vendredi, mars 06, 2009

Chaussette

Un tour, puis deux, puis trois… J’ai le vertige. Je déteste ce moment de la journée. Je suis écrasée par les autres, trempée, essorée, étouffée jusqu’à ce qu’une main sauvage fasse une entrée imprévue pour nous attraper l’un après l’autre et nous lancer dans un panier énorme sans esthétique aucune. Mais aujourd’hui, la main m’oublie. Je fais de mon mieux pour qu’elle me repère, pour qu’elle m’emmène avec mes amis dans ce panier que je déteste mais que je préfère à la machine… en vain. Je reste seule. Et mon compagnon s’en va avec elle. Je suis perdue, ravagée, dévastée. Que faire ? Je n’ai aucune utilité toute seule. Je suis créée pour vivre en couple. Lui et moi, on va de pair. Même si l’on se dispute quelque fois et que je choisis de dormir pour quelque temps en dessous d’un lit ou dans le coin d’une salle de bain, on finit toujours par se retrouver. Parfois, certains essayent de nous arranger avec des chaussettes d’un autre genre, pour faire vite, pour combler le vide quand l’un de nous se cache quelque part ou est oublié dans la machine, ou simplement par tentative de style. Toutefois, modestie à part, toutes ces combinaisons sont vouées à l’échec. Car on va de pair. Lui et moi. On est né ainsi. Chaussettes.
Ma journée se termine ici. En machine. Il faut que j’attende le lendemain matin pour retrouver mes amis, chaussettes, sous-vêtements de tout genre ou habits, pour une douche froide ou chaude selon la couleur. Je passerai la nuit seule tout en espérant qu’on n'associera pas mon compagnon avec une vulgaire chaussette synthétique qui aurait perdu son second aussi.
Et je pense au mauvais sort lancé à ma vie… Pourquoi ne suis-je pas née pull ou t-shirt en coton ? Pourquoi ne puis-je faire sens par ma simple identité ? Et dans le fond d’une machine bon marché, où il fait sombre et humide et que je n’ai pas encore séché, j’envie tous ceux qui n’ont besoin de personne pour exister.

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