lundi, juillet 28, 2008

Un regard libanais

Je me balade incognito dans les rues de la ville. Je ne connais personne et personne ne me connaît. Aucune tête ne m’est familière, aucune voix ne m’appelle et aucun parfum n’éveille mes sens. Je me réjouis de cette promenade solitaire amusée par l’espace qu’offre l’étranger et par la liberté de sortir mal coiffée.
Je marche dans la foule essayant de me frayer un passage. Je ne suis ni pressée, ni fatiguée. Je marche pour marcher.
J’essaie de croiser le regard d’un inconnu charmeur. Mais le regard fixé devant lui, il ne semble même pas me remarquer. J’apprécie la discrétion des gens et je savoure le bonheur d’une journée tranquille. Personne ne semble se soucier de la couleur de mes chaussures, de la taille bizarre de mon t-shirt suite à un lavage raté en machine ou du vert affreux de mon short en jeans.
La capitale est vaste. Vaste est mon esprit. Le vent me déchire le visage. Je le laisse faire sans aucune retenue. Des épaules me frôlent de temps en temps, sans intentions, sans grande attention. Je sens la ville sur ma peau. Je la respire aussi profondément que possible.
Je ne veux pas rentrer. Que faire dans un tout petit appart pas encore meublé. Sur les paves des trottoirs, au milieur de nulle part, je suis bien.
Mais au bout d'un moment, quelques minutes ou quelques heures plus tard (je n'en sais rien), je pense à mon tout petit pays et à son peuple. Curieusement, je pense à ceux que je croisais tous les jours sur le chemin de la fac et que je saluais bêtement d’un signe nonchalant de la main. Aussi, je pense au regard indiscret de cette voisine que je déteste qui dégageait son rideau d’un geste agaçant de l’index pour savoir à quelle heure je sortais, à quelle heure je rentrais et qui me raccompagnait. Je pense aux murmures aussi pathétiques que jaloux des libanaises de mon âge qui, comme moi et mes copines, se lancent des critiques du genre « trop ronde », « trop maigre » avant de lever un verre de rosé frais tout en riant…
Mais surtout… je pense aux hommes de mon pays qui suivent le balancement de nos hanches, le vol d’une mèche de cheveux et le mouvement de nos lèvres pulpeuses trempées de vin et trop ivres pour prononcer un seul mot sensé.
Oui… ce sont surtout tes mots qui me manquent. Ta main qui caresse le creux de la mienne. L’hésitation que t’avais à toucher mon épaule. Et ton regard baladeur.
A l’étranger, le respect de la vie privée, l’intimité, le repli sur soi, l’individualisme, bien sûr. Mais à l’étranger, qui sait que l’on existe ?
Je pense à Beyrouth. Aux regards insistants de ses hommes dragueurs qui nous font rougir d’indécence et de plaisir. Je pense à leurs mots ridicules et vulgaires qui réussissent, à chaque fois, à nous voler un sourire. Je pense à leurs gestes aussi maladroits que galants. Ici, j’existe. Car sur le bar de la ville, j’ai bien senti ton regard posé sur mon dos. Je ne me suis pas retournée. Non. Mais j’aurais pu, sur ma vie et la tienne, sans hesitation, te le jurer.

1 commentaire:

Lucien Bourjeily a dit…

sympa ce blog... ca te dis d'écrire un scenario de film inspire de tout tes ecrits?