mercredi, octobre 26, 2011

L'equivalent

Les émotions, c’est beau. Sentir, frémir, aimer, avoir mal, trembler, pleurer. Quand on les perd, on les cherche. Dans des mots, dans des chansons, dans les bras d’un père, dans des bonbons.

Quand elles viennent, c’est sans préavis. Un mélange de noir, de blanc, rarement du gris. Elles nous meuvent, elle nous poussent, elles nous dévorent. On prend gout au bonheur. Comme on prend gout, souvent, et sans se l’avouer vraiment, a la tristesse. Elle sert de muse a l’artiste en puissance. De raison au vide de notre existence. D’analogon a - peut-être -une nouvelle chance.

Les émotions sont toutefois a consommer avec modération. Il faut vite les vider avant qu’elles ne décident elles-mêmes de s’échapper. Choisir au vide de fait un vide provoqué.

A Londres, je marchais. N’importe ou. Très tôt dans les matinées. Pour être la première a voir les cygnes dans le parc, a respirer l’air frais qui promet le recommencement, a voir la ville déshabillée de ses fausses-promesses. La première a voir le vrai.

Je marchais vite, alors que la ville commençait a se réveiller. Et plus je pressais le pas, plus mes pensées s’échappaient. Il m’arrivait même de me perdre, dans un quartier qui m’était encore étranger, et c’est la qu’alors, je me retrouvais.

Londres sait rester mystérieuse. Elle change constamment. Elle est complexe et ne se comprend pas a l’instant. Elle peut être familière partiellement. Mais elle dévoile parfois, surtout les soirs d’hiver et de froid, un visage totalement différent.

Au Liban, je devais trouver l’équivalent. Mon échappatoire, pour faire le bilan. Ma fenêtre, pour admirer le néant. Mes écureuils, mes cygnes, mon parc, pour satisfaire un besoin urgent.

Je l’ai trouvé. Au volant. Conduire sans destination, pour le plaisir de l’abandon. Découvrir les montagnes libanaises. Sous la pluie. Pour que celle-ci efface incertitudes et ennuis. Conduire vite. Pour que la vitesse l’emporte sur la pensée. Pour que la musique fasse taire les regrets. Pour que le sentiment de liberté octroie le courage de croire… aux miracles qui tout a coup revêtent le caractère du possible, aux rêves les plus fous qui viennent snober le difficile, aux amours les plus compliquées qui viennent chuchoter un “pourquoi pas’’ timide mais déterminé… Appuyer sur la pédale pour monter la pente. Lâcher dans la descente. Se laisser aller…

dimanche, octobre 23, 2011

Les voitures

A des voitures !! Parait-il. Et c’est un homme qui me l’a dit. Qu’entres mâles, ils comparent les femmes a des voitures. L’analogie me surprit. Et pour manifester mon dégout, je noyai ma curiosité dans du désintérêt provoqué, en me résignant a ne pas demander d’en savoir davantage quant aux critères entrant en jeu, quant aux classifications diverses et quant aux significations de celles-ci. Des voitures, pour tout dire, je sais très peu. J’ai reçu la première pour mes dix huit ans. Pas mal, jolie, en noir verni. Elle a fêté mon anniversaire, en célébrant la liberté menteuse, l’âge adulte hypocrite et l’université (bof..) , et n’a jamais survécu (la pauvre!) a celui-ci. Je l’ai regrettée aussitot, j‘avoue. Surtout que j'ai du annoncer, en pleurs, son depart a mon père. Mais il m'a pardonné, et vite, elle fut oubliée. La seconde, je me la suis appropriée sans droit, par possession. Elle roule, et c’est bon.

Etre comparée a une voiture me dérange pour ces raisons. Une voiture, c’est pratique, vrai. Mais ca se démode vite. C’est fragile. Et ca ne sent pas bon. Une voiture ca roule vite. Mais ca supporte mal l’alcool. Et puis y en a toujours une plus nouvelle et plus jolie. Ca s’offre parfois pour ses dix huit ans. Mais ca ne promet pas l’amour eternel. Ca commet le suicide au moindre détachement. Et exige une attention quand meme exageree quand on a MILLE choses, dans le miroir en face, a gerer …

Je me consolai a l’idée qu’une voiture peut être perçue différemment a travers les yeux d’un homme. Peut-être nous comparent-ils a ce qu’ils chérissent de plus. Enfin, c'est ce que je prefere penser... Et ce serait comme nous les femmes, nous comparons les hommes a des jeans. Il serait donc un jeans nouveau, antipathique, rigide, qui refuse de s’adapter. Qu’on achete ne sachant pas trop ce que le futur lui reserve mais qu’on emporte pour le soumettre au defi du temps, des annees. Qu’on achete un tout petit peu plus petit, convaincues de perdre les kilos de trop. Sachant, au fond, tres secrètement, que c’est lui qui devra changer pour les accueillir. Ou, le cas echeant, finir dans un sac grand et noir qu'on remplit en fin d'annee.

Ou serait-il ce jeans familier qui date depuis des années, qui connait toutes nos pensées, qui pardonne nos péchés chocolatés, nos margaritas de fin de soirée, qui habille et cache défauts et peau délavée, qui saute a la première occasion pour nous sauver, quand nos petites robes se font inaccessibles ou trop occupées? Ce jeans qui a connu les bancs de l’école, ceux de la fac, les bars sales, les interminables attentes dans les terminus, le metro, les ballades du dimanche et quatre machines a laver ? Qui se serre a chaque lavage mais qui accepte, inlassablement, de s'etirer pour nous accepter comme on est, superbes parfois, rarement… mais un peu ronde tres souvent.

Non… je ne comparerai pas l’homme a mon jeans préféré. Même si la comparaison me semble justifiee. Parce que celui-ci commence, au niveau des genoux, a se dechirer. Ni a une voiture, je trouve ca vulgaire et puis, je ne m’y connais pas assez.

Pourquoi leur ressembler? Une femme se distingue par sa sensibilite. Elle rencontre, elle decouvre, les autres, mais aussi sa propre personne, ses gouts, ses exigences, ses conditions résolutoires, ses préférences… Elle se batit une idee qu'elle croit floue et qu'elle veut globale mais qui en realite choque de precision. Et quand celle-ci se précise beaucoup, trop, tous les hommes alors ressemblent a des jeans 34 que le plus sérieux des régimes ne réussira pas a faire enfiler. Desagreables. Prétentieux. Trop serrés.

dimanche, octobre 02, 2011

Les possibilités de l’océan

La liberté, pour une saoudienne, c’est conduire seule une mini, aller retrouver ses copines en ville, pour un bon martini et des confidences de nuit. Pour un palestinien., la liberté, c’est voyager librement. Restituer le terrain de ses grands-parents. Voir son pays reconnu par les Grands. Pour une fille de village, la liberté c’est boire un verre avec un homme qui a deux fois son âge, pour discuter les mots et les paysages, sans craindre que cela puisse provoquer du bavardage. La liberté, pour une fille plus ou moins réussie, c’est quitter son chat, son job, son appart, rassembler quelques affaires essentielles, jeter tout le reste, prendre le premier vol, et rentrer chez elle. Sans nécessairement savoir ce qu’elle fera de sa vie. Sa vie qui était si sûre la veille. Et ne se faire aucun souci. J’imagine que la liberté pour un enfant né en Afrique du Nord, serait d’avoir accès a la nourriture, au confort. De croire au rêve fragile de mener une vie de port en port. De faire des études et d’être maitre de son sort. La liberté, pour une femme libanaise mal tombée, malheureuse, trompée, serait d’avoir la force, morale et financière, le droit social et reconnu par la loi, de quitter son mari et de recommencer sa vie. La liberté pour une chrétienne de la montagne, serait d’épouser un musulman de Beyrouth, sans subir les frictions familiales. La liberté, c’est profiter des choses banales, de musique a fond, de conduire un camion, de porter un jupon, de tomber amoureuse d’un vaurien et de se sentir bien. La liberté, c’est que la femme libanaise puisse donner la nationalité a son fils, c’est qu’une jeune beyrouthine puisse avoir son propre appartement sans être traitée de fille facile, c’est choisir de ne pas se marier sans être bombardée de questions sur le sujet, c’est changer d’avis a l’autel… la veille. La liberté c’est se teindre les cheveux en bleus, parce que ca irait bien avec ses yeux. La liberté c’est faire l’amour pour le plaisir et sans détour. Sans pression, juste pour l’abandon. La liberté peut prendre mille formes. Mille couleurs. La liberté, pour que celle-ci soit vraiment libre, doit être un acte léger. Qui n’a jamais pour but de provoquer. La liberté n’a rien a prouver. Elle est relative et elle dépend du lieu de la naissance, du sexe, de la religion, de la société. La liberté, la vraie, ne se sait pas exister. Elle n’est pas rebelle. Elle est subtile. Nonchalante. Ignorante. Naturelle. Elle est. Tout simplement.

Etre libre, c’est beau. Mais on ne l’est vraiment que quand le sommeil est facile et la conscience tranquille. Le cas échéant, c’est dans les limites que l’on trouve les possibilités de l’océan.