samedi, décembre 22, 2007

A mes deux parisiennes

Juillet. Je pars seule. Je ne sais pas ce qui m’attend. Mon mec part pour Dubaï et moi pour Paris. 7 heures de vol pour partir chez lui. 0 heure car je sais que je ne pourrai pas y aller. 2 heures de décalage horaire. Internet pour nous sauver.
Derrière mon ordi, je fais des recherches qui n’aboutissent pas. A part dans le code civil, je ne sais pas où chercher, comment rédiger des conclusions et si leur méthode est différente de celle que j’ai apprise à la faculté de droit de Beyrouth.
Autour de moi, les visages sont très peu réconfortants. Ils semblent être pourtant confortables en la matière. J’utilise mes lunettes pour faire sérieuse. Je me dis qu’à force de faire semblant, je le deviendrais peut-être pour de vrai.
Un calme absolu. Des papiers qui s’entassent. Des marqueurs qui se vident. Des photocopieuses qui ne prennent aucune minute de repos. Des livres trop utilisés. Et une bibliothèque snobe ordonnée de manière alphabétique, chronologique, bref, trop compliquée.
Je n’ose pas poser des questions. Pas encore. Ils ne savent pas que chez moi, on m’appelle mademoiselle pourquoi. Et je tiens à ne pas le faire savoir. Pas encore. Je me débrouille. Pas vraiment. J’envoie des messages appelant au secours à des amis plus médiocres que moi. Et puis résonne une voix dynamique et heureuse dans le couloir. Une voix qui se marie difficilement avec le sérieux pesant d’un environnement juridique. La voix se rapproche. Elise. Elle s’appelle Elise. Elle m’ouvre son code civil et me demande de lui trouver les articles de loi concernant le bail. Elle ne veut pas donner mauvaise impression la première semaine. Comme moi. Et c’est comme ça que ça a commencé. Je n’ai pas su finir mon travail. Mais le sien m’était familier. Et puis ensemble, on a déjeuné.
L’autre, c’est Alix. Elle a eu une mauvaise première expérience et a quitté le cabinet de son premier stage pour atterrir au même endroit que moi. Elle ne parle pas beaucoup et me dévisage d’un air bizarre. Elle me dit plus tard qu’elle a été fascinée par ce qu’elle a interprété comme un sérieux exagéré avant de comprendre que ce n’était qu’une concentration accrue à des messages que mes amis m’envoyaient. Alix est trop réservée mais il a suffi que l’on discute quelques fois pour que l’on découvre des passions communes pour des choses que j’éviterai de mentionner.
Et mon stage s’est ainsi transformé d’un ennui douloureux à un véritable plaisir. Toutes les trois, sur l’avenue, pour des pauses interminables, des conversations dynamiques, des histoires passionnantes, des confidences, du café, des macarons, des déjeuners libanais… Toutes les trois pour parler de Paris, de Beyrouth, de nos amours, nos familles, nos ambitions faisant taire nos consciences qui nous disaient de rentrer et puis courir affolées de tant de retard.
Toutes les trois, pendant trois mois, le temps d’un été. Toutes les trois pour un apprentissage illégal ou du moins non juridique. Il y a eu les sushis, le libanais de la rue d’à côté, le vin chez Alix jusqu’au matin et le retour chez moi à pieds pour avoir raté le dernier métro, l’escapade du bureau sous la pluie pour une pièce de lingerie et revenir trempées jusqu’aux os mais penser quand même avoir fait une bonne affaire, le shopping rue de Renne et le passage obligatoire par Zara à chaque pause.
Et puis la séparation. Moi pour le Liban. Elles, pour retrouver chacune ses cours respectifs. Décembre. On s’écrit pour se raconter une soirée affreuse, un projet fou, une discussion anodine, un coup de blues, des yeux charmeurs, un sourire ravageur, une mauvaise note, une nuit blanche et pour se donner rendez-vous dans l’abstrait. On essaie de coordonner nos emplois du temps pour qu’elles puissent venir au Liban. C’est difficile avec les cours, les examens et les vacances. Mais ça viendra. On s’écrit pour imaginer notre prochaine rencontre, les cocktails en happy hour sur saint germain, le trio que l’on formait. Je leur parle de Beyrouth. Elles me parlent. Et dans leurs mots, je retrouve Paris…

vendredi, décembre 21, 2007

Pour qui

Je me demande parfois, si on ne s’en fout pas de mes histoires, des mecs qui m’ont laissée, de celui que j’ai retrouvé, de mes voyages, de ma solitude, de mes soirées de fêtes, des matins dégueulasses, des chocolats que je mange en cachette et des journées de jeun pour toujours lui plaire, de mes livres de droit avalés en retard et des cours séchés pour faire la grasse matinée, de ma folle jalousie tard dans la nuit, de ton téléphone que tu éteins comme pour me faire souffrir, de ma revanche encore pire, de tes cris de possessivité, de mon rire nerveux pour me faire pardonner, des mensonges qu’on se dit, des câlins dans la nuit, de ma voiture trop sale que je vais un jour nettoyer, de ma relation à distance qui fait chier, de mon sale caractère qui fait fuir mes proches et de mes appels de regret juste après, des mots que j’adore et des autres que j’écris sans comprendre, des dates importantes et celles que j’essaie d’oublier, de tout ce que je t’ai causé comme torts et surtout de mes remords, d’un corps que j’adore et de tes lèvres que je dévore, de nos projets de gosses, de nos mauvaises pensées, de nos rires d’enfants, de nos jeux de grands, de nos maladresses, de nos soucis, de nos baisers, de nos excuses et surtout des prétextes, des scénarios faits à deux qui se terminent en solo, des nuits sur un paillasson et de toutes ces histoires que tu me racontes…
Je sais pas s’ils en foutent et si je les ennuie, si j’en fait trop et si pour eux c’est de la comédie, si mes histoires sont ridicules, si mes mots sont trop naïfs, si je suis trop jeune pour savoir, trop vieille pour en parler, trop blonde pour savoir expliquer et trop brune pour le mériter, trop amoureuse pour y voir net, trop indépendante pour servir d’exemple, trop rêveuse pour avoir les pieds sur terre et trop poétique pour être crédible…
Je ne sais pas… Je pense, j’écris, je sens, j’écris, je vois, j’écris, je touche, j’écris… Pour qui…

mardi, décembre 18, 2007

Tout est dans le sentiment

Certains principes sont généralement admis. Fixés par je ne sais qui et retenus par nous, aveuglement, spontanément, lâchement, ils constituent notre censure sociale et décident, catégoriquement, ce qui est normal et ce qui ne l’est pas. Comme ça, automatiquement, aux yeux de tous, par ce processus classique voire archaïque, nous devenons tantôt rebelles donc en marge de la société et tantôt conformes, donc acceptés.

Certaines personnes profitent de leurs titres pour agir dans un sens déterminé et échapper à la critique : ce qui est permis au roi ne l’est pas forcément au pauvre citoyen du coin. Pouvoir, argent ou influence sociale permettent de diverger aux normes et ramener le délinquant au statut de bon citoyen. Un homme politique se permet de violer la loi, l’ayant lui-même créée. Un prof se permet d’arriver en retard se prévalant du fait que la ponctualité ne s’applique qu’aux élèves. Une femme casée échappe rarement à la sanction sévère du jugement d’immoralité, affichant la pancarte de non célibataire.

En réalité, agir sans titre nécessite beaucoup plus d’efforts, de la témérité et surtout de l’audace. Car une femme amoureuse qui se permet de se lancer dans une aventure avec l’homme qu’elle aime est bien plus morale que celle qui se cache derrière sa relation pour agir en toute indécence.

Le titre ne justifie pas les moyens. Et la carence du titre n’est pas en soi une cause de jugement. Tout est dans le sentiment.

dimanche, décembre 16, 2007

Se retirer

Certaines personnes présentent la qualité de la sociabilité. Sans faire beaucoup d’efforts ni jouer la comédie, elles arrivent à intégrer n’importe quel milieu, s’y adapter et se faire aimer. Par le pouvoir de leurs mots, la simplicité de leur attitude, leur modestie et l’énergie qu’elles dégagent, on les aime, on a envie de les connaître et de s’en rapprocher. Elles peuvent être très réussies et avantagées par la nature mais elles n’inspirent ni jalousie, ni concurrence car un certain charme nous emporte et les rend sympathiques.

Cette faculté d’être proche des gens, de leur faire preuve d’intérêt et de gentillesse trouve sa source dans la modestie, la confiance en soi et surtout l’intelligence. Parler aux autres c’est à la fois se faire connaître et apprendre. Il suffit de se débarrasser de la peur de l’autre, des ses propres complexes, de la crainte du jugement pour se laisser aller, parler, discuter, s’enrichir, ressentir, refuser, désapprouver mais dans tous les cas, considérer. Car que l’on soit d’accord ou pas, il faut toujours considérer. Pour un jour approuver. Ou au contraire, confirmer son refus.

Pour pouvoir aller vers l’autre, il faut passer outre l’apparence et être en quête d’apprentissage ou tout simplement d’un bon moment, un moment de plaisir, un moment de sincérité, un moment de paroles inutiles, un moment de rire, un moment éphémère. Ou pas. C’est ce que j’essaie de faire. La conversation, les sourires, les mots gentils pour bannir les préjugés et tenter d’échanger. C’est surtout en présence d’amis d’amis que l’on éprouve tantôt l’envie et tantôt le devoir de discuter. Et c’est ce que j’ai fait.

Je ne sais pas si j’ai vraiment essayé. Je me suis répétée qu’ils ont beau m’inspirer ni confiance ni sympathie, que malgré le fait que la fille d’en face et moi n’avons probablement rien en commun et que ses sujets de conversation passent de sale en pire je dois quand même être gentille et polie, que je lui ressemble peut-être et qu’il se peut qu’elle me trouve aussi antipathique, que pour mes amis je devrais être altruiste et me montrer épanouie… ça n’a pas servi. J’ai échoué. Et à part les grimaces et les soupirs d’ennui, rien n’est sorti.

Je croyais avoir ce quelque chose qui me rendait proche des gens. Car j’ai souvent engagé des conversations passionnantes avec des inconnus, j’ai parfois oublié de descendre du bus lors de mon passage à Paris captivée par les histoires d’une parisienne anonyme et je me suis même fait des amies en boîte en trouvant le moyen de parler malgré la musique et les talons qui font souffrir. Je croyais pouvoir m’adapter partout et trouver des trucs à dire avec n’importe qui. Mais ce soir, j’ai vraiment atteint mes limites.

Je repense à ma soirée. Je me demande ce qui n’allait pas. Si c’est à cause de moi, d’une mauvaise humeur passagère ou de mon caractère renfermé que je masque d’ouverture. Je ne sais pas. Oui, j’ai atteint mes propres limites. Comme ça. Je les voulais flexibles, je me reteins le plus longtemps possible. Et puis tout à coup, comme à bout de souffle, je laisse sur la table de la monnaie pour mon café à peine commencé et je me retire. Sur le chemin du retour, je n’ai qu’une pensée : il est parfois dur de s’intégrer mais il est aussi bien plus difficile de savoir s’en aller. Prendre une décision d’incompatibilité absolue et trouver la force de se retirer. Sans réfléchir, ni hésiter, ce soir, je me suis retirée.

vendredi, décembre 14, 2007

Ce Noël à Beyrouth

On est à une semaine de Noël. J’essaie de finir les trucs que j’ai à faire avant qu’ils ne viennent. On se retrouve chaque année à la même date autour d’un très bon dîner que prépare ma mère. Ils me manquent. Et c’est grâce à eux que j’aime cette fête.
Ils appellent au rythme des minutes. Ils demandent, commandent, réservent, prévoient, souhaitent, s’excitent, s’impatientent… Je les sais heureux. Et je le suis aussi.
Je calme mes sorties parce que je sais que je vais dormir très peu une fois qu’ils sont là. Il vient aussi et je ne compte pas perdre une minute. Il vient pour qu’on s’unisse… Officiellement.
J’aurais aimé que la situation du pays soit aussi médiocre que d’habitude. Mais j’exagérerais en affirmant ceci. Car la situation est bien pire. Chez le coiffeur, les femmes donnent leurs avis et parlent politique. Elles sont aussi ridicules que les bigoudis qu’elles ont entre les cheveux. Elles ne savent rien et répètent des choses entendues ici et là. Je les regarde du coin de l’œil avant de replonger ma tête dans un roman aussi ridicule que leurs conversations.
Je me sens égoïste. Je veux que tout se calme pour avoir de belles vacances. Je veux qu’ils suspendent leurs cruautés le temps d’une semaine pour que je puisse apprécier le dîner de Noël, les soirées folles de décembre, le nouvel an, la bûche de ma mère, les chansons qui ont cent ans, les voix aigues et indiscrètes de mes parents, la curiosité de ma grand-mère, la cheminée, les regards complices, les disputes avec ma sœur, le chaos de la maison enfin habitée, les cadeaux que l'on deteste, les petits-déjeuners désordonnés, les pertes, les oublis, les saletés, l’alcool, la fumée, le chocolat, le gras, la messe de minuit, le element, les amis, les promesses, les résolutions, les bêtises, les confidences etc etc.
A la télé, les tristes évènements de la semaine ne me font ni chaud ni froid. Je ne pense qu’à lui et à le revoir. Je me sais individualiste mais ne sais comment changer mes pensées. Je ne considère que ce qui m’affecte et crains que les choses ne s’aggravent aggravant avec elles mes relations…
Les rues ne sont pas encore décorées. Il n’y a que le décor désuet de l’année passée, un décor qu’on a oublié de retirer, un décor abîmé par la pluie, les tempêtes et les mauvaises pensées.
Il manque un esprit de fête habituel à cette époque de l’année. Il manque ce quelque chose que je n’arrive pas à cerner. Et je compte sur eux pour en ramener.
Dans le salon, ma mère veut décorer le sapin. Elle appelle ma sœur, par habitude. C’est elle qui le faisait. Elle me regarde croyant que par défaut, je l’aiderais. Je fais mine de ne pas comprendre. Et j’envoie un message à ma sœur pour lui raconter…
Les avions se remplissent et ils ont du mal à trouver des places. Ca me fait quelque chose au cœur de penser que les libanais viennent quand même, malgré tout ce qui se passe.
Je veux que Beyrouth s’offre une semaine de vacances. Rien qu’une semaine… je voudrais qu’on m’accorde cette chance.

jeudi, décembre 13, 2007

Impossible mais... trop beau

-On le fait aujourd'hui ou demain?
-Hier.

Oui, c'est ce qu'il m'a dit.

Combattante

Elle les considère comme ennemis. Elle les pousse et repousse à longueur de journée tantôt par un simple mouvement de l’index et tantôt en tournant carrément le dos. Pourtant, elle y pense tout le temps. Car elle adore tous les plaisirs de la vie, sans exception. Et ils en font partie.
Elle a installé une véritable guerre et se comporte comme une vraie combattante. Pas question de succomber. Pas question de se laisser tenter. Les intérêts en présence sont primordiaux et elle ne les sacrifierait pour rien au monde pour un court moment de plaisir qui s’évanouit au moment même de sa naissance.
Elle se vante d'une non-dependance. Une non-dependance dont elle se sait tellement dependante. Et plus elle perd, plus elle veut encore.
Elle est entourée d’épicuriens qui croquent la vie à pleine dent. Elle leur en veut une liberté qu’elle n’a pas pu s’approprier. Elle leur en veut une conscience qui ne contredit pas leurs actes. Elle leur en veut surtout d’être en parfaite harmonie avec leurs corps malgré les imperfections de ceux-ci et les rondeurs qu’ils n’essaient même pas de cacher.
Elle a ses moments de faiblesse. Ses moments de manque d’affection. Mais son égo reprend vite le dessus. Elle a peur. Elle n’ose pas. Elle se prive.
On la croit sûre d’elle. On se dit qu’elle a de la chance. On ne réalise pas la souffrance qui va avec. Car rien n’est gratuit… Et tout se paie. Parfois bien plus cher.
Pourquoi ? Pour qui ? Est-ce que ça en vaut réellement la peine ?

dimanche, décembre 09, 2007

(Mal)chance

Elle s’en fout de lui. Ca fait un bout de temps qu’elle ne la plus revu, qu’elle ne répond plus à ses appels, qu’elle s’empêche de parler de lui devant ses amies qui ne veulent plus rien entendre, qu’elle sort avec un nouveau mec, qu’elle a une nouvelle vie, qu’elle est heureuse et épanouie.
Seulement… elle voudrait le voir. Ou plutôt, qu’il la voit. Et qu’il sache ce qu’il a perdu. Alors elle s’arrange. Tout le temps. Pour être prête à la rencontre, n’importe quand. Elle veut être belle quand il la voit. A vrai dire… elle veut être sublime pour lui couper le souffle et passer à côté de lui sans la moindre réaction, sans la moindre attention, sans la moindre… émotion.
Ce jour-là, elle est sortie n’importe comment. Et plutôt n’importe que comment. Elle était pressée, fatiguée et franchement, elle en avait marre d’être toujours bien…
Cheveux attachés de travers, un jean déformé, un sweat qu’elle a emprunté à son frère et son énorme sac fourre-tout.
Elle n’a pas pensé à lui. Pourquoi est-ce qu’elle penserait à lui ? Elle est sortie et puis c’est tout. Pas la peine de trop en faire pour une course rapide et anodine.
Mais bien sûr… elle le voit. Elle le voit ce jour-là… Le seul jour où elle s’était laissée aller. Parce que c’est la vie. Et la vie fait si bien (ou mal) les choses.
Elle le voit. Elle se cache. Mais il l’appelle. Elle fait cette grimace de la bouche qu’il connaît si bien et qu’il est le seul à savoir interpréter. Il la retient et lui dit qu’elle est belle. Elle le croit ironique. Elle le déteste d’avoir une fois de plus… gagné.
Elle veut sa seconde chance. Elle le hait. Mais il faut qu’elle le revoie. Ce n’est simplement pas possible qu’il garde ce souvenir d’elle.
Elle lui donne rendez-vous le soir même. Juste pour mettre fin officiellement à leur histoire. Juste pour être celle qui tourne le dos. Elle lui fixe un endroit, une heure et court se faire belle pour une apparition rapide et une conclusion véritable. Celle qu’elle mérite. Elle veut lui offrir un souvenir douloureux. Celui d’une fille qu’il n’a pas su garder. Celui d’une fille qui a su le dépasser.
Elle stresse. Elle s’arrange. Elle fait attention à ne pas trop en faire. Elle fait des efforts pour donner l’impression d’être belle sans efforts. Elle finit à temps. Elle fait démarrer sa voiture pour le retrouver. Mais elle reçoit un message de lui qui s’excuse de ne pas pouvoir la voir. Il a autre chose à faire. Un rendez vous… Bien sûr.
Elle sourit.
Elle a perdu. Et puis c’est tout.

Rien

Ce qu’elle fait de sa vie ? Rien. Je n’ai pas dit qu’elle ne faisait rien. Si. Elle fait… rien. Et des filles comme, il y en a plein.
Elle se réveille quand on commence à avoir sommeil et dort quand on se réveille. Elle n’a rien à dire, rien à raconter et a du mal à savoir exactement ce qui se passe dans la journée. Elle se présente. Enfin, elle dit son prénom. Car au-delà de cela, il n’y a plus grand-chose à dire. On la croit mystérieuse. On essaie d’en savoir plus. Et on lui demande ce qu’elle fait dans la vie. Elle dit, normale, ni fière, ni embarrassée qu’elle fait rien. Rien… une véritable occupation. Comme d’autres ont des professions…
C’est difficile à croire qu’une personne ait une vie vide. C’est difficile à comprendre qu’au fil des jours, rien ne change, rien ne se crée, rien ne s’améliore mais au contraire, tout vieillit.
Que c’est triste de ne se sentir ni utile, ni indispensable, que c’est douloureux de savoir que l’on ne participe en rien à l’amélioration du monde, d’un pays ou au moins d’une famille, que c’est choquant d’admettre que pendant que d’autres travaillent, voyagent, lisent, écrivent, dansent, éduquent, cuisinent, soignent, construisent… elle ne fait rien. Ou plutôt qu’elle fait si bien… rien.
On fait ce qu’on veut de sa vie. Mais c’est cette dernière qui nous éclaire. C’est elle qui nous guide vers un exercice permanent puisqu’elle a fait en sorte que le corps soit en décadence naturelle mais l’homme a trouvé une progression contraire, celle de l’esprit. Le jour où j’aurai des rides au coin des yeux et peut-être au bord des lèvres, quand j’aurai trop vécu et me serai trop fatiguée, dans un coin tranquille d’un jardin de campagne, une limonade à la main, les yeux fermés, je penserai à ce que j’aurais fait…

vendredi, décembre 07, 2007

Dans une chambre au troisieme...

Ce qu’elle voudrait le plus ? Utiliser et abuser du temps, en dépenser sans limites, sans soucis, sans économie. S’en moquer, s’en offrir et en dévorer. Elle voudrait passer toute la matinée à ses côtés sans ressentir le besoin de sauter hors du lit à la première heure pour profiter de la journée. Elle voudrait ressentir ce sentiment de vie éternelle, de liberté et surtout… de calme. Car ils ont toujours l’angoisse de la séparation, le bruit insupportable de ces secondes sévères qui courent et les appels incessants de ses amis qui lui reprochent de trop la voir et de trop leur manquer…
Elle regrette plus que tout le regard triste qu’elle avait emprunté ce week-end d’août alors qu’ils s’étaient retrouvés pour un week-end. Elle était heureuse mais ne pouvait s’empêcher de redouter la séparation du dimanche soir. Son bonheur était piégé par trois jours, deux nuits…
Elle était arrivée à l’heure. Peut-être même un peu plus tôt. Il l’attendait, une orchidée à la main. Son regard romantique la fit rire. Ca ne lui va pas trop de jouer a l'amoureux… Ils se serrent. Elle est un peu intimidée par la réceptionniste qui les regarde sans aucune discrétion. Elle le serre plus fort comme pour marquer son terrain. Elle jette à cette dernière un regard qu’elle voudrait furieux mais qu’elle ne réussit sûrement pas. Elle est trop heureuse pour cela. Elle se moque d’elle-même et de sa possessivité. Elle le tient et souffre déjà du manque de temps. Elle a tellement de choses à lui dire, à lui avouer, à partager avec lui. Elle le fixe comme pour fixer son image dans sa mémoire pour un autre mois de souffrance. Car ils s’étaient déjà donnés rendez-vous en septembre. Dans une autre ville. Dans une autre chambre. Toujours tous les deux.
Elle a les larmes aux yeux. Il lui dit qu’elle est bête de bousiller le présent par la peur du futur. Proche. Elle corrige. Elle lui dit que deux jours plus tard, c’est un futur très... proche.
Et en effet. Dimanche soir. Elle pleure. Trop. Elle n’a pas envie qu’il la laisse seule, même si elle adore la ville et qu’elle a elle-même choisi de venir. Il lui dit que le temps passe vite et qu’ils allaient passer un autre week-end de rêve un mois plus tard. Elle pense qu’elle va devoir se coucher et se réveiller trente fois avant de pouvoir le revoir, le sentir, le toucher, l’embrasser… C’est comme ça qu’elle avait toujours compté. Par couchers. Et par réveils. Par battements de paupières.
Il l’accompagne à la station. L’orchidée passe de sa main à la sienne. Avant de descendre, elle regarde vers le haut. Il regarde aussi, pour savoir ce qu’elle regarde. Il sourit. Il comprend tout. Et j’ai la gorge serrée d’avoir laissé, une fois de plus, au troisième, encore un bout de mes secrets…

dimanche, décembre 02, 2007

Au-delà du besoin… l’envie

Entre l’envie et le besoin existe une différence de degré. Car je peux vivre sans avoir pu satisfaire une envie. Mais point sans avoir comblé un besoin. Le besoin apparaît à première vue comme supérieur à l’envie, plus fort, plus primordial et plus nécessaire.
Elle dit à son homme qu’elle a besoin de lui. Que sans lui, elle ne peut pas vivre. Elle lui fait promettre de ne jamais la quitter. Elle dit même qu’il est sa moitié. Et elle croit qu’elle vient de lui faire la plus criante des déclarations d’amour.
Une autre, audacieuse, lui dit qu’il n’est que son envie. Envie. Mot qui semble péjoratif quand on recherche l’amour car évoquant beaucoup plus sensualité que sentiment. Envie. Le mot qu’elle préfère. Elle le lui dédie.
Car cette autre ne se sent pas moitié. Loin de là. Mais femme à part entière. Elle sait aussi qu’elle n’a pas besoin de lui pour vivre. Elle a ses moyens. Sa petite vie. Ses amis. Ses projets. Ses habitudes. Son boulot. Et pourtant… elle ne se passerait pas de lui. Car il est son envie.
Le besoin est le déjeuner banal et quotidien. L’envie est le macaron à la framboise que l’on déguste les yeux fermés.
Le besoin est le 10/20 qui permet de réussir. L’envie est le 16 presque… orgasmique.
Le besoin est le gros pull chaud et réconfortant. L’envie est le décolleté plongeant qui donne des idées.
Le besoin de l’une est un homme qui lui offre une vie. L’envie de l’autre est un homme qui lui offre les plus beaux moments d’une vie.
L’envie est un état sublime car dépassant le stade instinctif du besoin. L’envie correspond à nos visions du beau, du vrai, du bon… Tandis que le besoin n’est qu’un état de sujétion qui ne rend pas la vie plus belle mais lui permet simplement d’être.
Je n’ai pas besoin de toi. Je sais que je pourrais vivre sans toi. Que je trouverais sans doute quelqu’un d’autre qui me fera sourire, que je ferais mine d’écouter, qui supportera mes histoires interminables et mes soucis incessants, qui rira peut-être comme toi quand je lui raconterai mes rêves d’enfant… Mais je n’en ai nullement envie. Parce que j’ai goûté à des moments incroyables. Parce que tu as mis des étincelles dans mes yeux. Et surtout parce que tu m’as appris de rechercher au-delà du besoin… l’envie.

samedi, décembre 01, 2007

Confiance vs Loyauté

Certaines personnes, sans constituer une constance de nos vies, passent et laissent leurs traces. Elles nous marquent par un geste, une parole, une indifférence et parfois par un seul et unique regard. Elles s’en vont ensuite. Comme d’autres restent. Elles s’en vont. Mais certaines choses d’elles… restent.
C’est par une conversation que l’une de ces personnes m’a marquée. C’est un mot qui m’est resté. J’ai la chance d’être née avec la sensibilité qui me permet d’écrire. Et à son mot… oui, j’ai été sensible.
Nous avons parlé d’amour, d’amitié, de travail, d’avenir, d’enfants, de mariage, de fidélité. J’ai dit, classique, que la base de toute relation était la confiance. Faire confiance à l’autre, lui accorder sa liberté, le croire sur parole, le laisser souffler…
Sans me contredire, ni affirmer, il corrige ma belle phrase par un seul mot : loyauté. Je ne comprends la différence et je n’y accorde trop d’importance…
Mais depuis, ce mot ne fait que me bouleverser. J’y pense. Je m’en éloigne. J’y reviens. Quelle différence entre confiance et loyauté puisque les deux consistent à ne pas tromper…
Je ne sais pas… Qu’importe.
Confiance. Ou loyauté. Confiance et loyauté. Loyauté et confiance. Duel ou danse ? Je comprends enfin. Et je souris de tant d’étourderie. Puisque la loyauté c’est moi. La confiance c’est toi. La loyauté c’est « je ». La confiance c’est « tu ».
La confiance est mon rapport avec toi. La loyauté est mon rapport avec moi-même. La confiance, c’est te laisser partir, sachant que tu reviendrais. La loyauté c’est être fidèle même quand je sais que tu ne sauras jamais.
La base de toute relation est, c’est tellement vrai, la loyauté. Car après tout, c’est par moi que je commence. Même si c’est tellement avec toi que je voudrais finir…

jeudi, novembre 29, 2007

Un tabou tabou

Dans une société qui prétend à l’ouverture, qui réussit difficilement à formuler une phrase entière sans l’emploi excessif de mots empruntés aux langues étrangères, dont les filles se promènent librement en ville en décolleté et talons, où les bars de Beyrouth se trouvent remplis même en période de vacance présidentielle, qui ne connaît aucune censure médiatique et qui se considère comme à cheval entre l’Orient et l’Occident, est-il tabou de détecter et de dire que nous fréquentons en permanence le tabou ?

Les sociétés sont toutes, naturellement, en évolution permanente. Prétendre avoir atteint un stade optimal serait vouer le sort d’une nation à la mort. Car les besoins changent, les habitudes, les régimes politiques, les tendances, la mode… La mentalité libanaise évolue même à une vitesse supérieure et ceci en raison de l’ouverture que nous cessons de vanter, aux jeunes qui voyagent, au multi confessionnalisme qu’on tente d’apprivoiser et d’en encadrer le fanatisme, aux universités, à la francophonie etc.
Le Liban est le plus libéral des pays arabes. En effet, ses lois sont inspirées des lois françaises et il suffit de sortir dans l’une des boîtes de la capitale pour constater les libertés diverses : les mini shorts, la musique importée, la consommation excessive de l’alcool, les couples traditionnels…

Toutefois, malgré cette apparence - certes séduisante mais tellement trompeuse -, nous serions aveugle si nous refusions d’admettre que nous sommes en réalités affaiblis, trompés, trompeurs, obsédés, intimidés, complexés et ralentis par les tabous. Il existe une variété de sujets inabordables (ou qui ne le sont qu’avec un nombre réduit de personnes), de vérités à cacher, de réalités à enfermer à jamais dans un tiroir… Quoique ouverts d’esprits, nous sommes tous, nous libanais, attentifs aux comportements d’autrui pour les évaluer selon une échelle de valeurs emprunté à la plus archaïque des sociétés, que l’on oublie quand il s’agit de vouloir se prouver libéral et que l’on ressort quand ceci servirait à exercer notre esprit critique.

Sexe, contraception, pilule, gynécologue, préservatif, bêtise d’une soirée, réflexe d’une fille amoureuse, concubinage, voyages à deux… Que des problèmes sans issue car notre société est très sourde mais très peu muette. Certains évoquent le caractère oriental, contrebalance nécessaire du libéralisme, spécificité de notre pays. Mais les solutions à ces problèmes (parmi tant d’autres) ne seront jamais trouvées et si trouvées hors portée, quand les difficultés ne peuvent être dites et quand dites, très vite condamnées à mort.
Si les jeunes se montrent plus conscients, moins bornés, plus ouverts et se comportent parfois de façon plus que libérale, ils plongent en réalité dans l’illusion et créent des relations mensongères et hésitantes car dictées par le regard de l’autre, méfiantes car redoutant les rumeurs, éphémères car loin d’être tout à fait transparentes.

Je ne veux pas croire que notre société est ouverte. Elle est loin de l’être. Et si elle est en phase transitoire, il existe tout de même un décalage alarmant entre les générations. Le changement de mentalité se fait à long terme, certes. Mais il est temps de prendre l’initiative de changer. Et si la société libanaise est un "il" jaloux de sa virilité, elle ne fait que l’affaiblir par tant de lâcheté. Oui, elle est lâche. Combien de jeunes libanais s’installent ensemble à l’étranger et le cache une fois rentrés à Beyrouth pour les vacances ? Combien de couples se font des week-ends à deux qu’ils disent à vingt quand il s’agit de raconter ?

J’ai tout aussi peur des tabous. D’ailleurs, j’ai souvent retardé l’écriture de ce texte ne sachant comment m’y prendre, comment transmettre l’idée et comment percer les véritables tabous. J’ai trop hésité. Ce qui explique ma très longue introduction et des phrases qui tournent parfois en rond... Car, malgré ma tendance à vouloir tout (et trop) écrire, je ne parle ouvertement qu’à quelques amis qui m’avouent qu’eux aussi, derrière le regard sûr, la parole éloquente et l’esprit ouvert n’osent tout dire... La vie privée reste sacrée. Mais la vie, pour être plus facile, n’attend parfois qu’à être discutée.

dimanche, novembre 25, 2007

Nous trois

On se retrouve comme tous les dimanches autour d’un café et d’un dessert pour terminer la semaine. Implicitement, cette rencontre s’est transformée en tradition. Elles célibataires et moi … disons presque tout le temps seule, on affirme avec beaucoup d’humour et très peu de vérité qu’on n’échangerait pour rien au monde ce rendez-vous hebdomadaire entre filles.
Elles disent qu’elles détestent les hommes et qu’elles ne leur font plus confiance. Elles se disent épanouies, indépendantes et heureuses. Paradoxalement, toutes nos conversations portent sur eux. Sur les ex, les ennemis, les amis, les meilleurs amis des ex, les ex des ex, les époux potentiels, les hommes parfaits, les moins que parfaits, les plus que parfaits. Elles sont belles, comme toutes mes amies. Car tout le monde est attiré par le beau. Elles sont intelligentes et ont débuté, bien qu’a temps plus que partiel, des carrières prometteuses.
On boit notre café le regard un peu trop vagabond qui passe de la table voisine au café voisin mais qui ne voient rien en réalité et qui ne cherchent qu’une fenêtre ouverte pour s’évader. On s’est tout dit. D’ailleurs, on s’est vu presque tous les jours de la semaine et on a vécu les mêmes histoires inutiles à raconter. Commentées, disséquées et longuement développées, elles font place à un sourire pathétique qui semble bien vouloir dire « et après ? ». Les mêmes têtes partout. Les mêmes visages. Différentes combinaisons.
Seules. Comme dimanche passé. Comme dimanche prochain. Dans Beyrouth, qui souffre aussi d’être mal aimée…
Je vis l’amour. Et à la différence d’elles, j’ai mon homme. Mais je ne le vois qu’occasionnellement, quand il vient me voir. Donc comme elles, j’attends.
Anorexiques quelque fois et presque tout le temps boulimiques, on prend un air sérieux pour dire qu’on se débarrassera bientôt de toutes nos envies excessives. Ceci bien sûr, tout en laissant fondre, tres lentement, un moelleux au chocolat. Et on rit ensemble de nos faiblesses féminines.
Seules et heureuses. En attendant plus de bonheur. Car à peine son message reçu, elle se regarde dans le miroir et nous fait savoir qu’elle doit déjà s’en aller. Elle promet de tout raconter plus tard dans la soirée. Elle nous dit qu’elle a le ventre noué et qu’elle ne sait pas trop quoi lui dire surtout qu’elle n’a pas très bien entendu son prénom la veille, sous l’effet de l’alcool et de la musique.
L’autre s’en va aussi. Elle retrouve celui qu’elle prétend détester… Juste pour passer la soirée dit-elle. Intimidée par tout ce qu’elle nous a raconté.
Et moi je rentre chez moi pour lui parler calmement. Je rentre pour lui dire que je l’aime et qu’il reste 28 jours d’attente.
Je vais les revoir demain. Pour dîner ou pour un verre. On dira qu’on est heureuse. Qu’on est seule mais épanouie. On fera semblant de ne rien vouloir de plus. Mais demain, on aura du mal à retenir ce rire naturel qui nous unit, qui trahit nos paroles de femmes modernes, ce rire pour avouer qu’on recherche toutes les trois l’amour.

samedi, novembre 24, 2007

Son avion décolle

Aéroport, toujours… Aéroport encore. Les aéroports et moi, c’est une histoire de famille. Je les ai découverts, acceptés, apprivoisés et j’entretiens aujourd’hui, avec eux, une histoire passionnée d’amour et de haine.
Je le retrouve dans le seul café de l’aéroport de Beyrouth. Une tempête de sable a retardé son avion. Il a une heure à perdre. Ou à gagner. Une heure à partager avec moi. Je gare ma voiture de travers. Je cours pour ne pas perdre du temps. Je le vois de derrière. Je souris. Je me retiens. Je ne veux pas trop en faire. Je sais que les gens autour nous regardent. Que dans les aéroports, tout le monde s’ennuie, tout le monde s’impatiente et qu’une scène d’amour est toujours la bienvenue. Je le regarde. Je souris de la bouche, des yeux et surtout du cœur. Je lui serre la main. Il me chuchote des choses à l’oreille. Des trucs qui me font surtout rire. Il regarde sa montre en cachette. Je le vois. Je fais semblant d’être indifférente au temps. Il s’en va. Déjà. Je le laisse faire. Moi, je reste. Le temps de retrouver mes forces. Cette fois, je ne pleure pas trop. Enfin, pas devant lui. Je m’en vais. Je tourne en rond. Je ne veux pas rentrer chez moi. Je retrouve mes amies pour prendre un café. Elles parlent et je fais mine d’écouter. Je me sens trahie par le temps, la distance, les avions, le ciel, la vie. Je les déteste tous mais je les aime aussi. Je peux attendre. Ca en vaut la peine. Je me dis cent fois qu’amour de proximité ou amour à distance, je l’aime surtout et c’est l’essentiel.
Son avion décolle emportant avec lui le bonheur qu’il m’avait apporté. Son avion décolle, avec mon cœur, mes rêves et mes pensées.

L’amour et puis… son ombre

Comment je sais si je l’aime ? C’est une question que j’ai tant posée dans le passé, tantôt pour savoir si je devais sortir avec lui et tantôt pour être sûre que je devais le quitter. « Je ne suis pas sûr que je t’aime ». Une phrase que j’ai aussi tant entendue. A ma question, on me répondait par des indices censés détecter l’existence de la flamme. Et à leurs phrases arrogantes mais – je dois l’avouer – tellement sincères, je disais, sans doute par fierté, « appelle moi quand tu es sûr, je déteste les indécis » espérant que ce coup de fil aurait lieu et que je pourrais à mon tour, hautaine, dire « je ne suis pas sûre que je t’aime », question de vengeance.

Comment je sais si je l’aime ? La réponse est facile. Elle est toujours négative. Car quand on pose une question pareille, c’est qu’on n’aime pas assez. Ou plutôt, qu’on n’aime pas tout court. Quand on aime, on le sait. On le sent tellement fort que ça fait mal. On le réalise violemment et on se déteste de tant de violence. Je l’aime. Et puis c’est tout. Je lui donnerais tout. Je ferais tout pour lui. Je me marierais à lui à la seconde même. Je jetterais en l’air mes plans d’avenir, mes projets volatiles, mes ambitions prétentieuses, ma carrière potentielle, mes études fatiguées et fatigantes, les mecs de passage, les soirées inutiles, les cafés bavards, les habitudes malsaines, mes addictions et toutes mes petites envies…

Comment je sais si je l’aime ? Je l’aime. Car j’ai mal quand j’y pense. Car j’ai peur qu’il s’en aille. Car je le trouve plus beau, plus intelligent et plus accompli. Car je suis moins prétentieuse et plus modeste autour de lui. Car je rougis quand il se moque de moi. Car je le laisse faire. Car je suis hésitante. Car je tremble à ses caresses. Car je vis au rythme de ses appels. Car je ne fais de plans qu’en fonction de lui. Car je pleure à chaque fois qu’il s’en va. Car je compte les jours pour le revoir. Car je dors très peu la nuit. Car je sors beaucoup moins qu’avant et que quand je sors, c’est juste pour faire preuve de vie…

Oui je t’aime. Et ça me fait peur. Je t’aime à la folie. Et je fréquente l’amour et l’ombre de l’amour : la peur de le voir s’évaporer. Je t’aime. Et plus rien ne compte. Ni les amis, ni les études, ni les sorties, ni le chocolat, ni les romans d’autrefois, ni les chansons qui me rendaient ivre, ni les habits que j’achetais en cachette, ni les slims, ni les bottes, ni le revirement révolutionnaire d’une jurisprudence traditionnelle, ni le code civil, ni le café brûlant du matin dans mes draps chauds et froissés, ni celui de l’après-m, ni l’Europe, ni Paris… Je t’aime. Et pour le reste, mon amour, c’est fini.

jeudi, octobre 18, 2007

Lundi matin

Lundi matin. Je vais en cours très tôt. J’essaie d’avoir la mine de celle qui s’est offert une nuit de huit heures… Je parle fort, je fais des efforts pour marcher droit. Je fais semblant d’être heureuse car je sens que je n’ai pas le droit de ne pas l’être. Je viens de m’offrir un week-end de rêve.
Lundi matin. Et encore une raison pour détester les lundis. J’ai souvent dit « lundi, je commence un régime, lundi je fais du sport, lundi je deviens plus sérieuse, lundi j’assiste à tous les cours, lundi je laisse tomber mes copines fofolles, lundi je dors toute la nuit, lundi, je finis ce livre que je n’ai jamais terminé… » Mais maintenant je me dis aussi « lundi, il sera déjà parti ».
Lundi matin. Oui, je vais en cours. Une résolution bien respectée. Un peu pour masquer un évènement que je voudrais repousser. Je vais en cours. Et je prends note. Je prends note de tout, machinalement, car j’ai très peu dormi et un peu trop réfléchi. J’écris idées, éternuements, soupirs, pauses, articles de lois, références, blagues débiles d’un prof dépassé, réflexions déplacées d’un élève qui en fait trop, principes généraux, règles principales, directives etc etc etc…
Lundi matin. Je sors du cours et je passe te prendre pour aller « là-bas ». Je connais la route mais j’oublie comment s’appelle cet endroit. Et apparemment, toi aussi. Je passe te prendre. Et on y va. Chut… Ne dis pas où. On sait très bien, évidemment. Mais vaut mieux se taire. Car je n’ai pas assez dormi pour prononcer se mot amer.
Aéroport. Tu le dis enfin. Et je te déteste. Tu descends trop vite. On est si nuls quand il s’agit de se dire adieu. Je profite des klaxons vulgaires des voitures derrière pour m’échapper en douce avant que tu ne lises la tristesse de mes yeux et avant que tu ne devines que je vais mal. Oui très mal.. Je crois même t’avoir ordonné de descendre vite pour sauvegarder mon sang froid et pour gagner quelques minutes sèches avant que les larmes me volent ce qui reste de ma fierté.
Lundi matin. Je retourne chez moi. Et je te laisse partir. Je te laisse t’échapper. Je te laisse mettre fin à mon bonheur et réveiller un mode de vie dominant et tellement… ennuyant.
Lundi matin… Je rentre dans mon lit désert déterminée à dormir plusieurs mois. Mais je me réveille vite. Pour étudier, travailler, lire et écrire. Et surtout pour penser à toi.
Aujourd’hui, j’ai pris un café brûlant dans notre centre ville glacial. J’étais seule dans les rues désespérées de la ville. J’attendais l’heure d’un examen que j’ai si peu préparé. Voilà que ma vie reprend le dessus… J’ai bu quelques gorgées trop chaudes et je me suis fait mal intentionnellement pour oublier une douleur plus profonde, plus abstraite et si difficile à localiser.
Parle-moi de ta nuit. As-tu bien dormi ? As-tu promené ta main à côté pour voir si j’y étais ? As-tu pensé à nous ? A nos fous rires ? A nos projets de gosses ? A nos ambitions prétentieuses ?
Lundi matin j’irai en cours… Et je prendrai note de tout : de tes promesses, tes sourires, tes yeux qui brillent et surtout… de notre prochain rendez-vous.

samedi, octobre 13, 2007

Robes, jeans 34 et talons

Bleues, roses, vertes, blanches, beiges, noires et grises… Du coton, du satin, du lin et de la soie. Certaines sont très courtes, d’autres ouvertes dans le dos, certaines sont pudiques et donnent libre cours à l’imagination, d’autres sont criminelles de classicisme, d’autres encore offrent un décolleté plongeant. Toutes sont belles… Et les filles absolument magnifiques. Vendredi soir à Beyrouth, dans une boite populaire sur un toit de la ville, les plus belles robes dansent et se touchent…
Celle que j’ai préférée était en taffetas, sans manches, rouge sang et en boule. Elle dessinait joliment la courbe des hanches de la fille et se terminait en un gros nœud de devant.
Moi j’ai mis une noire classique… Une robe que l’on trouve dans chaque armoire. Il y a des jours où l’on ne sait pas trop quoi choisir. Et le choix le plus sûr reste le noir. On ne peut pas faire faux avec du noir. C’est gagnant gagnant. Et tous les accessoires sont permis. Le rouge, le vert et le jaune sont absorbés par sa profondeur. Une petite robe noire anodine quand on n’a pas envie de trop réfléchir…
Il y a aussi les jeans. Mais pas les jeans que vous connaissez sous leur acceptation habituelle : blue jeans classique, insignifiant, confortable et déformé. Non… Les jeans dont je parle ne s’enfilent qu’après une semaine de famine et une bonne demi heure allongé sur le lit avec l’aide d’une meilleure amie. Car ils sont de taille 34 et ont la capacité de se fermer autour d’une taille 36, 38 et même 40… Ils sont faits pour être portés bien sûr mais aussi pour que l’on reste muettes et immobiles. Car le moindre faux pas et la moindre parole de trop pourraient les faire exploser. Ils affinent les jambes, redressent le cul et bien sûr… compliquent la vie. Quand vous verrez une fille faire des pas de tortue et respirer une fois sur deux vous comprendrez que c’est la faute du jeans…
Robes ou jeans… Peu importent. De beaux corps qui se baladent constituant le décor de la scène et le glamour de la soirée. Robes ou jeans… Mais toujours chaussures à talons. Des talons compensés et des talons aiguilles pour faire balancer les hanches, allonger les jambes et surtout… pleurer les mecs !
Ce sont les filles de Beyrouth. Belles comme sur un podium. Arrangées comme pour aller à un bal. Habillées comme un concours de stylisme. Maquillées comme des tableaux d’art.
Nous les critiquons. Nous nous en moquons. Nous les plaignons. Et nous faisons de même. Car parmi ce cinéma, il est impossible de rester hors du jeu. Les soirées deviennent un lieu de mode où tout est permis, le court, le long, le carré, le coupé, le dénudé… tant que soient évitées les fautes de goût comme une combinaison vulgaire et exagérée.
Dans un monde esthétique où l’on est sinon magnifique du moins très beau, la plus value d’une fille réside ailleurs. Ce plus que l’on cherche se trouve dans ses capacités intellectuelles et sociales.
La vraie beauté dans un douloureux diplôme de polytechnique qui se marie difficilement – mais clairement – avec une si petite robe de soirée, dans une vraie gentillesse débarrassée de toute hypocrisie, dans un succès professionnel à laisser bouche bée toutes les filles-statues, dans une conversation sincère entre deux filles oubliant les mecs et la jalousie, dans un humour a faire pleurer de rire, dans un projet de carrière ambitieux et sans doute réussi, dans une attitude convenable malgré la décadence des lieux, dans une profondeur plus présente que son apparence, dans une vie bien remplie qui ne se résume pas à la folie des nuits, dans un amour pur et stable malgré la volatilité des relations, dans un accomplissement personnel qui fait briller les yeux, détendre le visage et affirmer la démarche…
Bleues, roses, vertes, blanches, beiges, noires et grises… Du coton, du satin, du lin et de la soie. Un jeans 34 qui rend la vie impossible. Des talons qui se cassent parfois. Mais pas que ça. Car certaines filles ont autre chose. Des choses qui ne se fanent pas. Des choses non éphémères. Des choses qu’elles cultivent et qu’elles grandissent…
Des robes certes… Mais aussi plein de choses à faire oublier robes et talons.

mardi, octobre 09, 2007

J’écrirai encore, malgré moi

Je m’ennuyais. On m’avait donné des choses à faire mais les journées étaient longues. Je travaillais. Mais je faisais autre chose aussi : je discutais avec deux stagiaires qui sont devenues mes meilleures amies, je parlais au téléphone avec mon copain, je discutais avec lui sur Internet, je descendais en bas avec les filles pour fumer, manger des macarons de chez Le Nôtre et surtout observer les gens sur le trottoir et se moquer de leurs démarches alors qu’en réalité on les enviait à mort de pouvoir se balader en toute liberté et audace en plein milieu de journée, en plein milieu de Paris alors que nous étions enfermées dans un bureau. On faisait aussi de longues pauses déjeuner en quittant un peu plus tôt et en revenant un peu plus tard… J’ai un peu honte d’avouer qu’elle était souvent suivie d’une pause café.
Aussi, j’écrivais. Tout. Quand je pense que j’ai oublié d’effacer mes écrits de l’ordinateur qu’on avait mis à ma disposition, je rougis de honte, même ayant quitté Paris. Une chose est sûre, on ne me proposera plus jamais un stage dans ce même cabinet. Mais ce n’est pas très grave. J’en trouverai d’autres.
Après quelques semaines de stage, je fus obligée de dévoiler mon site à mes collègues. Je ne pouvais pas prétendre indéfiniment lire une étude analytique sur le code civil quand on pouvait bel et bien voir, par-dessus mon épaule, que le fond est carrément… rose. Et petit à petit, mon site devint la station de départ de chaque journée. J’écrivais, j’expliquais, j’avais droit à des critiques, des suggestions, des questions, des commentaires, des rires, des larmes et des jugements. J’adorais. Et je le dis avec un brin d’arrogance. Savoir que des histoires futiles pouvaient provoquer de telles réactions dans un environnement professionnel et carré ne me laissait pas indifférente. On me conseilla alors d’envoyer mes écrits à des maisons d’édition. Je trouvai l’idée complètement ridicule. Mais je l’accueillis volontiers.
Aujourd’hui, j’ai reçu une première réponse. Les autres vont sans doute suivre et être dans le même sens. La réponse est bien sûr négative. Mais je m’en fous. Il y a quelques années, j’aurai déchiré la lettre et je l’aurais brûlée avant de la jeter. J’aurais pris la précaution d’être à l’abri des regards et si l’on m’avait surprise quand même, j’aurais prétendu avoir brûlé une feuille anodine d’un magazine dépassé pour le plaisir de faire du feu.
J’ai accepte avec un sourire une mauvaise nouvelle que je n’attendais même plus. J’avais oublié avoir envoyé mes écrits et cette lettre de Paris m’a rappelé de beaux moments de ma vie. Elle m’a rappelé des instants de confiance, de détermination, de chance, d’émotions, d’espoir. Elle m’a rappelé que j’ai voulu tenter ma chance alors que je savais que j’en avais peu, elle m’a rappelé que quelque part à Paris, cet été, il y a quelques mois, mes histoires faisaient sourire des avocats qui, au fond de leurs bureaux et entre des dossiers tristes, s’ennuyaient. Mes écrits furent refusés. Ils ne sont pas assez professionnels, peu concentrés, très naïfs et souvent pressés mais je sais que demain soir dans mon lit, comme ce soir et comme tous les soirs de ma vie, entre deux fenêtres ouvertes de mon ordinateur à l’odeur des bonbons et du café, j’écrirai encore, malgré moi.

dimanche, septembre 23, 2007

Seule

Seule sans toi… Mais encore plus seule avec les autres. Des moments ridicules rythmés de petits messages qui racontent un verre, une idée, un souvenir, un projet… Des messages parfois doux et parfois violents de jalousie, parfois coquins et parfois possessifs, des messages qui invitent et qui provoquent, qui demandent et qui demandent encore, qui demandent plus et qui demandent loin, qui demandent de quitter les lieux, de venir plus près, de venir tout près, de venir très près quand il est loin le temps du trop près…
Seule sans toi… Mais je sors. Beaucoup même. Je sors pour faire comme si la vie continuait… Je sors pour faire comme si notre couple survivait bien la distance, comme s’il la snobait, comme s’il la provoquait, comme s’il la défiait… Oui, je sors… Surtout pour faire passer le temps et pour plus vite te retrouver… Je regarde autour de moi, je discute, je bois, je ris… Je joue. Je joue bien. Pour cacher une solitude qui a commencé par m’effleurer, qui m’a ensuite pincée et qui a fini par me dévorer…
Et puis seule sans toi… Seule sur une route qui se fait longue. La route de ma maison… Seule pensant à toi. Seule, t’envoyant des messages doux et violents de jalousie… Des messages excessifs en attendant les messages que je préfère, ceux qui s’expriment de vrais gestes et de vrais baisers… Bientôt. Très bientôt.
Je suis seule… Ne sois pas triste que je sorte. Car c’est au milieu des rires hystériques, des pieds qui s’écrasent, des mains qui se touchent, des regards qui se croisent, des sourires qui se mentent, des robes qui volent, des filles ringardes, des mecs salauds, des gens sympas, des autres envieux, des verres qui se touchent, des verres qui se renversent, des bouteilles qui s’ouvrent, de cheveux qui gonflent, de mèches qui se rebellent, d’une musique qui fait de son mieux, des mots sourds, des salutations répétitives, oui c’est au milieu de tout ce cinéma que je décide de partir… Partir pour mieux apprécier une vie qui a décidé de se détacher du faux pour ne garder que ce qu’elle juge de qualité.
Je suis seule car ta présence n’est pas quelconque. Ta présence est la plus présente de toutes celles que j’ai connues. Elle a effacé les précédentes, rendues ridicules les présentes et refuse d’avance toute possibilité de présence future.

samedi, septembre 22, 2007

Dans le sac d’une femme (ou ma vie en attendant Elie…)

Dans le sac d’une femme on trouve souvent un miroir… Un miroir qui la juge ou qui la complimente selon son humeur. On trouve un miroir tantôt sincère, tantôt hypocrite, souvent ami fidèle mais parfois très politique, un miroir pour la faire sourire et un même miroir pour la réveiller…
Dans le sac d’une femme on trouve souvent des mouchoirs. Des mouchoirs pour essuyer ses larmes, des mouchoirs pour qu’elle arrête de pleurer quand elle conduit et que la vue qui s’expose à elle se fait floue comme ses pensées. Un mouchoir pour lui dire que même loin, son mec est si proche et que ses larmes ne servent qu'à rendre ses yeux enflés…
Dans le sac d’une femme on trouve tout le temps un rouge à lèvres. Un produit qu’elle passe sur ses lèvres pour mettre du rose là où la couleur oublie de passer…
Dans le sac d’une femme on trouve tout le temps son téléphone portable, un objet qu’elle connaît par cœur et sur lequel elle compose des numéros sacrés même en fermant les yeux. Elle l’appelle et elle lui parle à longueur de journée. Elle lui écrit et elle lui dévoile ce qu’elle aurait préféré murmurer, chuchoter et tant de fois… oui tant de fois… crier.
Dans le sac d’une femme on trouve aussi des clés… Les clés d’une maison qui ne mérite pas son appellation, depuis qu’il est parti et qu’il en construit une autre de son côté, une autre qu’il appelle la sienne, une autre qui est tout aussi vide car remplie à moitié…
Dans le sac d’une femme, en cherchant bien, on trouve de la monnaie… Un outil indispensable pour qu’elle s’achète de quoi s’occuper de longues heures pendant qu’elle pense à lui… Lui qu’elle aime et pour qui elle se meurt de retrouver…
Dans le sac d’une femme on trouve des lunettes de soleil… Des lunettes assez grandes et assez sombres qui lui permettent de cacher son identité, depuis qu’elle l’a perdue et qu’elle a du mal à la retrouver, depuis qu’il est parti, et qu’elle la lui a offerte en cadeau, gage de leurs retrouvailles.
Dans le sac d’une femme on trouve parfois des clopes. Des clopes qu’elle pose sur le bout des lèvres depuis qu’elles s’ennuient de ne plus l’embrasser… Mais que sont tristes ces clopes sans briquet… Et mon cœur sans lui à mes côtés…
Dans le sac d’une femme, quand on y plonge le nez, on trouve un papier plié en quatre… Un papier de rien du tout qui lui rappelle qu’il y a un mois à peine, dans une rue de Londres, il lui a écrit : « I’m having the time of my life… and i want to spend the rest of it with you ». Un papier qu’il a glissé discrètement dans son sac après l’avoir si joliment signé : « Elie »…
Le sac d’une femme raconte sa vie… Le mien est toujours trop grand… Car mon amour l’a si bien rempli…

mardi, septembre 18, 2007

Certaines choses nous font grandir...

Certaines choses nous font grandir. Elles éveillent en nous un sentiment de responsabilité. Elles nous donnent une attitude d’indépendance qui va d’une simple démarche confiante à la liberté d’exister. Elles créent au font de nos yeux une lumière arrogante qui semble vouloir dire « aujourd’hui, j’ai grandi ».
Tout fait grandir… Mais certaines choses accélèrent la croissance comme un pied brusque et insistant sur la pédale droite d’une voiture de vitesse. Ces choses là arrivent. Ces choses là s’imposent.
Aujourd’hui, je suis plus grande. Plus grande car j’ai été blessée, plus grande car j’ai aimé, plus grande car j’ai perdu, plus grande car j’ai quelquefois trop bu, plus grande car je n’ai pas toujours su, plus grande car je l’ai vue pleurer, plus grande car hier… elle m’a tout raconté. Juste avant, je me sentais trop jeune. Je croyais avoir le droit de fermer les yeux et les oreilles quand leurs voix ne me plaisaient pas. Je croyais pouvoir tourner le dos, prendre d’une main mon sac, enfiler un jeans trop bas, ajouter un peu de gloss du bout du doigt et partir sans la moindre explication et sans accorder la moindre importance à leurs problèmes tout simplement car j’avais les miens. Bien sûr, des petits problèmes : des trucs de jeunes insouciants, superficiels et excessifs. Oui, surtout excessifs… Des problèmes de corps, des problèmes de fringues, des problèmes d’alcool, des problèmes de mecs, des problèmes de poids, des problèmes d’esthétique, de boîtes de nuit, de jalousie, de gestion de sorties. Mais aussi des problèmes de fac, d’exams, de profs car je suis sérieuse… quelquefois.
Et puis soudain ces choses me bouleversent l’existence imposant du sérieux et un degré de maturité trop poussé à mon goût. Les rôles s’inversent et mes nuits trop blanches restent blanches mais si différemment… blanchies.
Certaines choses nous font grandir. Même si franchement… je n’en ai nullement envie. Car j’ai mon mec, mes fringues, un verre à la main et mes copines… Aujourd’hui, j’ai grandi. J’ai dû interrompre ma soirée à contre cœur, à contre force et surtout… en plein nuit.

Parfois

Je traîne les jambes. Je veux qu’on m’emmène chez moi en hélicoptère. Ou sinon qu’on me pousse… Oui, je suis trop fatiguée. J’ai quelques courses à faire. Je les fais machinalement en regardant vaguement l’emballage. Et je me trompe. Evidemment. Je ne le remarque qu’une fois – enfin – arrivée chez moi, après la douche et après avoir enfilé ce pyjama qu’on ne montre jamais mais qu’on réserve aux soirées de déprime solitaire. Je dois repartir pour acheter les bons trucs. Je suis toujours fatiguée. Je ne peux pas sortir comme ça mais je n’ai plus la force de me changer. Je mets un gros manteau pour tout cacher, je serre bien la ceinture et je ressors à contre cœur. Derrière mes grosses lunettes noires D&G qui cachent mes yeux en larmes assez cernés, dans un de mes plus beaux manteaux et dans des chaussures aussi belles qu’inconfortables, je suis sûre que l’on ne peut apercevoir le ridicule pyjama insortable. Dans la rue, j’ai envie de pleurer. On me regarde. Peut-être. Je crois. Je presse le pas. J’en ai marre. Je finis mes courses. Je refais le chemin du retour. Encore une fois. Je stresse. J’avais rendez-vous avec une copine pour prendre un verre. Mais j’ai tout annulé prétextant beaucoup de travail au cabinet. Je me suis sentie incapable de tenir une conversation. J’appelle mes parents. Ils me dépriment. Sans le vouloir, bien sûr. Ils veulent que je fasse une décision quant aux études à entreprendre. Ils veulent que je ne me lisse plus les cheveux. Ils veulent que j’arrête de manger des conneries. Ils veulent… Ils veulent… Ils oublient de me demander ce que je veux. Et ils ont peut-être raison. Car vraiment, je n’en sais rien. Et je n’ai pas envie d’y penser…
Je suis trop triste. Je me sens un peu seule mais j’essaie de faire taire ce sentiment que je juge trop faible. Car j’ai choisi d’être seule. J’appelle celui que je considère être mon meilleur ami. Il me demande de le rappeler. Il est en compagnie de ses amis.
Je rappelle mon père en adoptant une voix pressée et heureuse pour qu’il ne se doute de mon coup de blues mais il me dit que c’est l’heure du journal et qu’il me rappellerait plus tard dans la soirée. C’était il y a plus de cinq heures…
J’appelle mon frère qui n’a toujours pas acheté un nouveau téléphone. J’ai du mal à l’entendre. Le bruit me fait pleurer.
Je parle à mon copain qui me dit que je suis sa meilleure amie. Et je trouve que c’est la plus belle chose à entendre. Car ce soir, je m’en fous s’il me trouve belle, attirante, charmante ou intelligente. Ce soir, tout ce que je veux, c’est un peu d’amitié. Mais vite, on raccroche. Il n’est pas seul pour parler.
Je suis seule dans un lit énorme. Je tiens le téléphone que je fais glisser entre les doigts. J’ai besoin d’appeler une personne qui ne me forcera pas à raconter quelque chose. Je veux appeler quelqu’un qui me comprenne… Je laisse tomber. Je rentre dormir.

mercredi, août 29, 2007

Resto libanais, avenue Victor Hugo

Je me suis toujours sentie trop libanaise aussi bien au Liban qu’à l’étranger durant mes vacances, mes voyages et mes stages en Europe. Je le dis tout le temps, je l’expose, je l’affiche, je le crie. J’aime être cette femme à la fois orientale et ouverte à l’occident, indépendante mais parfois conservatrice, maîtrisant trois langues au moins mais ayant cet accent libanais qui rend les mots élastiques et bien prononcés. J’aime avoir les yeux grands et bien marron, les cheveux balayés de mèches faussement blondes pour leur donner un éclat de soleil, les ongles bien vernis comme toutes les libanaises, des habits à la mode et cette attention accrue que l’on donne à notre physique. J’aime être une fille ambitieuse qui veut réussir, qui refuse de se trouver un homme trop riche et trop vieux, qui ne voit aucune limite à ses études et qui ne remarque aucune des éventuelles restrictions sociales. Je veux être bien dans ma peau, bien avec mon mec, heureuse de parcourir le monde avec lui, indifférente aux critiques, rebelle aux traditions et aux stéréotypes des études à 23, du travail à 24 et d’un mariage classique à 25 suivi – ou pas – d’un divorce à 30.
Je veux être une femme indépendante qui se concentre sur sa carrière sans laisser tomber sa vie amoureuse, qui n’a pas peur de vieillir sans s’être mariée et qui ne se voit pas imposer l’obligation de fonder une famille dans l’immédiat, qui veut former un couple réussi avec tous les préliminaires nécessaires, qui se concentre sur un équilibre professionnel d’abord, ensuite sentimental, ensuite familial…
Oui je veux être différente. Car je ressemble aux femmes de ma génération. Je ressemble beaucoup aux libanaises que l’on voit à Londres, à Paris, à New York et à Tokyo, à quelques unes au Liban aussi, qui se savent fortes et réussies, qui apprécient un cocktail entre filles, un voyage entre copines, une cigarette en solo, une promenade avec des inconnus, des rencontres incessantes, des contacts qui ne font que s’élargir, des amis un peu partout, des expériences nouvelles, des nuits tristes, des verres en trop, des matins difficiles, des soirées dans un bureau, des anniversaires passés seules, un salaire trop juste, une robe hors de prix, des talons qui se cassent en courant pour rattraper le bus qui s’en va, un chapeau que l’on ne pourrait mettre au Liban sans échapper à des critiques libanaises trop pathétiques mais trop… libanaises.
Oui, je veux être différente. Différente sans oublier d’être libanaise. Je veux une vie réussie qui se résume par carrière, amis, mari, famille… Progressivement.
J’aime ma vie de libanaise épanouie. J’aime pouvoir parler de tout sans avoir peur d’un regard dur et trop oriental. J’aime être à Paris sans devoir abandonner certaines de mes valeurs conservatrices. J’aime changer de vie, d’habitudes, de sorties. J’aime pouvoir explorer de nouveaux horizons, découvrir de nouvelles possibilités et trouver l’éventualité d’une vie au Mexique tout à fait raisonnable. Oui, je veux me débarrasser de ces idées que j’avais cultivées en croyant être moderne mais en étant au fond une femme libanaise comme les autres qui ne rêvent que d’être, un jour, bonne mère. Car je veux avant tout conserver… ma vie de femme.
En attendant de me lancer dans de nouvelles études, de m’installer avec mon mec, de trouver un job bien payé, de voyager partout dans le monde, j’apprécie un bon déjeuner en compagnie de trois amies françaises dans un resto libanais avenue Victor Hugo.

Publié dans L'Orient Le Jour le vendredi 31 août 2007

jeudi, août 23, 2007

Ce week-end, à Londres...

Réveil en vitesse, des traces sur le visage qui dévoilent des draps froissés et de la fatigue démesurée, mon sac ouvert pour accueillir des vêtements pour la soirée, mon café bu d’un coup comme pour bousculer une journée que je voudrais brûler, des cheveux longuement lissés qui gonflent à cause d’une pluie inappropriée, le bus très ponctuel rien que pour me faire rigoler, le cabinet inchangé qui ne remarque pas un enthousiasme que je sais par mon regard froid bien cacher, des heures qui s’allongent rien que pour m’embêter, mes doigts qui traînent sur le clavier, mes yeux fixés sur un écran très ennuyé, mon repas rapidement avalé, quelques mots complices avec une stagiaire qui connaît mes pensées, un appel que je reçois pour me signaler qu’un avion est en train de décoller, mon ventre qui fait ces bruits étranges du passé, dans ma tête une préface du week-end à passer, mes fesses qui se plaignent d’être tout le temps sur cette chaise collées, mes jambes stressées que je n’arrive à calmer, un cadran de montre qui semble s’éterniser, quelque part dans le ciel un mec partageant mes pensées, quelque part à Londres des trottoirs à apprivoiser, demain un matin à ses côtés, dimanche soir le même danger d’une séparation difficile à gérer, dans quelques heures un voyage en train aussi ennuyant que cette morose journée, mais plus tard dans la soirée son rire pour me faire oublier, ce week-end volé après des mois l’un de l’autre séparés…

dimanche, août 19, 2007

Un dejeuner avec lui

Il est huit heures du matin. Je suis déjà réveillée. Je suis réveillée très tôt pour un samedi. Hier, j’avais pris la précaution de bien fermer les volets. Il fallait que je m’offre une bonne nuit de sommeil après une semaine bien fatigante.
Je ferme les yeux comme pour tromper mon corps très bien éveillé. Je tire sur mes paupières comme pour les forcer à rester fermées. Puis je me lasse de ce jeu inutile et décide de sortir hors du lit. Mais que faire alors que la ville est encore couchée ? Je décide de faire le linge, la vaisselle, le repassage, le ménage jusqu’à trouver l’heure décente et pouvoir enfin sortir. Mais je travaille rapidement – c’est une qualité que j’ai gagné de ma mère – et en moins d’une heure, j’avais tout fini. Je fais les cent pas en attendant son appel. Aujourd’hui, j’ai rendez-vous avec lui.
Je prends mon téléphone et tremble un peu. Je me demande si je devrais l’appeler ou le laisser dormir. Je décide d’attendre un petit peu. Je prends ma douche et j’enfile les habits que j’avais choisis hier soir. Je me demande s’il va me trouver bien. Je me demande si je n’ai pas grossi un petit peu depuis que j’habite seule et que je mange n’importe quoi pour gagner du temps…
Il est treize heures. Il m’appelle enfin. Il me dit de venir : chambre 2143, méridien, montparnasse. Je quitte tout de suite. Au métro, je fixe la ligne représentant la succession des stations. Il m’en reste 6. Je suis impatiente. Je stresse. Je me demande si ça se voit sur mon visage que j’ai un rendez-vous important. Je décide d’écouter de la musique mais j’enlève vite les écouteurs. Aujourd’hui, la musique ressemble bien plus à du bruit.
J’arrive enfin. Je sors de la station. Je me dirige vers l’hôtel. Je presse le pas. Je ne veux pas courir. J’imagine ma démarche, trop rapide et trop lente à la fois, rapide instinctivement, lente car je veux qu’elle le soit et je me dis que le résultat doit être bien ridicule et bien représentatif de mon dilemme.
Je suis dans l’ascenseur. Avec deux autres personnes. J’ai l’impression qu’elles me fixent trop. Je me demande si elles peuvent lire dans mon corps trop agité, dans mon cœur trop bouleversé, dans mes yeux prisonniers de la cabine, que j’ai un rendez-vous important. Je me regarde dans le miroir. Et puis je me dis qu’elles ne me regardent que parce qu’il est difficile de regarder ailleurs dans un espace d’à peine un mètre carré. Peut-être plus. Peut-être moins. Je n’en sais rien…
J’arrive devant sa porte. Je tape. Il ne répond pas. Dix minutes plus tard, la femme de ménage me conseille de taper plus fort. Je tape plus fort. J’entends sa voix qui me demande de patienter. Encore… Et je patiente.
Il m’ouvre. Il n’a pas changé. J’ai le cœur qui bat et le sourire qui se dessine le plus naturellement du monde. Je le regarde. Il est toujours le même. Il a toujours ce même visage réconfortant, le sourire de quelqu’un qui aime, l’attitude décontractée et la mine trahissant de longues heures de voyage. Il y a de petits cadeaux déposés sur le lit et sa valise est encore ouverte sur le sol. Son cœur est ouvert aussi.
Je m’approche de lui. Je lui fais un petit bisou rapide. Je le serre fort mais timidement. Je n’arrive pas à lui dévoiler davantage. Je suis un peu embarrassée par cet excès d’amour. Je ne me comprends même pas…
On déjeune. On discute. Je l’écoute surtout. Je l’aime. Je ne veux pas qu’il s’en aille. Pas tout de suite. Je commande une entrée. Un plat. Un dessert. Un café… Histoire de le retenir le plus longtemps possible.
J’ai réussi à entretenir une très longue conversation. Mais à un moment donné, il a fallu qu’on se quitte. Je l’ai serré aussi fort que j’ai osé et je lui ai dit combien je l’aimais et combien mes deux frères et ma sœur l’aimaient aussi. J’aime quand mon père vient à Paris…

mardi, août 07, 2007

Pendant ma pause déjeuner...

Aujourd’hui, j’ai décidé de profiter de ma pause déjeuner pour m’acheter quelques bouquins. Sauter un repas pour avoir le temps de choisir des trucs à lire me semblait être une bonne affaire. Ce matin, à travers la vitre du bus, j’ai aperçu une librairie pas très loin du bureau. J’essayai de me rappeler où elle se trouvait et trouvai rapidement mon chemin.
A l’intérieur, il fait froid. Dehors aussi d’ailleurs. Le soleil imposant m’a bien trompée. Car ici, il s’entend bien avec une très basse température.
Je fais des tours inutiles et parmi des centaines de bouquins, les ventes de la semaine, les coups de cœur du libraire, les nouveautés, les best sellers et les classiques, je ne pus faire mon choix.
Je continue ma ballade dans des rayons vulgaires car trop chargés, lourds de mots souvent grossiers, maladroits car permettant à Nothomb et à Molière de se côtoyer. Je regarde autour de moi pour voir ce que les autres choisissent. J’observe une fille qui doit avoir mon âge pour savoir ce qu’elle aime mais elle finit par serrer son bijou proche de son cœur et par me regarder d’un regard furieux de tant d’indiscrétion. Et elle a raison. Ce qu’on lit ne regarde personne. Heureusement.
Je ne sais pas quoi choisir. Ma pause est bientôt finie. Je ne veux pas rentrer sans avoir quelque chose à lire pour ce soir. Et pour demain soir. Et pour les soirs à venir. Et pour les parcs de Paris. Et pour le métro. Et pour l’avion qui va m’emmener en Espagne. Et pour la plage de là-bas. Et pour la plage d’ici. Mais quelle plage ? Qu’est-ce que je raconte…
Je ferme les yeux et je touche des livres posés sur une table basse. Ces livres que l’on expose et que l'on vante car l’on croit qu’ils seront vite achetés. Je passe mes doigts sur leurs couvertures et essaie de deviner leurs contenus. Rien ne me plaît.
Je vais visiter les livres délaissés. Ceux que l’on condamne à rester cachés. Je laisse mes yeux courir sur les étagères et passer du A au S au W. Quelqu’un fait comme moi. Je respire l’odeur du papier neuf. Il en fait de même. Je lis les titres. C’est comme ça que je choisis mes livres. Parfois. Je lis la dernière phrase, discrètement. Je la lis en cachette car elle me semble interdite. Il me regarde du sourire malin de celui qui sait. Je déteste qu'on me viole ce plaisir de tricher. Cette dernière phrase est souvent énigmatique-pathétique. Elle est parfois inachevée. Elle semble presque toujours vouloir surprendre. Je choisis celles qui ne veulent rien prouver. Je choisis ces livres qui se terminent par « et puis je fais mon café », ou « hier, je l’ai embrassé » ou encore « je ne sais pas ce que je vais faire de ma journée ».
Heureuse d’avoir trouvé ce qui me ressemble, des livres qui racontent des histoires non dignes d’être racontées car banales comme la vie de tous, je les enfuis au fond de mon sac. Je serais furieuse qu’on me demande ce que je lis. Car je ne lis jamais les ventes de la semaine, les coups de cœur du libraire, les nouveautés, les best sellers et les classiques. Je lis plutôt ces livres oubliés… Des livres pour lesquels je sauterais bien ma pause déjeuner.

mercredi, août 01, 2007

Une modeste expérience

Nous recherchons tous l’expérience. Car l’information seule ne suffit jamais. Elle peut venir erronée, subjective, incomplète, faussée, relative. Il faut tenter pour savoir. Essayer pour comprendre. Etre blessé pour faire plus attention. Agir pour retenir. Et heureusement que tout est expérience.
Comme tout le monde, suivant les conseils de mes proches, le parcours de personnes ayant réussi, les directives de sites Internet trop parfaits, je décide de faire un stage pour avoir une idée de ce que c’est que travailler, toucher du doigt le milieu professionnel, côtoyer des personnes qui se trouvent là où je voudrais arriver, développer le sens de la responsabilité, remplacer mes journées paresseuses sous le soleil par des journées longues et fatigantes, parfois moroses et parfois plus gaies, mais presque toujours très enrichissantes.
Je croyais que l’expérience que j’allais éventuellement acquérir sera puisée sur un bureau trop sérieux à mon goût, parmi des gens trop ambitieux, dans un environnement incompatible avec ma définition de l’été… Je croyais vraiment que c’est en matière de Droit que j’allais surtout évoluer. Et ce n’est pas tout à fait faux. Car j’ai beaucoup appris, en effet (ce qui n’est pas très dur vu que je ne savais pas grand-chose). Oui j’ai acquis une expérience. Mais une expérience quelque peu différente.
Car j’ai appris dans la rue, devant des cartes trop sales de métro, en attendant un bus qui n’allait jamais venir (bien sûr puisque ce n’était même pas le bon arrêt), en discutant avec une assistante qui travaille bien plus (et sait parfois beaucoup plus) que certains avocats, en riant avec des inconnus qui allaient se perdre dans le chaos de la ville aussitôt notre échange éphémère achevé.
Oui, j’ai appris en bavardant avec des stagiaires venant des divers côtés de la France et connaissant le Liban presque aussi bien que moi.
J’ai appris en marchant toute seule dans des quartiers parisiens espérant bêtement tomber sur une tête familière jusqu’à apprécier une ballade solitaire.
J’ai appris en voulant très fort revenir à Beyrouth et en réalisant que ce n’est qu’un coup de tête et que je suis bien ici même seule, même fragile, même on ne peut plus libanaise.
J’ai appris que j’ai beau être étrangère, jeune, insouciante, tête en l’air et – je l’avoue – un peu gâtée, je dois me débrouiller toute seule et que tout le monde est comme moi en fin de compte.
J’ai appris que tout est question d’apprentissage. Et que si je ne comprends rien aujourd’hui, demain ça ira mieux.

Paru dans L'orient Le jour le mardi 21 aout 2007

mardi, juillet 24, 2007

Normale la ville, normale ma vie !

Il y a des villes qu’on connaît par cœur. Elles nous sont tellement familières qu’elles ne peuvent que nous inspirer routine et ennui. On en sait les histoires, les rumeurs, les recoins, les problèmes, les jours heureux, les matins médiocres, les coins sympas, les quartiers moyens, les hauts, les bas, les expansions, les addictions, les rechutes, les saletés, les blessures, les points faibles, les richesses, le passé, les ambitions, les accidents, les peurs, les envies… Ces villes-là nous couvrent, nous protègent et nous accueillent. Même quand elles sont instables, folles, dangereuses, mal organisées, impulsives et lunatiques, on s’y sent à l’abri et on les désigne en disant d’une façon détachée et quelque peu orgueilleuse, la lumière aux yeux et le cœur qui bat: « chez moi, c’est comme ça… »
D’autres villes restent distantes et mystérieuses. Elles nous semblent sans défaut car on ne les fréquente que temporairement ou à travers des moyens dont la tâche première est d’embellir. Elles se la jouent inaccessibles et hautaines, réservées et fières… Elles nous rendent envieux et émerveillés, elles nous attirent et nous laissent à la bouche le faux goût d’une vie parfaite.
Et puis on fait de son mieux pour y être : études, travail ou stage, peu importe. L’importance, c’est d’y être. Et j’y suis !
Mais petit à petit, la ville de rêve commence à révéler ses secrets. Des secrets qui la rendent moins parfaite. Ses faiblesses sont souvent différentes de celles que nous connaissions « chez nous ». Mais elles existent et en font une ville… normale.
Plus on la fréquente et plus on en découvre : des manies, de sales habitudes, des sautes d’humeur, des séquelles, des coups de tête… Plus on la fréquente et plus on remarque que toutes les villes sont pareilles en réalité. Elles laissent toutes une première impression qui leur est propre et finissent par dévoiler leur véritable identité et des caractéristiques qui ressemblent à celles des autres villes.
On se réveille en retard, on court, la pluie nous mouille les cheveux et se crée vite un chemin pour envahir nos chaussures, le parapluie se casse et le bus se lasse de nous attendre… On finit par marcher puis courir, par pleurer pour un tout petit rien, par se dire que « chez nous » c’est bien meilleur, par appeler une amie qui ne décroche pas et par avouer avec un faux sourire ennuyé et tellement ironique que la ville nous a bien eus !
Et on commence à en savoir les histoires, les rumeurs, les recoins, les problèmes, les jours heureux, les matins médiocres, les coins sympas, les quartiers moyens…

Paru dans l'Orient Le Jour

lundi, juillet 23, 2007

Le monde est petit

Gaelle je n'arrive pas à croire.
Je te décris la scène: je suis assise dans le métro. Je suis seule et triste. Je pense à toi. Je regarde en face de moi. La fille te ressemble beaucoup. Tellement, que c'est effrayant. Je lui souris. Elle se demande sûrement pourquoi je la fixe. Elle descends à Havre Caumartin. Je descends aussi. J'ai failli lui demander si sa soeur s'appelle Gaelle. Je me suis dit que c'est très peu probable.
Puis tu me dis que c'était... elle!!!
Le monde est trop petit en effet.
Ca m'a fait plaisir de te voir le temps de 3 stations sur la ligne 9.

vendredi, juin 15, 2007

Ecoute Paris

Ecoute Paris en attendant de la regarder, de la sentir, de la goûter… Ecoute Paris puisqu’il est impossible aujourd’hui de la toucher. Ecoute Paris parce que je l’aime.
Parle moi de Paris… J’ai hâte d’y être. Dis-moi ce qu’on va faire, raconte moi ses rues et ses boulevards, ses passants pressés et ses trottoirs snobs, ses croissants et ses cafés brûlants.
Ecoute cette chanson que je t’envoie. Ecoute cette musique qui me rappelle la vie que j’aimerais avoir. Ecoute les mots qui me font rêver. Ecoute le rythme d’une vie normale. Ecoute…
Ecoute Paris mon amour. Elle m’a dicté les mots que je te raconte. Ecoute ce qu’elle te dit. Ecoute ce que je ne te dirai jamais.
Ecoute…
Ecoute… Puisqu’on n’y ira peut-être jamais.

samedi, juin 09, 2007

Organisation

Organisation. Un beau mot. Utile, surtout. Car j’ai toujours su diviser mon temps entre les sorties, les siestes, les loisirs, les amours, la plage, la fac, les livres, mon site, les amis, les courses et les études. J’expliquais toute réussite par cette idée de planification. Il suffit de visualiser le but, d’évaluer la période qui me sépare de celui-ci et de diviser le travail en fonction du temps restant… Il n’y a que les paresseux qui échouent.
Mais pour qu’une bonne organisation soit fructueuse, il faut qu’elle ait lieu dans des circonstances paisibles ou du moins normales. Et qu’aucun évènement inattendu ne surgisse. Car si je suis bonne planificatrice, je déteste les surprises…
Un bon plan fonctionne quand tous les éléments sont connus. Prétentieuse – peut-être – j’assurais les connaître… tous. Mais un incident assez grave je crois perturbe mes prévisions. Un accident de parcours m’empêche de travailler. Je baisse les bras. Je suis fatiguée et désespérée. Je ne sais pas agir sans suivre un programme bien détaillé. Une chute violente et dangereuse me retarde alors que je n’ai jamais su marcher en dernier… Une blessure qui s’aggrave est difficile à gérer.
Je ne vois que deux plans. Le premier est de tout laisser tomber. Le second propose de redoubler d’efforts. C’est un défi qu’on me lance. Et je le prends. Pour éventuellement le relever…
Organisation ? Peut-être. Mais point de bonne organisation sans difficultés. Une bonne organisation suppose des obstacles et des éléments rebelles. Alors je m’organise : d’abord je travaille, et je désespère par la suite ; question de bien m’organiser…
Les plus belles émotions sont spontanées. Mais les émotions sont si souvent destructrices. J’opte alors pour des « émotions réfléchies » même si je risque de les disqualifier. Aujourd’hui je souris, et je pleurerai quand j’aurai fini. Oui, je réserve mes pleurs à plus tard, des pleurs que j’insèrerai dans une case vide de mon programme.
Les plus beaux paysages attirent par leur charme naturel. Mais ils sont souvent retravaillés sur un programme bien avancé d’un ordinateur de haute technologie. J’admire la spontanéité mais elle est si incompatible avec l’idée d’organisation. Je l’admire, oui, mais je la refuse.
Bien plus difficile est le succès quand on ne maîtrise pas toutes ses données. Mais non impossible. Et bien plus beau le succès quand celui-ci constitue à son tour la donnée rebelle d’un programme prédéfini, l’élément incontournable et inattendu, surprenant certes, mais cette fois-ci surprenant de bonheur…

dimanche, mai 27, 2007

Libre

J’ai toujours envisagé la liberté dans son sens le plus large : la liberté de penser, d’aller et de venir, de croire, de choisir sa religion, de voter, d’adhérer à un parti politique, de faire sa route… La liberté est un grand mot que je ne comprends pas toujours, car si la liberté est toujours proclamée, celle-ci fait souvent l’objet d’atteintes diverses. Car je suis née chrétienne, j’ai grandi à Beyrouth, les évènements divers ont conditionné mes déplacements, une certaine évolution inévitable – et pas forcément choisie- a dirigé mon avenir et j’ai accepté, sans même faire l’effort d’un refus quelconque, des valeurs communes à la majorité des personnes que j’ai connues sans que celles-ci ne soient réfléchies, mesurées ou vraiment… censurées. Je suis libre, oui. Au sens d'une liberte bien reglementee.

Le cours de libertés publiques ne m’a pas été d’un grand secours. Car d’abord, il fallait que je me réveille tôt pour y assister : déjà la liberté de faire la grasse matinée est solennellement violée. Ensuite, car les libertés citées dans le cours (que j’ai reçu d’une amie plus sérieuse) sont limitativement énumérées. J’ai décidé alors de comprendre la liberté dans un sens plus restreint ; le mien. Ma liberté de comprendre… la liberté.

La liberté qui me convient est celle que je façonne : une liberté naïve, fragile, hésitante, particulière, superficielle… Mais une liberté choisie. La liberté de lui dire je t’aime sans avoir peur de son regard fugitif. La liberté de faire des mouvements sensuels sur une musique rebelle. La liberté de réfléchir à une vie commune sans complexes ni formalités. La liberté de faire des études de stylisme. La liberté de partir un moment, sans avoir à signaler son départ, sa destination, l’éventualité du retour. La liberté de ne jamais revenir.

La liberté n’a pas à être constitutionnelle. Son essentiel réside dans les gestes quotidiens. La liberté de rejeter ses amis un samedi soir car la télé se fait plus attirante. La liberté de les rappeler le lendemain et de leur dire que le résumé de la soirée précédente ne m’intéresse point. La liberté dans un décolleté plongeant. La liberté dans un dos nu impudique. La liberté dans une démarche hautaine. La liberté de mettre entre parenthèse un sérieux accumulé pour faire un tour romantique dans les vallées obscures d’une montagne majestueuse… La liberté de ne rien dire, pas un mot, de se serrer les mains, de regarder ailleurs, de s’éviter… La liberté de tout comprendre quand même.

Je suis libre… Libre de choisir en quoi et comment. Libre d’accepter ces choses qu’on me donne et de les transformer. Libre de dévorer un big mac gras et irraisonnable a 3h du matin. Libre de m’évader pour une période et de ne donner aucune explication. Libre de revenir tellement… différente. Oui, je suis libre. Libre et bien dans cette liberté arrogante que je m’approprie. Libre dans un corps qui refuse tout modèle. Libre dans un pays qui essaie de faire comme moi. Libre dans le sens le plus profond du terme. Libre dans tout ce que le mot peut englober bannissant limites et frontières. Libre… avec toi.

Paru dans L'orient le jour le lundi 21 juin 2007.

jeudi, mai 24, 2007

Rien n'a changé

Mes amis me disent d’écrire. Ils s’attendent à un texte rebelle et révolutionnaire, désespéré mais téméraire, furieux de colère. Ils veulent que je dise tout haut ce qu’ils pensent tout bas. Mais cette fois je risque de dire ce qu’ils ne pensent peut-être… pas.

De nouvelles péripéties, hélas, inattendues, peut-être, dangereuse, sans doute, cruelles, comme d’habitude, inexplicables aussi… De nouvelles péripéties sanglantes et déprimantes en début d’été comme pour annoncer une saison aussi triste que la précédente… De nouvelles péripéties jalouses de nos projets ambitieux, de notre envie de vivre, de notre volonté de reconstruire. De nouvelles péripéties, certes, mais qui ont perdu leur effet de surprise. De nouvelles péripéties de même nature que celles qui ont précédé mais aux effets différents : elles ne produisent plus le chaos d’autrefois, ni le désespoir, ni les décisions hâtives, ni le bouleversement radical de la vie quotidienne… Elles affectent la vie de tout libanais sans pour autant la transformer… Car nous sommes tous devenus résistants.

Ce matin je suis allée en cours, comme tous les étudiants. Nous avons discuter de tout, sans aborder ce sujet à la une de tous les journaux : bien informés, nous n’avions plus besoin d’en discuter. Les profs étaient au rendez-vous et les retardataires ne pouvaient avancer comme prétexte les explosions : elles ne constituent plus au Liban un cas de force majeure.

De retour, je pris la route d’habitude, celle qui longe la mer. Celle-ci n’avait point changé. Et le soleil était aussi magnifique que tous les jours, à cette période de l’année. Non, ces péripéties n’ont presque rien changé. Car nous ne voulons plus leur accorder ce privilège. Nos vies sont devenues hors portée.

Les péripéties diverses nous ont si peu affectés. Dimanche, nous n’irons peut-être pas prendre le café dans ce centre commercial qui a explosé. Mais nous irons sûrement celui d’après… Mon texte est optimiste, me diriez-vous. Vous m’accusez aussi de schizophrénie. Peut-être. Mais j’en ai le droit. Car si tout le monde autour de moi se permet d’avoir des personnalités multiples, je me permets d’en avoir… deux.

Article paru dans L'Orient Le Jour du samedi 2 juin 2007.

samedi, mai 19, 2007

Gagne-t-on vraiment un proces?

Il n’est pas nécessaire d’étudier le droit pour savoir qu’il faut deux parties pour constituer un procès. L’une assigne l’autre en justice et cette dernière invoque des moyens pour se défendre.

A l’issu du procès, l’une gagne et l’autre perd, naturellement. Elle devra indemniser la première de toutes les dépenses et de tous les frais de justice en plus de la sanction décidée par le juge qui statue conformément à la loi ou selon l’équité, en l’absence de texte.

Ainsi exposée, la scène parait bien organisée. Noir ou blanc. Perdant ou gagnant. Demandeur ou défendeur. Coupable ou victime. Gentil ou méchant. Mais gagne-t-on vraiment un procès ?

Gagne-t-on vraiment un procès quand on a perdu sa dignité ? Gagne-t-on un procès quand on est entraîné devant les tribunaux alors qu’on a toujours essayé d’avoir un comportement moral et loyal, honnête et convenable ? Peut-t-on vraiment être vainqueur en justice ?

Même quand la cour statue en notre faveur, on ne gagne pas un procès. Il y a toujours quelque chose de perdu. Ne serait-ce que son temps, sa patience, son calme, sa fierté, son honneur… Nous justiciables, ne gagnons jamais un procès. D’ailleurs, une réparation n’est que rarement intégrale et même intégrale, toujours décalée.

Un procès est perdu d’avance. Un procès est perdu dès sa naissance. Car le Droit n’est pas fait pour régir les relations supérieures. Les relations amicales, amoureuses, respectueuses sont placées en marge du Droit.
Non, le Droit n’est pas fait pour régir les relations… humaines.

samedi, mai 12, 2007

Ma vie suspendue

Le départ de la personne aimée est toujours difficile. Un peu moins pour moi peut-être car j’accepte le voyage. J’ai grandi sachant qu’un jour je vais partir, j’ai vu mes frères et ma sœur s’en aller aussi et mon père a fait du voyage son métier. Les distances ne m’intimident pas et je puise dans l’écriture et dans les appels inattendus un plaisir indescriptible. Je trouve que cette séparation provisoire enrichit le couple car elle permet aux deux personnes de s’épanouir séparément tout en préparant l’intensité de la rencontre. Celle-ci est souvent passionnelle et riche en émotions. Non, je ne me plains pas des distances. Je me demande si elles existent dans un monde comme celui d’aujourd’hui où les moyens de télécommunication rendent l’échange facile et les moyens de transport les retrouvailles rapides…
La distance est aussi un test qui permet d’évaluer l’amour. Si le couple lui survit, s’il la snobe, la dépasse, la défie c’est qu’il est digne d’exister. Alors je le laisse partir. D’abord parce que je n'ai pas le choix, ensuite car je sais que je vais commettre le même crime dans deux mois et enfin par amour. Je n’y peux rien.
Je comprends la distance. Je l’accepte. Elle ne me fait pas peur. Je lui dis adieu rapidement. Je n’aime pas les grands gestes. Je vais en cours juste après. Un peu pour prétendre que la vie continue, un peu pour faire semblant que ce n’est pas grave et surtout pour me convaincre que son départ ne changera pas grand-chose. J’écoute vaguement les propos d’un professeur trop sérieux à mon goût. Je suis déjà quelque part entre Beyrouth et Paris. Et je ressens une légère douleur que j’essaie d’ignorer. Je respire profondément. Je souris bêtement. J’essaie de ne pas trop réfléchir.
Le départ est supportable. Car il y a le téléphone, les messages, les souvenirs. Mais il y a une phase impossible à gérer : quand la personne qu’on est aime est dans l’avion. Les pensées m’envahissent, je ressens le besoin de partager quelque chose, de lui dire encore quelques mots, de lui promettre que rien ne changera, de lui jurer que comme lui, je vais l’attendre, de lui assurer que moi aussi, je me sens forte quand un peu plus tôt je n’ai rien su dire… Mais j’attends. Le temps ne passe pas. Et la vie est suspendue… jusqu’à son arrivée. Le temps ne m’appartient plus et la vie me reprend ce qu’elle m’avait si généreusement offert longtemps et de la façon la plus intense possible. Elle me prive de ce bonheur juste au moment où je me demandais comment elle pouvait devenir si parfaite. Je la laisse faire. Je le lui dois. Je la laisse faire en attendant de reprendre le dessus…

vendredi, mai 11, 2007

Amnesique, je me souviens

La mémoire est à la fois le bonheur et la misère de l’Homme. Marcel Proust, dans son livre « à la recherche du temps perdu » raconte comment le goût d’une madeleine, petit gâteau court et dodus, l’emporte dans sa plus tendre enfance faisant ressurgir de doux souvenirs… La mémoire permet en effet à l’intensité d’un moment de survivre à sa fin. Elle immortalise certaines personnes qui vivront éternellement dans le cœur de ceux qui les aiment.
Mais la mémoire est aussi misère. Elle devient instinctivement sélective pour assurer la survie. Nous, libanais, sommes même souvent amnésiques. Nous oublions vite les plus tristes évènements, nous banalisons les scènes les plus cruelles, nous tournons la page après une guerre sévère. Nous avons toujours de l’espoir, nous sommes optimistes, nous donnons de nouvelles chances à ceux qui nous ont déçus, nous croyons en un avenir meilleur. Nous choisissons les éléments à garder. Ils diffèrent selon les personnes. Les hommes politiques semblent ne se souvenir que des choses qui servent à fonder leurs prétentions. Ils oublient ou se rappellent selon leurs intérêts variables avec la conjoncture. Ils en sortent toujours innocents. Les autres, comme moi, essaient dans la mesure du possible de ne retenir que les instants de bonheur. Une journée calme suffit pour effacer des mois d’instabilité. Nous oublions pour vivre.
Je suis libanaise donc amnésique. Mon pays semble tout à fait guéri car aujourd’hui il a fait beau. J’oublie tous les drames passés et je trouve tout avis contraire exagéré. Je redessine mes projets d’autrefois que j’avais balayés un jour de crise. Je repense à un avenir dans ma capitale Beyrouth. Je rêve de fonder une famille au Liban. Naïve, quelques instants prétentieux me suffisent…
Mais notre mémoire est si faussement sélective. Oui, notre mémoire est hypocrite. Car si elle nous procure par sa censure un bien-être vital ce n’est qu’à titre temporaire. Un simple orage fait ressurgir rétroactivement tous les malheurs d’hier. Et nous revivons notre passé plus difficilement que la première fois : le mauvais souvenir s’accompagne du goût amer de la trahison. Notre mémoire que l’on croyait protectrice nous a trahis.
Une bombe jetée au coin d’une rue me rappelle que mes amis sont partis, qu’hier il ne faisait pas beau, que ma sœur a dû voyager en vitesse, qu’un camarade de classe a perdu sa maison, que les jeunes cherchent du travail dans un marché étranger accueillant mais abusif.
Amnésique, je me souviens que mon pays n’est pas encore prêt à oublier. Sa mémoire l’a tout aussi trahi… Et il accepte difficilement ses souvenirs.

Paru dans l'Orient Le jour le mardi 15 mai 2007.

mercredi, mai 02, 2007

Toi, mon soleil

J’avais longtemps attendu. Tout l’hiver. J’avais supporté le froid, les tempêtes et même de très gros nuages. J’étais souvent restée chez moi pour ne pas avoir à affronter le mauvais temps. J’avais compté les mois, les semaines et les jours qui me séparaient de l’été. Il a trop tardé. Je me suis demandée s’il allait venir ou s’il avait décidé de me laisser tomber cette année. Et s’il m’avait trahie ? J’ai douté. Certains m’ont même dit qu’il n’a jamais existé. Je l’ai cherché. Et puis j’ai abandonné.
Ce matin, je me suis réveillée. Et il était là. Sans préavis. Je l’ai très bien accueilli.
Ce matin, le soleil était là. Et je suis allée le retrouver. J’ai fermé mes yeux et je l’ai laissé sur ma peau s’étaler. J’ai respiré profondément. Et tout doucement il m’a tout fait oublier : les nuages, la pluie, les mois derniers. Toute la journée, le soleil m’a caressée. Je t’avais longtemps attendu ; toi mon soleil… le plus beau de l’année.

jeudi, avril 26, 2007

Même si tu pars

Mes amis s’en vont. Et je les encourage. Il cherche tous à réussir. Et je les admire. Car le travail est le projet le plus sûr. Surtout quand on est plongé dans une instabilité politique. Ils s’en vont construire leur avenir. Tous. Ou presque. Je pense que je vais les suivre aussi. Bientôt. Peut-être.
Les relations a distance, j’en ai souvent parlé, le cœur froid, l’esprit analytique, le regard objectif. Car je n’ai jamais été directement concernée. J’ai donné un avis qui se voulait tantôt sévère tantôt indifférent à des amis qui choisissaient toujours un amour impossible. Je leur reprochais parfois de rechercher le difficile alors que le possible était à portée de main. Je leur en voulais aussi de passer trop de temps à faire la gueule, les pensées éparses, le cœur lourd, le regard lointain, à attendre un appel ou à faire des sauts excessifs d’un pays à un autre.
J’ai été proche de personnes qui décidaient tout à coup de s’en aller. Je me suis même demandée si j’en étais le stimulus. Je refusais tout contact au-delà d’un adieu bref et sans excès d’émotions dans un aéroport cruel ou devant la porte d’une boite de nuit qui en sait trop…
Non, les amours impossibles, ce n’est pas mon truc. Il me faut du vrai, du matériel, de la disponibilité, du facile, du logique, du possible. Ma vie était assez compliquée pour des conversations tristes, des rendez-vous lointains et des retrouvailles amères. J’étais trop réaliste et assez exigeante pour me suffire d’un mot doux prononcé trop rapidement et parfois même coupé en deux. J’étais trop paresseuse pour passer mon temps à calculer la différence d’heures. J’étais trop égoïste pour faire des concessions. Trop vivante pour attendre. Trop faible pour resister aux tentations. Trop dramatique pour essayer.
Les aéroports m’ont aussi attirée. Je regardais amusée ceux qui se quittent et guettais leurs gestes pour réussir mes histoires. Avec un pincement au cœur, bien sûr, mais rien de plus, je vous assure. S’ils se quittent, c’est leur choix. Ou pas. Ca ne m’affecte point. Au contraire.
Trouver les avantages d’une relation à distance me parait être une opération quasi-impossible. Car par hypothèse, il y a si peu de chances qu’une relation normale puisse marcher. Les gens sont si différents, les intérêts souvent contradictoires sinon divergents, les goûts tellement diversifiés, les mentalités nombreuses, les valeurs multiples qu’il est trop difficile de concilier des éléments aussi rebelles. Quand tout joue en faveur du couple, ce dernier doit y mettre du sien pour réussir. Et quand meme la nature s’y oppose, quand la distance s’installe, quand l’autre s’éloigne, je ne comprends pas ce qui pourrait faire durer l’amour, s’il existe.
J’explique les relations à distance réussies par le besoin de solitude du couple, de liberté, d’oxygène. Elles réussissent pour la simple raison que ces personnes ne se voient pas assez pour se détester, pas assez pour découvrir leurs défauts réciproques, pas assez pour plonger dans l’ennui, l’habitude, la routine, pas assez pour être jaloux, possessif, destructeur, pas assez pour découvrir l’autre dans ses folies et ses excès, pas assez pour vouloir tout laisser tomber…
J'explique, par exception, ces relations insensées par la possibilité de se déplacer souvent, tous les weekends par exemple. Mais ce privilège est rarement accordé si l’on prend en considération les impératifs sociaux, professionnels, financiers et d’opportunité.
Non… Je ne comprends pas les relations à distance. Et je m’en fous. Parce que mon copain vit juste à côté, parce que la vie a fait en sorte que nos chemins s’unissent et se suivent, se rencontrent et sympathisent, se draguent et s’invitent, se sourient et se touchent, s’effleurent et se croisent… La vie l’a voulu.
Je regardais alors d’un regard fier ceux qui attendent les fêtes, les vacances ou une surprise éventuelle (qui survient si rarement) pour se voir. Je les plaignais aussi. Parce que je veux une histoire d’amour ; une vraie. Et je l’ai.
Mais il me dit « je dois te parler ». Sachez que cette phrase n’annonce jamais une bonne nouvelle. Je dois attendre le soir. Parce que la journée, je suis occupée à faire n’importe quoi. Et par n’importe quoi je veux dire étudier. Je demande à mon amie qui écrit un message à son copain vivant à l’étranger de quoi il pourrait bien s’agir. Pessimiste, elle pense que mon copain va peut-être voyager ou qu’il m’a peut-être trompée et, gentiment, avant de continuer son message, espère tout bas que ces deux hypothèses ne soient pas cumulatives, étant experte en la matière. Je souris. Sa vision des choses m’amuse. Je le connais trop bien. Et je ne risque rien. Je lui dis, hautaine, que je refuse toute comparaison.
Il m’avoue plus tard qu’il va partir. Je n’ai pas les larmes aux yeux. Ni le cœur qui bat. Ni la gorge qui se serre. Je suis immunisée. Il s’en va. Comme tous les autres. Comme moi dans 2 mois. Il me fait le même coup. Mon amour s’en va.
Je déteste les relations à distance. Parce que je n’y croyais pas, avant qu’il ne m’annonce ceci. Mais je suis obligée d’y croire. Pour la première fois, je ne compte pas m’avouer vaincue par l’avenir, par la distance, par le travail.
Il y a ceux qui achètent le présent par l’éventualité d’un avenir. Ils se nourrissent d'espoirs et se contentent de probabilités. Ils attendent des mois pour le bonheur d’une soirée. Ils se font des promesses qui ne seront peut-être jamais tenues.
J’aime les aéroports pour leurs émotions. Et j’accepte le défi de l’impossible. Je ressemblerai à tous ces autres que je critiquais en définitive. Je m’accrocherai à mon téléphone et à mon ordinateur pour sauvegarder ce début d’histoire tout simplement incroyable. Je t’aimerai, même si tu pars.
Je cherche une fin sensationnelle à mon texte. Je ne trouve rien. Il est déjà trop long en tout cas. D’ailleurs, pourquoi trouver une fin quand ce n’est que le début ? Le début, oui… Notre histoire vient tout juste de commencer.

vendredi, avril 13, 2007

La douleur

Encore une fois, a E...

J’ai toujours considéré la douleur comme un luxe. J’essaie de ne pas trop me plaindre, je me tais souvent, je serre les dents, je laisse passer … Car la douleur, comme les sentiments, n’est pas mesurable. Et comme pour les sentiments, j’ai peur de trop en faire. Même si j’ai mal, je ne sais pas si c’est assez pour le dire. Un luxe, car je considère que je n’ai pas trop souffert – encore - dans ma vie. Je n’ai donc pas le droit d’inquiéter les personnes qui m’aiment. Je me tais. Je ne veux pas être capricieuse. Je me dis que c’est normal. Et les choses s’aggravent. Naturellement.
J’ai un jour dit que j’aimais la nuit. Oui, je l’aimais. Je l’aimais pour le calme qu’elle me procurait, pour une inspiration à ma portée, pour les coups de fil que j’attendais. Je l’aimais pour les soirées en boite, pour les verres de trop, pour les matins atroces qui suivent, pour son inaccessibilité (elle n’est pas donnée à tout le monde). Mais je l’aime seulement quand je la choisis. Et non quand elle s’impose, comme ce soir. Car ce soir j’ai envie de dormir. Mais ce soir, je n’y arrive pas. A cause d’une douleur. Légère, profonde, insupportable, acceptable… que sais-je ? Comment savoir ? Et si j’étais réellement capricieuse ?
Je ne vais pas dormir finalement. Je vais attendre la nuit. Subir le matin. Laisser passer une journée vide. Essayer de ne pas trop me plaindre. Empêcher les autres de s’occuper de moi. Me lamenter sur mon sort. Appeler mes amis pour voir où ils sont sachant que je ne peux les joindre. Et puis réfléchir sur la douleur. Ne trouver aucune réponse. Augmenter la douleur.
Je n’ai jamais écris de texte triste. Car la tristesse aussi, je l’évite. Mais ce soir je comprends, peut-être pour la première fois, les sentiments et sensations négatifs. Je les comprends car ils se situent dans le domaine de l’extrême. Un domaine que j’ai exploré en profondeur ces dernières semaines. Mais il s’agissait de l’autre extrême : du bonheur, de la passion, de l’extase. Et j’accepte l’autre cote de la médaille. Rien que pour revivre ces sensations démesurées qu’une personne trop sage ne saurait connaître… J’accepte la douleur… Car bien au dessus de celle-ci, je connais l’amour. Et il vient de m’appeler…