mercredi, août 01, 2007

Une modeste expérience

Nous recherchons tous l’expérience. Car l’information seule ne suffit jamais. Elle peut venir erronée, subjective, incomplète, faussée, relative. Il faut tenter pour savoir. Essayer pour comprendre. Etre blessé pour faire plus attention. Agir pour retenir. Et heureusement que tout est expérience.
Comme tout le monde, suivant les conseils de mes proches, le parcours de personnes ayant réussi, les directives de sites Internet trop parfaits, je décide de faire un stage pour avoir une idée de ce que c’est que travailler, toucher du doigt le milieu professionnel, côtoyer des personnes qui se trouvent là où je voudrais arriver, développer le sens de la responsabilité, remplacer mes journées paresseuses sous le soleil par des journées longues et fatigantes, parfois moroses et parfois plus gaies, mais presque toujours très enrichissantes.
Je croyais que l’expérience que j’allais éventuellement acquérir sera puisée sur un bureau trop sérieux à mon goût, parmi des gens trop ambitieux, dans un environnement incompatible avec ma définition de l’été… Je croyais vraiment que c’est en matière de Droit que j’allais surtout évoluer. Et ce n’est pas tout à fait faux. Car j’ai beaucoup appris, en effet (ce qui n’est pas très dur vu que je ne savais pas grand-chose). Oui j’ai acquis une expérience. Mais une expérience quelque peu différente.
Car j’ai appris dans la rue, devant des cartes trop sales de métro, en attendant un bus qui n’allait jamais venir (bien sûr puisque ce n’était même pas le bon arrêt), en discutant avec une assistante qui travaille bien plus (et sait parfois beaucoup plus) que certains avocats, en riant avec des inconnus qui allaient se perdre dans le chaos de la ville aussitôt notre échange éphémère achevé.
Oui, j’ai appris en bavardant avec des stagiaires venant des divers côtés de la France et connaissant le Liban presque aussi bien que moi.
J’ai appris en marchant toute seule dans des quartiers parisiens espérant bêtement tomber sur une tête familière jusqu’à apprécier une ballade solitaire.
J’ai appris en voulant très fort revenir à Beyrouth et en réalisant que ce n’est qu’un coup de tête et que je suis bien ici même seule, même fragile, même on ne peut plus libanaise.
J’ai appris que j’ai beau être étrangère, jeune, insouciante, tête en l’air et – je l’avoue – un peu gâtée, je dois me débrouiller toute seule et que tout le monde est comme moi en fin de compte.
J’ai appris que tout est question d’apprentissage. Et que si je ne comprends rien aujourd’hui, demain ça ira mieux.

Paru dans L'orient Le jour le mardi 21 aout 2007

1 commentaire:

Anonyme a dit…

You write so vividly, I love it. E