vendredi, septembre 03, 2010

Plan B

On dit souvent qu’on habite une langue, plutôt qu’un pays. En connaitre le vocabulaire, dans sa richesse et sa profondeur. En connaitre ses subtilités et ses expressions insensées. En connaître ses racines, son origine, la prononciation de ses syllabes et la conjugaison de ses verbes …  Faire des fautes d’orthographe. Et de grammaire. Utiliser un mot au mauvais endroit et dire une pure connerie sans le réaliser. Pouvoir demander son chemin, s’acheter un café et dire qu’il fait beau.

Oui, je comprends très bien le rationnel derrière une telle affirmation. Pouvoir se plaindre, protester, discuter sur un bar, demander de l’aide, exprimer son amour et… se faire comprendre. Quoi de plus pour se sentir bien intégré ? Quand on est compris. Quand les mots ne souffrent plus pour sortir. Quand le tout vient naturellement …

La langue est ce que l’on peut acquérir de plus précieux et de plus profond d’un pays. Comme un cadeau de ses ancêtres, comme une preuve de son histoire, comme une expression de sa personnalité, comme un objet que l’on transmet, comme une convention implicite de solidarité… comme un secret mal gardé.

Je connais la langue. Et ce pays ne peut plus se prétendre étranger. Parce que j’ai tout fait pour l’apprivoiser. Pour le connaître. Pour lui voler ses secrets. Doucement. Pour le sentir de plus près. Pour lui donner en retour aussi. Un peu. Moins.

L’aisance de la communication nous rend vite complice. Et les contributions sont réciproques. Je lui raconte d’où je viens. Il s’en fout. J’écoute surtout ce qu’il dit. Il paraît qu’une Reine y vit. Quelque part. Que les gens aiment beaucoup la bière. Que sa couleur préférée est le gris. Que son métro pue la sueur. Et que le parc est possédé par les écureuils.

La langue devient mienne. Et le pays aussi, du coup. Je réfléchis en anglais désormais.
 
Mais un jour, dans une rue qui me semble tout à coup étrangère, et dans un pays qui s’en fout comment je vais, j’oublie la langue et son histoire, les saucisses, le gris et les écureuils.

Je veux prendre mes cliques et mes claques, et aller retrouver mon plan B. Parce que l’avantage d’être étranger… c’est que l’on peut toujours retourner chez soi quand ca ne va pas. Là où quand on est fâché, les rues chuchotent des mots gentils… en arabe.  Et en français. Là où l’on n’a pas besoin d’apprendre la langue pour habiter le pays. Parce que la langue je la connaîs. Et le pays coule dans mes veines.

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