mardi, octobre 09, 2007

J’écrirai encore, malgré moi

Je m’ennuyais. On m’avait donné des choses à faire mais les journées étaient longues. Je travaillais. Mais je faisais autre chose aussi : je discutais avec deux stagiaires qui sont devenues mes meilleures amies, je parlais au téléphone avec mon copain, je discutais avec lui sur Internet, je descendais en bas avec les filles pour fumer, manger des macarons de chez Le Nôtre et surtout observer les gens sur le trottoir et se moquer de leurs démarches alors qu’en réalité on les enviait à mort de pouvoir se balader en toute liberté et audace en plein milieu de journée, en plein milieu de Paris alors que nous étions enfermées dans un bureau. On faisait aussi de longues pauses déjeuner en quittant un peu plus tôt et en revenant un peu plus tard… J’ai un peu honte d’avouer qu’elle était souvent suivie d’une pause café.
Aussi, j’écrivais. Tout. Quand je pense que j’ai oublié d’effacer mes écrits de l’ordinateur qu’on avait mis à ma disposition, je rougis de honte, même ayant quitté Paris. Une chose est sûre, on ne me proposera plus jamais un stage dans ce même cabinet. Mais ce n’est pas très grave. J’en trouverai d’autres.
Après quelques semaines de stage, je fus obligée de dévoiler mon site à mes collègues. Je ne pouvais pas prétendre indéfiniment lire une étude analytique sur le code civil quand on pouvait bel et bien voir, par-dessus mon épaule, que le fond est carrément… rose. Et petit à petit, mon site devint la station de départ de chaque journée. J’écrivais, j’expliquais, j’avais droit à des critiques, des suggestions, des questions, des commentaires, des rires, des larmes et des jugements. J’adorais. Et je le dis avec un brin d’arrogance. Savoir que des histoires futiles pouvaient provoquer de telles réactions dans un environnement professionnel et carré ne me laissait pas indifférente. On me conseilla alors d’envoyer mes écrits à des maisons d’édition. Je trouvai l’idée complètement ridicule. Mais je l’accueillis volontiers.
Aujourd’hui, j’ai reçu une première réponse. Les autres vont sans doute suivre et être dans le même sens. La réponse est bien sûr négative. Mais je m’en fous. Il y a quelques années, j’aurai déchiré la lettre et je l’aurais brûlée avant de la jeter. J’aurais pris la précaution d’être à l’abri des regards et si l’on m’avait surprise quand même, j’aurais prétendu avoir brûlé une feuille anodine d’un magazine dépassé pour le plaisir de faire du feu.
J’ai accepte avec un sourire une mauvaise nouvelle que je n’attendais même plus. J’avais oublié avoir envoyé mes écrits et cette lettre de Paris m’a rappelé de beaux moments de ma vie. Elle m’a rappelé des instants de confiance, de détermination, de chance, d’émotions, d’espoir. Elle m’a rappelé que j’ai voulu tenter ma chance alors que je savais que j’en avais peu, elle m’a rappelé que quelque part à Paris, cet été, il y a quelques mois, mes histoires faisaient sourire des avocats qui, au fond de leurs bureaux et entre des dossiers tristes, s’ennuyaient. Mes écrits furent refusés. Ils ne sont pas assez professionnels, peu concentrés, très naïfs et souvent pressés mais je sais que demain soir dans mon lit, comme ce soir et comme tous les soirs de ma vie, entre deux fenêtres ouvertes de mon ordinateur à l’odeur des bonbons et du café, j’écrirai encore, malgré moi.

3 commentaires:

Mano Sinistra a dit…

Tu écris.
Tu communiques.
Tu tisses le fil de tes journées, tu dévoiles discrètement la trame qui te fait être, écrire.
Tu vis.
Ensuite vient le regard posé sur ces mots, ces lignes, ces bouts de fil.
Regard critique, qui analyse, soupèse, mesure et brûle.
Regard qui cherche à limiter, formater, rendre viable.
À quoi ? Au commerce, à la standardisation, à l'assurance d'un bénéfice, à la sauvegarde d'intérêts aussi excitants que le code civil.
Les maisons d'édition sont très souvent aussi mortes et ennuyeuses que les cabinets d'avocats.
Structures nécéssaires au monde des humains pour assurer le qutidien, elles ne peuvent se permettre aucun regard qui aille au-delà d'horizons plus ou moins rapprochés.
Jusqu'au jour où, hasard, providence, coincidence ?
Jusqu'au jour où.
Jusqu'au jour où, il suffit de continuer d'écrire, de partager.
Jusqu'au jour où... quoi ?
J'en sais rien !

Anonyme a dit…

Une maison d'edition c'est commerciale. C'est normal d'etre rejette pour 1 premiere fois. pour une 2eme. pour une centieme.
c'est comme le monde de la production de film. :)
ton attitude positive est signe d' etre encore plus determine a avoir tes ecris publier, et c'est avec ta patience et ton auto-determination que tu va persister a concquerir leur maisons d'edition!
normalement, c'est les personnes qui ont du nouveau qui sont rejeter. avec le temps, ce nouveau leur sera une necessite et il en auront besoins pour leur chiffres financier.

~Chris~ a dit…

ciao bella... malgré toi? lol... no comment...je me souvient tres bien que tu m'ai dis, j'aime ces mots, fatigués et fatiguants... et moi je les aime aissi, moi qui suis aussi fatigué et fatigant qu'ennuyé et ennuyant... merci pour ce petit moment d'eclaircie, un de plus... encore... mais pas le dernier ... j'espere...