mardi, décembre 22, 2009

Libérée

Il est midi. J’ouvre à peine les yeux et je vérifie l’heure. 12 heures exactement. Je suis satisfaite d’avoir dormi si longtemps. Au moins, je n’ai pas à supporter encore une matinée pluvieuse et grise. Pourtant, ce dimanche matin, je me trompe… Les rideaux mal fermés laissent entrevoir un ciel d’un bleu intense et un soleil imposant. Bien sûr, la neige n’a pas encore fondu. Mais moi, j’aime la neige. J’aime qu’elle tombe, j’aime qu’elle reste, j’aime qu’elle soit blanche, j’aime qu’elle soit associée à la période des fêtes et j’aime qu’elle soit nouvelle dans ma vie. Je ne me suis pas souvent réveillée dans une ville enneigée. Et comme un gosse excité de faire un bonhomme de neige (ou une bataille selon ses goûts personnels) j’accours vers l’extérieur me prendre un café et admirer Londres, une ville que j’aime de plus en plus tous les jours. Surtout quand il neige. Les trois premières marches de l’escalier furent sans incident particulier. Mais à la quatrième, mes ballerines tellement irréalistes glissèrent et je tombai à plat sur la glace oubliant du coup le paysage, la neige, Londres, Noel. Ma douleur me rappela soudainement que j’étais prisonnière ici, sans papiers, et que j’ai du observer chacun de mes amis quitter le pays en cette période de l’année pour aller passer Noel en famille. Surtout Sandy. Son départ m’a fait mal. Ma douleur me rappela que je déteste l’hiver et que depuis qu’on m’a confisqué mon passeport pour renouveler mon visa je souffre d’une claustrophobie que je n’ai jamais ressentie avant. Je ne sais pas si je serais rentrée au Liban avant si je le pouvais… mais le fait qu’on me vole l’option, le pouvoir de choisir, la liberté de partir, la possibilité de prendre un vol sur un coup de tête me fait mal et me fait ressentir que mes parents sont aujourd’hui plus loin que jamais. Au téléphone, je parle de neige, de la soirée d’hier durant laquelle j’étais assez distraite pour être tout à fait honnête tout en réussissant une attitude festive mais tellement menteuse, je parle de mon nouvel appart dans lequel je viens d’accrocher un tableau que j’avais commandé le mois passé et que j’avais complètement oublié et de ces autres choses banales et anodines qui cachent le fait que je suis en mal de vous, en mal de ma maison, en mal de Beyrouth. Puis je rentre chez moi. Et je m’ennuie. Je le dis mille fois. Je le dis comme un gosse antipathique et je ne puis m’empêcher de le cacher. Toi, mon copain, mon meilleur ami, mon complice, tu ris. Et moi je me souviens de mon enfance et du fait que je répétais sans cesse à ma mère que je m’ennuyais ; chose qui l’exaspérait. Mais ce soir, vraiment je m’ennuie. Je n’ai pas encore installé la télé, ni internet, je n’ai dans ma pseudo-bibliothèque que des livres de droit que je n’ai même pas lus pour l’examen et qui m’ennuient encore plus du seul fait de les remarquer, il n’y a que nous deux dans une ville fantôme et tout est fermé pour les fêtes. Je ne puis m’empêcher de trouver cela ironique. Les fêtes sont pour sortir. Et tout est fermé. Je me plains. Et toi tu m’écoutes. Je me plains. Et toi tu ne dis rien. Puis on discute, on parle de choses dont on n’a jamais parlé auparavant, j’essaie de griller des sandwichs de fromage au four mais j’échoue dans la tentative de le faire fonctionner, j’opte pour le four à microondes, les sandwichs deviennent tout moelleux mais on mange quand même faute d’options, on parle encore, on joue à des jeux de société, on regarde des photos que j’avais oubliées prises il ya des années, dans des rues perdues, sur des plages et dans des cafés puis je regarde mon reflet au miroir pour voir si j’ai grossi, si j’ai changé, si mes cheveux étaient mieux plus foncés, tu ris, ca m’agace un tout petit peu puis je ris aussi, je mets du vernis sur mes ongles, la batterie de ton téléphone meurt parce que j’ai trop joué avec, tu t’endors sur le canapé, je te réveille et tu t’en vas… et moi, chez moi, seule et très déconnectée, je réalise que je ne m’ennuyais plus depuis des heures, je réalise que j’ai besoin de très peu pour être heureuse, très peu pour exister. Et surtout, que je ne suis plus prisonnière du tout. Mais plutôt… libérée.

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