jeudi, avril 22, 2010

Monsieur M. je te dis tu

Le talent existe toujours. Et peut prendre différente formes, différentes couleurs et différentes intensités. Le talent est soit découvert et développé, soit jamais exploré, soit découvert et ignoré.

J’ai eu la chance de découvrir monsieur M. Un homme exceptionnel qui a découvert son talent. Et qui l’a développé. Un homme qui a pris des risques. Et qui les a assumés. J’ai eu la chance de rencontrer monsieur M., qui a découvert le mien. Et qui m’a poussée à le développer. Écris, me dit-il. Toute pensée. Même banale. Écris toujours n’importe quoi sur un bout de papier. Écris toute petite idée, aussi ridicule soit-elle, aussi inappropriée, aussi bête soit-elle, aussi mal rédigée.

Et j’ai écris. Je n’avais jamais vu monsieur M. Mais notre amitié s’est développée a travers les années. Jusqu’au jour où j’ai demande à le voir. Et il a accepté.

C’Était un Vendredi. Le Vendredi Saint à Beyrouth, deux jours avant Pâques. Les rues étaient vides. Et l’embouteillage me manquait. En fait, je ne voulais pas arriver de si vite. J’avais peur de décevoir ce grand homme qui ne me connaissait qu’à travers mes écrits. J’avais peur de ne rien avoir à dire. J’appréhendais cette rencontre autant que je la voulais. Moi qui avait tout dit. Sans vraiment rien dire.

Monsieur M. était tout ce à quoi je m’attendais. Et plus. Et rien qu’à le regarder, j’avais l’impression de l’avoir toujours eu à mes cotes. Parce qu’il a été, peut-être sans le savoir, la réponse à mes doutes quand j’ai douté de moi. Et de mes histoires. La réponse à mes “si” quand j’ai douté de mes choix. Et la réponses à mes peurs quand j’ai failli perdre mon audace.

Ce Grand Homme me connaissait. Beaucoup si j’ose dire. Parce qu’il a su répondre à ces questions sans que je ne prenne la peine de les exprimer. Ces questions amères que toute fille se pose, en les ignorant parfois, en les disséquant souvent et en les rejetant quelque part de perdu dans la mémoire en espérant qu’elle ne rejaillissent jamais à la surface. Ces questions qui rejaillissent malheureusement toujours. Après chaque naufrage.

Il avait beaucoup à dire. Beaucoup étant ami, père et grand-père. Beaucoup à dire ayant vécu ces choses que j’ai eu le luxe de ne vivre que partiellement, dont le dépaysement, la guerre, les coups de fusils, les coups de cœur, les séparations, les bombes, les dilemmes humanitaires, politiques, journaliers, la vie à Beyrouth loin de sa première passion - ses enfants - mais proche de sa seconde - le journalisme.

J’ai la chance d’avoir Monsieur M. dans ma vie. Monsieur M. qui n’aime pas que je l’appelle Monsieur. Mais que je me retrouve toujours à l’appeler ainsi, à le vouvoyer et avoir honte de ma jeunesse et de ma naïveté. Parce que Monsieur M, excusez-moi de ne pas avoir tenu ma promesse, je vous admire et je vous remercie.

Certaines personnes ont le pouvoir de parler droit au cœur. Sans passer par les tournures de phrases, les non-dits, l’embellissement des mots et des vérités, les tournures hypocrites et inutiles, les politesses exagérées. Monsieur M. m’a dit ce que toute personne doit savoir. Et ce que je ne savais pas. Et je lui dois de transmettre le message. Un message d’un Monsieur qu’on ne peut que admirer.

Monsieur M. m’a dit qu’il faut persister. Qu’un grand écrivain ne commence qu’avec des manuscrits ratés. Et qu’il faut tout mettre sur papier. Monsieur M., tu vois, je le fais.

Il m’a dit de ne pas vouloir tout décider aujourd’hui…. Et de laisser quelques choses se faire par la vie. De laisser le temps s’écouler, de ne pas se faire trop de soucis, de vivre, mais de vivre, mais de vivre vraiment, de suivre son cœur parce que le cerveau est lunatique, de suivre ses envies, ses intuitions, ses ambitions… Et la balance finira toujours, un jour, par pencher.

Monsieur M. m’a dit que la chose la plus importante dans la vie était d’être libre. Libre de ses peurs, de ses culpabilités, libre de ses remords, de ses regrets, libre des obstacles qu’on l’on se pose sans vraiment qu’ils n’aient à exister, libres des limites géographiques et celles de la pensée.

Il a aussi répondu à un de mes plus grands dilemmes. Il m’a confié qu’il faut parfois dans la vie savoir tourner le dos. Le tourner pour voir de l’autre coté. Car on ne regrette jamais ce qu’on a laissé derrière. Mais souvent ce qu’on a pas osé faire.

C., comme tu aimes que je t’appelle, car comme tu dis en l’empruntant à Prévert : “Je dis "tu" à tous ceux que j’aime même si je ne les ai vus qu’une seule fois”, tu as changé ma vie. Et je ne t’ai vu qu’une seule fois.

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