dimanche, février 27, 2011

En Harley Davidson

Il est vrai que je n’ai pas écrit depuis un moment. La raison n’est ni secrète, ni poétique. Je n’ai tout simplement rien à dire. Pourtant, j’ai essayé. Je me suis assise à maintes reprises devant ma feuille blanche et mon stylo (au fait… Microsoft word et le clavier mais c’est moins joli) en espérant que les mots coulent. Mais les mots n’ont pas coulé. Ensuite, je tentais de les chercher me souvenant vaguement d’une jolie phrase de Valery : « un écrivain véritable ne trouve pas ses mots. Alors il les cherche. Et il trouve mieux. »
Je les cherche. Je les cherche le cœur battant. Parce que les trouver, ou mieux encore, trouver « mieux », me déclarerait peut-être, par la force des pensées de Valery, écrivain véritable. Mais je finis vite par refermer mon ordinateur. Et plonger dans un sommeil. Cette fois ci… véritable.
Mais si Valéry ces soirs-là me faisait de la peine, Proust arrivait toujours à me consoler. Et je dormais alors avec un sourire de complicité, entre Marcel et mon manque de créativité. Parce que Proust disait : « ce sont nos passions qui esquissent nos livres, et le repos d’intervalle qui les écrit ». J’aimais à me penser vivant mes passions. Et à compter sur les moments de repos futurs et éventuels, que je ne voulais point précipiter, pour écrire noir sur blanc ce que la vie m’avait de stimulant.
Oui, mon absence pourrait se traduire en transe. Transe face à la vie, aux fous rires bêtes et excessifs, aux discussions à cinq dans mon petit appartement londonien, aux rêves, aux incertitudes, aux peurs, à la jeunesse.
Parce que j’ai découvert dans la passion un sens beaucoup plus élargi que l’amour d’une personne. Oui, j’y ai découvert l’amour de la vie. A travers mes amis.
Cette semaine fut lourde, longue et pénible. Mais une lueur au fond du tunnel m’accorda l’énergie nécessaire pour la survivre. Et même plus. La croquer.
Cette petite étincelle s’appelle Gaëlle. C’est son anniversaire. Et bien sûr, je ne lui laissai pas le choix. Elle devait passer le weekend avec moi à Londres. Ce que l’on allait faire importait peu. Puisque l’on serait ensemble.
Au menu ? Soirées, cafés, ballades et secrets. Bien sûr. Il fallait rattraper tout ce temps qui nous avait séparées.
Vendredi arriva. Et avec lui l’enthousiasme de deux jours de bonheur garanti.
Sauf que ce que l’on avait ni prévu ni considéré arriva aussi. Un de ces coups de la vie censés nous rendre plus fort mais qui nous rendent souvent tout simplement lasse et fiévreux.
L’anniversaire de Gaëlle était tombé à l’eau. Et seule dans ma chambre je pensai à ce malheur que d’être malade seule, dans un pays étranger, dans une ville froide, sans sa mère, sans son médecin de famille, sans les câlins aussi efficaces – sinon plus- que les antibiotiques.
Mes paupières finissent vite par tomber. Mais dans ma tête résonne une chanson, une chanson chantée à tue-tête par mon amie, la veille, dans le resto italien du coin, en balançant ses cheveux longs et noirs par des mouvements rapides de la tête. Oui, cette chanson résonne et me donne la force nécessaire pour affronter ma chambre vide. Et sur ma bouche se dessine un sourire aussi discret que bête tandis que la voix de Gaëlle déjà en route vers Paris remplit ma nuit : « Je n’ai besoin de personne en Harley Davidson ».
Oui, demain matin, ca ira. Et j’appuierai à nouveau sur le starter. Pour à nouveau… quitter la terre.

vendredi, février 11, 2011

Bad Timing

Londres est une ville qui a l’avantage (et… l’inconvénient, si j’ose dire) d’être une ville de passage. En effet, il ya toujours un cousin, une tante, un ami, une connaissance qui passe pour un weekend en amoureux, pour du shopping, pour un entretien à Canary Wharf ou pour rendre visite à la reine.

Et du coup, l’ami – ou pis encore, la « connaissance » qui tout d’un coup devient « meilleur ami » - s’attend à ce que l’on mette notre vie en pause, que l’on rate boulot, gym, sieste et ménage, pour l’accueillir les bras ouverts, lui offrir le canapé et l’emmener voir Big Ben (que je n’ai toujours pas vu – entre parenthèses !) .

Bref, si j’en parle, c’est parce que ma collègue (et amie, non pas connaissance !) italienne vient de vivre cette expérience. Le weekend dernier, elle reçoit un coup de fil de son premier amour. Italien ténébreux qui lui a un brisé le cœur un jour. Il lui annonce qu’il est de passage à Londres et qu’il aimerait bien faire un « catch-up » autour d’un verre… « ou d’un café », prend-t-il bien le soin d’ajouter…

Mais entre le verre et le café, une grande différence. Et cet italien beau comme dans les films, a aussi une certaine intelligence. Il lui laisse le choix ouvert, et mine de rien joue à la fois l’indifférent et le dragueur.

Marianna vient me voir et me résume à la hâte les dernières péripéties, entre l’achat d’une action et l’appel d’un client. Elle me demande si je pense qu’elle devrait le voir. Et je dis oui. Non pas parce que je le pense, mais parce que je sais qu’elle se fout de mon avis.

Mais j’y pense. Je pense à ce garçon qui est un caractère récurrent dans nos conversations des samedis soirs, et des brunchs du dimanche. Ce garçon qui ne lui fait plus l’effet d’autrefois, mais qui a quand même laissé une trace dans sa mémoire, ne serait-ce que le souvenir d’une ballade au port de Venise.

Oui j’y pense… Et je me demande à quoi ressembleraient leurs retrouvailles. Parce qu’elle m’en a beaucoup parlé. Et j’aime à les imaginer se chuchoter en italien des mots d’amour et des caresses platoniques. Mais je ne comprends pas l’italien.

Elle m’avait raconté qu’elle avait fait tomber un jour, à dix-sept ans à peine, l’une de ses boucles d’oreilles dans la voiture du beau. Elle avait ensuite tenté de le contacter à maintes reprises. Un peu pour la boucle d’oreille. Un peu pour entendre sa voix. Toujours pour sa voix. Toujours en utilisant le prétexte de la boucle d’oreille.

Mais les femmes s’impatientent. Et les femmes ne doivent jamais attendre. La boucle d’oreille fut jetée par mon amie. Et j’aime à imaginer le bijou reposant au fond d’un canal. Mais Marianna aurait trouvé l’idée trop banale. Elle avait sans doute opté pour la première poubelle. C’est une fille pratique.

Le lendemain, du jour J, je m’en vais la voir pour les détails juteux qui feraient peut-être la matinée d’un mardi gris et morose. Elle me raconte, le sourire espiègle et la chevelure parfaite, que ce pauvre type est venu, après toutes ces années, lui annoncer son amour pour elle…. Et lui rapporter sa boucle d’oreille autrefois perdue qu’il avait bien gardée.

Elle lui a répondu, avec un ton que j’imagine à la fois imprégné de dégoût et de pitié, que maintenant, c’est la sienne qui manquait.

Bad timing.

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vendredi, février 04, 2011

Si j’avais dormi quatre jours …

Si j’avais dormi quatre jours, je n’aurais pas compris pourquoi les rues de Beyrouth sont désertes, les rues du Caire enragées et la Tunisie métamorphosée. Je n’aurais pas compris pourquoi des jeunes syriens se chuchotent timidement des invitations à la révolte, et pourquoi la Jordanie décide de changer son premier ministre de la sorte. Je me serais cru encore dans le rêve, et j’aurai claqué des doigts pour qu’il s’achève. Un monde arabe qui jusque là flottait pacifiquement dans la corruption, soudain vomit sa soumission. Un peuple dont on a usé et abusé d’un coup refuse son injustice et prie Dieu pour qu’il le bénisse. Des peuples vivant jusque là dans la peur du plus grand, se montraient tolérant. Mais des jeunes téméraires sont prêts à la guerre. Parce qu’ils sont pauvres et au chômage, parce qu’ils sont misérables quelques soient leurs âges, parce qu’ils doivent se soumettre. A des dieux, à des maitres. Si j'avais dormi quatre jours, je n'aurais pas compris la logique du marché, et pourquoi les banquiers se montrent inquiets. J'aurais détesté manquer ce revirement, et ne pas vivre ces moments. Je n’aurais rien compris à ces actes de rebellions soudains, et pourquoi il y a soudain dans l’air une odeur de jasmin.

Je regarde des photos et des scènes et je me trouve partagée entre le bonheur que l’on ressent quand on goute à la liberté et l’appréhension de l’après. Partagée entre l’enthousiasme que doivent ressentir ces hommes, ces jeunes femmes, ces enfants et la douleur qui vient avec, la douleur du combat. J’écoute autour de moi mes amis européens qui avancent des principes beaux et louables, ceux de la démocratie, de l’égalité, de la justice. Je les écoute parler comme s’ils récitaient un manuel de sciences politiques ou de droit constitutionnel. Je les plains d’autant de naïveté. Parceque je ne puis m’empêcher de me rappeler, en refoulant presque cette idée qui vient me déranger, que pour que la liberté soit octroyée, il faut que le sujet sache, puisse et veuille décider.

Le monde arabe se révolte aujourd’hui. Il se lève. Il crie. Il y croit surement. Une comédie ne pourrait pas être passionnée. Se propage une odeur, une odeur de fleur, et comme un leurre, comme ca, sans préavis, sans agenda, éveille une douleur longtemps cachée et qui ne peut plus être supportée. Ce qui effraie, c’est l’incertitude face à celui qui vient remplacer le coupable. Sera-t-il choisi à la hâte, comme ca, par un acte réactionnaire et peu raisonnable ? Saura-t-il manipuler la foule comme l’on manipule une jeune fille vierge par des mots rêveurs et surtout… menteurs ? Profitera-t-il de sa faiblesse, de sa fatigue, de son cri SOS ?

Les pays arabes, ont-ils tous atteints la majorité au même instant, au même moment, par pure coïncidence ? Certains seraient-ils influencés par leurs voisins alors qu’ils ne peuvent se permettre de payer le prix de la liberté ?

Sont-ils aujourd’hui adultes, majeurs et vaccinés ? Ou n’est-ce qu’une crise d’adolescence ? Une crise que les parents font passer … En attendant que ca recommence.




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