plaisir qui y est attaché la rend illégale. Comme si le rêve dont elle émane la rend enfantine. Comme si le fait qu’elle soit octroyée du ciel la rend injuste. Comme si son intensité menace à tout moment son envolée.

Aujourd’hui la vie me rappelle sa brièveté. Et envers la vie, je suis passionnée. Je peux tourner en rond. Comme je peux foncer. Direct vers ce qui me fait vibrer.

Et je décide. De ne plus procéder par élimination. D’oublier l’accessoire et le superflu. De n’avoir que le génial en vue.

Plan A

Les plans B servent à beaucoup. D’abord, à enlever la pression du plan A. Donc à augmenter les chances de sa réalisation. Ensuite, à créer un sentiment de contrôle de la situation. J’ai un plan B donc je suis organisée. Enfin, c’est une bouée de secours quand le plan A se résume en un faux pas.

Beaucoup de gens pensent à tout. Même à des plans C et D. Ils sont réalistes. Ils sont réfléchis. Ils diminuent le risque. Et foncent dans la vie. Sans peur. Sans crainte. Sans panique.

Moi, je fais partie de ces gens- là. Parce que j’ai l’esprit juridique. Et la personnalité d’une poule en panique. Il me faut ce faux sentiment de sécurité, cette envie de tout savoir, tout maitriser, ce besoin de ne plus penser à demain, parce que demain n’est plus un secret. Pourtant, j’ai envie de lâcher… J’ai envie de ne plus penser… J’ai envie de danser avec le danger.

D’autres, snobent les plans B. Se révoltent face aux plans C. Je les envie. Ils croient en la puissance de leurs actes et ignorent l’éventualité d’une chute libre. Ils travaillent sur une chose et une seule. Ils foncent. Ils planent. Ils ne paniquent pas. L’échec est une idée qui les dépasse.

Et parce que leur esprit est imprégné de positivisme, et parce que leur attitude est décontractée, et parce que leurs pas sont solides, ils réussissent. Le plan A.

Aujourd’hui je me retrouve au niveau C, le dernier. C’est-à dire face à ce qu'on pourrait appeler à un plan A sans B, solitaire, et sans soutien complémentaire. Sauf que je ne m’y retrouve pas par choix. Mais suite à l’échec des deux niveaux préalables.

Et parce que je sais que c’est la dernière chance. Le dernier tir. La seule tentative qui me reste. Parce que je sais que je n’ai qu’un coup à faire, qu’il doit être juste et bien visé, qu’il doit être parfait, que je me lance sans peur, ni hésitation, vers la destination qui aurait, autrement, affaibli mon cœur.

Un plan B, c’est prudent. Mais un plan A, seul, majestueux, arrogant est parfois suffisant.

Folle de toi

Moi je te connais beau. Bronzé en plein été. Gai les jours feriés. Joyeux à Noel. Moi je te connais galant. Je te connais généreux. Parce que je ne te vois que rarement. Alors tu me fais les doux yeux.

Moi Je te connais passionné, romantique, parfois fragile, souvent tragique. Comme moi.

Je te connais paradoxal. Mais toujours glamour. Bien habillé. Soyeux comme du velour.

Je te connais enthousiaste de me revoir. Toujours au rendez-vous. Séducteur. Beau-parleur. Voleur de coeurs.

Je te connais un peu voyou. Un peu fou. Désordonné. Mal élevé. Pressé. Tu me tues. Tu.

Je reviens te voir. Et je me demande à quoi ressemblera notre histoire. Puisque je n'ai pas connu ta routine. Et je ne connais que la folie de tes nuits beyrouthines.

A quoi ressembleras-tu les mardis matin ? Les mois de fevrier où la ville se fait chier ? Les jours où il fait ni chaud ni froid? M'aimeras-tu si tu savais que cette fois je restais? chez toi?

Je prends le risque. Mais fais-gaffe. Je m'ennuie vite. Et je ne le répèterai pas deux fois. Rends-moi folle. Folle de toi.

Et si l'autre te demande de moi... Dis que tu ne sais pas. J'ai murmuré un faux au revoir. Un vrai Adieu n'aurait que retardé le depart...

Je ne t'aime pas

Prépare mon lit. Les draps blancs brodés de gris.
Remplace le miroir de mon rétroviseur. Je l'ai cassé lors d'une randonnée à la mauvaise heure.
Dis a Marie que je serai là dimanche prochain à dejeuner. Invite-la à passer la journee.
Prends rendez-vous chez Claude le coiffeur. Dis lui de rendre a mes cheveux leur couleur.
Prepare la table de la salle a manger. Couvre-la d'une nappe et chauffe le café. Je reviens étudier.
Dis à Papy de tenir bon. Je serai là plus vite qu'il ne le croit. Qu'il compte jusqu'à trois. Cent fois.
Appelle le docteur. J'ai des maux de dos et des blessures au coeur.
Repasse mes petites robes. L'hiver chez nous est doux. Et pas snob.
Raconte à mes amis. Que je les retrouverai pour un cafe tous les dimanches après-midi. Que je suis la même. Même si j'ai un peu grandi. Même si je n'ai pas reussi.
Dis à la mer. Que je reviens m'y baigner. Qu'elle me fera peur au debut, cela fait une éternité. Que je n'ai pas en elle trempé mes pieds.
Dis à Carol. Qu'elle devra tout partager. Ses chaussures à talons. Ses chemises en dentelles. Et ses robes de soirée.
Achète de la mélasse. Et fais-moi tes petits gâteaux. J'en mangerai toujours un peu plus qu'il ne faut.
N'achetez-pas ce chien. J'ai horreur des promenades de bon matin.
Déchire mon passeport. J'en ai marre des avions et des aéroports.
Ne me laisse plus partir. Meme si je t'en supplie. Meme si je crie. J'ai été la-bas. Et j'ai oublié de sourire.
Protège-moi. De moi. Partout à part chez vous j'aurai froid.
Je reviens. Pour de bon cette fois.

Londres. Je ne t'aime pas.
©

vendredi, septembre 09, 2011

Lève-toi !

Il y a eu les examens, la vitre du balcon cassée, le froid, le vent, les entretiens à passer, il y a eu les déménagements, les cartons à remplir, les cartons à vider, il y a eu les problèmes d'argent, les amitiés brisées, le linge à repasser et les matins deboussolés, il y a eu la plus belle histoire d'amour, et la rupture la plus tragique, il y a eu les livres de droit, puis ceux de mathématiques, il y a eu les souris dans l'armoire, les cris dans le noir, il y a aussi eu un rat, difficile à croire mais là je ne mens pas, il y a eu des erreurs au boulot, des nuits blanches, des pannes d'eau, la morosité chaque dimanche, il y a eu les mecs rencontrés, un american, un anglais et quelques uns qui refusent d'être rangés, il y a eu l'espoir de l'amour marié à sa deception, il y a eu des chagrins et des pardons, il y a eu la persistance du bonheur, des choux à la crème et les kilos du malheur, il y a eu la joie vulgaire, il y a eu l'alcool et les colères, il y a eu la maladie en mai et un vol à main armée, il y a eu les lasagnes congelées, les diners amoureux longuement préparés, il y a eu le mal du liban, la voix de mes parents et l'intoxication volontaire, il y a eu la reussite, la tentative et la priere ...

Il y en a eu, des choses.

Des choses que je croyais dramatiques.

Jusqu'à ce que je realise qu'elles sont plutot comiques.

Puisque tu balaies mes priorités... Il n'y a que toi sur ma liste, toi, ma seule raison d'exister.

Alors vas-y, lève-toi!

Les lunettes

J'avais dix ans. Le jour où j'appris l'horrible nouvelle. Que pour voir la vie, il me fallait des lunettes.

Ma mère me prit en acheter. Encore sous le choc, et aveuglée par les gouttes dans les yeux, je choisis une paire qui me sembla plutot jolie. Ce n'est que plus tard que je decouvris qu'elle etait le sujet favori de mes camarades de classe les moins gentils.

Bref. Une fois de retour à la maison, ma mere décida d'appeler mon père lui annoncer la mauvaise nouvelle. Il etait à Toulouse en training d'Air Bus.

Mon père refusa d'y croire d'abord. Sa réaction me laissa perplexe parce que je ne comprenais pas pourquoi mes parents y voyaient une catastrophe.

Je sortis au balcon découvrir le pouvoir de cet objet étrange qui maintenant s'était installé sur le bout de mon nez.

Nous habitions alors une jolie maison au bord de la mer. Et du balcon, j'observais tous les jours l'horizon. Pour rêver. Pour écrire. Pour saluer mon père qui attérissait sur Beyrouth.

Mais ce jour, le paysage fut, à ma grande surprise, un peu different. Parce que je découvris pour la premiere fois qu'on avait installé, en pleine mer, une ile.

Je criai aussi haut que mes poumons me permirent. Mes frères, ma soeur et ma mère se précipitèrent pour en connaitre la raison.

Et quand ils apprirent ma découverte, je pus lire dans leurs yeux quoique amusés, un brin de pitié.

L'ile avait toujours existé.

Maintenant, je vois tout. Ou presque. Et je peux t'assurer, mon cher père, que l'ile dans ta mer comble mon horizon. Je la vois. Même sans lunettes.

On s'asseyera dessus. A six. Patients et sages. Jusqu'à ce que passe l'orage.