samedi, janvier 26, 2008

Sur le banc arriere

Une fille pose sa tete contre la vitre. Elle regarde du coin de l’oeil la ville endormie. Elle y voit des couleurs, des formes incertaines, des gens comme elle, des bars qui se ferment, des boulangeries qui sentent le travail et le pain chaud, un enfant qui dort sur le trottoir... Elle reflechit a sa vie. Elle n’en conclut rien. Non. Il est trop tard pour reflechir. Mais elle pleure. Elle sait qu’elle a le droit de pleurer. Lui, il ne dit rien. Il la regarde de temps en temps mais elle ne remarque meme pas. Il veut la consoler. Mais ca ne fait pas partie de son metier. Alors il continue la route. Doucement. Et lui met un peu de sa musique preferee.
Un homme arrange sa cravatte. C’est son troisieme entretien en une meme journee. Et c’est comme ca qu’il a passe ses derniers mois. Il en a marre d’etre au chomage. Il stresse a cause des routes embouteillees. Il lui demande d’accelerer. En vain. Il lui demande d’arreter. Il paie. Descend nerveusement de la voiture. Claque la porte. Presse le pas. Mais pas trop. Il ne veut pas arriver desordonne. Il prie tout en marchant. Il prie que son rendez-vous aboutira. Et qu’il trouvera enfin son chemin.
Un couple se dispute sans relache. Le garcon la traite de tous les noms et lui dit qu’un jour il va avoir le courage de la quitter. Elle lui dit qu’il est trop lache pour cela et que de toute facon il n’est rien sans elle. Elle lui rappelle qu’elle lui fait la cuisine, le menage, l’amour. Elle lui dit aussi qu’elle constitue toute sa vie sociale. Il lui crie qu’elle est toute sa misere et qu’il la hait autant qu’il aime. Elle crie a son tour. Ils crient. Ils ne se soucient pas de la personne devant. Cette personne qui s’identifie a leur vie. Sa vie qui ressemble tellement a celle qu’il ecoute discretement...
Une fille verifie qu’elle a tous ses papiers. Passeport, ticket, visa, tout est la. Elle quitte pour de bon. Elle a le coeur lourd mais elle a choisi sa carriere. Choisir son mec alors que leur relation est encore instable aurait constitue une decision trop volatile. Et elle est serieuse la fille. Son mec est a ses cotes. Il lui demande si elle serait reste s’ils etaient maries. Elle lui sourit. Sourire qui veut peut etre dire oui. Il plonge alors sa main dans sa poche. Il en ressort une alliance. Il lui ouvre la main. Y pose un tendre baiser avant de lui faire glisser l’alliance au doigt. Elle est emue. Et perdue. Elle vient d’accepter une offre a saisir. A New York. Mais ses larmes lui brouillent la vue. Et les pensees. Elle dit oui. Elle embrasse sa bague. Et demande au chauffeur de faire demi tour. Ouvre la fenetre. Jette ticket, passeport, visa.
Une etudiante fait des efforts pour se faire comprendre. A peine une semaine qu’elle est la. Elle n’a pas encore appris la langue. Et encore moins l’accent. Elle pose des millions de questions et se demande ce qui l’attend, qui elle pourrait rencontrer et si elle serait accueillie. Il la console gentillement. Et lui dit qu’il y a dix ans il etait etranger comme elle. Et qu’aujourd’hui il s’en sort pas mal. Elle lui dit merci...
Elle lui fait un signe de la main pour l'arreter. Elle s'assoit et lui dit qu'elle ne sait pas ou aller. Il ne comprend rien. Il lui demande de specifier. Elle lui dit qu'elle s'en fout, qu'elle lui paiera autant qu'il faudra. Qu'elle ne veut pas rentrer dans cette maison vide depuis que ses enfants ont grandi et que son mari n'est plus la. Elle lui dit de rouler. Aussi loin qu'il voudra. Et qu'au bout du trajet, elle trouvera un autre comme lui, qui essaiera aussi, a travers les paysages qui defilent, de lui redonner la vie. Depuis qu'elle ne la ressent plus... la vie.
Un chauffeur de taxi. Il en connait des vies. Il a assiste a des divorces, a des demandes en mariage, a des disputes, a des reconciliations, a des remises en cause, a des doutes, a des amours, a des retrouvailles.
Et a travers son retroviseur, il devine reves et regrets.

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