vendredi, décembre 14, 2007

Ce Noël à Beyrouth

On est à une semaine de Noël. J’essaie de finir les trucs que j’ai à faire avant qu’ils ne viennent. On se retrouve chaque année à la même date autour d’un très bon dîner que prépare ma mère. Ils me manquent. Et c’est grâce à eux que j’aime cette fête.
Ils appellent au rythme des minutes. Ils demandent, commandent, réservent, prévoient, souhaitent, s’excitent, s’impatientent… Je les sais heureux. Et je le suis aussi.
Je calme mes sorties parce que je sais que je vais dormir très peu une fois qu’ils sont là. Il vient aussi et je ne compte pas perdre une minute. Il vient pour qu’on s’unisse… Officiellement.
J’aurais aimé que la situation du pays soit aussi médiocre que d’habitude. Mais j’exagérerais en affirmant ceci. Car la situation est bien pire. Chez le coiffeur, les femmes donnent leurs avis et parlent politique. Elles sont aussi ridicules que les bigoudis qu’elles ont entre les cheveux. Elles ne savent rien et répètent des choses entendues ici et là. Je les regarde du coin de l’œil avant de replonger ma tête dans un roman aussi ridicule que leurs conversations.
Je me sens égoïste. Je veux que tout se calme pour avoir de belles vacances. Je veux qu’ils suspendent leurs cruautés le temps d’une semaine pour que je puisse apprécier le dîner de Noël, les soirées folles de décembre, le nouvel an, la bûche de ma mère, les chansons qui ont cent ans, les voix aigues et indiscrètes de mes parents, la curiosité de ma grand-mère, la cheminée, les regards complices, les disputes avec ma sœur, le chaos de la maison enfin habitée, les cadeaux que l'on deteste, les petits-déjeuners désordonnés, les pertes, les oublis, les saletés, l’alcool, la fumée, le chocolat, le gras, la messe de minuit, le element, les amis, les promesses, les résolutions, les bêtises, les confidences etc etc.
A la télé, les tristes évènements de la semaine ne me font ni chaud ni froid. Je ne pense qu’à lui et à le revoir. Je me sais individualiste mais ne sais comment changer mes pensées. Je ne considère que ce qui m’affecte et crains que les choses ne s’aggravent aggravant avec elles mes relations…
Les rues ne sont pas encore décorées. Il n’y a que le décor désuet de l’année passée, un décor qu’on a oublié de retirer, un décor abîmé par la pluie, les tempêtes et les mauvaises pensées.
Il manque un esprit de fête habituel à cette époque de l’année. Il manque ce quelque chose que je n’arrive pas à cerner. Et je compte sur eux pour en ramener.
Dans le salon, ma mère veut décorer le sapin. Elle appelle ma sœur, par habitude. C’est elle qui le faisait. Elle me regarde croyant que par défaut, je l’aiderais. Je fais mine de ne pas comprendre. Et j’envoie un message à ma sœur pour lui raconter…
Les avions se remplissent et ils ont du mal à trouver des places. Ca me fait quelque chose au cœur de penser que les libanais viennent quand même, malgré tout ce qui se passe.
Je veux que Beyrouth s’offre une semaine de vacances. Rien qu’une semaine… je voudrais qu’on m’accorde cette chance.

3 commentaires:

Anonyme a dit…

Admirable

Karen Ayat a dit…

Merci :)

Anonyme a dit…

voilà comment on vit toute l'année au Liban...A chaque projet qu'on entreprend, on demande un peu de répit, sans jamais être sûrs de l'obtenir.