vendredi, février 11, 2011

Bad Timing

Londres est une ville qui a l’avantage (et… l’inconvénient, si j’ose dire) d’être une ville de passage. En effet, il ya toujours un cousin, une tante, un ami, une connaissance qui passe pour un weekend en amoureux, pour du shopping, pour un entretien à Canary Wharf ou pour rendre visite à la reine.

Et du coup, l’ami – ou pis encore, la « connaissance » qui tout d’un coup devient « meilleur ami » - s’attend à ce que l’on mette notre vie en pause, que l’on rate boulot, gym, sieste et ménage, pour l’accueillir les bras ouverts, lui offrir le canapé et l’emmener voir Big Ben (que je n’ai toujours pas vu – entre parenthèses !) .

Bref, si j’en parle, c’est parce que ma collègue (et amie, non pas connaissance !) italienne vient de vivre cette expérience. Le weekend dernier, elle reçoit un coup de fil de son premier amour. Italien ténébreux qui lui a un brisé le cœur un jour. Il lui annonce qu’il est de passage à Londres et qu’il aimerait bien faire un « catch-up » autour d’un verre… « ou d’un café », prend-t-il bien le soin d’ajouter…

Mais entre le verre et le café, une grande différence. Et cet italien beau comme dans les films, a aussi une certaine intelligence. Il lui laisse le choix ouvert, et mine de rien joue à la fois l’indifférent et le dragueur.

Marianna vient me voir et me résume à la hâte les dernières péripéties, entre l’achat d’une action et l’appel d’un client. Elle me demande si je pense qu’elle devrait le voir. Et je dis oui. Non pas parce que je le pense, mais parce que je sais qu’elle se fout de mon avis.

Mais j’y pense. Je pense à ce garçon qui est un caractère récurrent dans nos conversations des samedis soirs, et des brunchs du dimanche. Ce garçon qui ne lui fait plus l’effet d’autrefois, mais qui a quand même laissé une trace dans sa mémoire, ne serait-ce que le souvenir d’une ballade au port de Venise.

Oui j’y pense… Et je me demande à quoi ressembleraient leurs retrouvailles. Parce qu’elle m’en a beaucoup parlé. Et j’aime à les imaginer se chuchoter en italien des mots d’amour et des caresses platoniques. Mais je ne comprends pas l’italien.

Elle m’avait raconté qu’elle avait fait tomber un jour, à dix-sept ans à peine, l’une de ses boucles d’oreilles dans la voiture du beau. Elle avait ensuite tenté de le contacter à maintes reprises. Un peu pour la boucle d’oreille. Un peu pour entendre sa voix. Toujours pour sa voix. Toujours en utilisant le prétexte de la boucle d’oreille.

Mais les femmes s’impatientent. Et les femmes ne doivent jamais attendre. La boucle d’oreille fut jetée par mon amie. Et j’aime à imaginer le bijou reposant au fond d’un canal. Mais Marianna aurait trouvé l’idée trop banale. Elle avait sans doute opté pour la première poubelle. C’est une fille pratique.

Le lendemain, du jour J, je m’en vais la voir pour les détails juteux qui feraient peut-être la matinée d’un mardi gris et morose. Elle me raconte, le sourire espiègle et la chevelure parfaite, que ce pauvre type est venu, après toutes ces années, lui annoncer son amour pour elle…. Et lui rapporter sa boucle d’oreille autrefois perdue qu’il avait bien gardée.

Elle lui a répondu, avec un ton que j’imagine à la fois imprégné de dégoût et de pitié, que maintenant, c’est la sienne qui manquait.

Bad timing.

©

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