samedi, octobre 16, 2010

La balançoire

Je me souviens d’un arbre. D’un arbre énorme sous lequel petits on jouait. Une légende disait qu’il avait cent ans et qu’il connaissait nos grands parents. Alors on lui chuchotait toute sorte d’histoires, ces secrets qu’on voulait qu’il garde. Cet arbre imposant et immortel.

Je me souviens d’une balançoire. Mes pieds ne touchaient jamais le sol. Je demandais qu’on me pousse loin, très loin jusqu’à ce que je sente le vent dans mes cheveux et la peur délicieuse de tomber.

Je me souviens d’un garçon très beau. Un garçon que j’aimais. Et quand on jouait à cache-cache, c’est avec lui que je voulais toujours me cacher.

Je me souviens d’un restaurant qui offrait des crêpes succulentes. Des crêpes au beurre et au sucre. C’était mon meilleur pécher.

Je me souviens de ce bar auquel plus tard j’allais. Un bar où je retrouvais tous mes amis, tous mes prospects.

Je suis retournée, des années plus tard, revisiter ces moments du passé. Mais l’arbre n’était pas aussi grand que racontaient mes idées. La balançoire pas aussi haute. Et le garçon très laid. Le bar m’a ennuyée. Et les crêpes étaient devenues immangeables.

Je retournais, déçue, à mon présent qui jusque là était décoré par les étincelles de mes souvenirs. J’en voulus à ma mémoire qui m’avait trahie. J’en voulus à mon imagination, qui, elle, sans invitation quelconque, est venue mélanger le vrai et l’irréel.

J’aurais du laisser faire… j’aurai du y croire puisque je vis de ces faux-souvenirs. J’aurais du continuer mon chemin, garder l’étincelle, raconter ces délices de mon passé, emprunter à ma mémoire, rajouter de mon imagination, un peu plus à chaque fois que j’y pense et encore plus à chaque fois que je les raconte, me réjouir de ce bonheur faux mais agréable quand même, sourire, avoir les étincelles dans les yeux et y puiser la force pour continuer, l’espoir de les restituer…

Parce que c’est en remuant le passé, en recherchant des preuves quand l’échéance s’est écoulée, en remettant en cause la précision des souvenirs que l’on détruit ce qui restait dans notre cœur affamé.

Les souvenirs appartiennent à une époque passée. A une phase terminée. A une période irrécupérable. Les souvenirs doivent rester là où ils ont été laissés. Même quand ils ne sont vrais qu’à moitié. La page doit être tournée. Et quand on essaie de les ressusciter, on finit par les tuer. Et notre histoire avec, mon amour, et ca c’est la pure vérité.

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