dimanche, janvier 27, 2008

J'ai fait un reve

Je ne peux expliquer le sentiment de tristesse qui m’envahit a chaque fois que je prends l’avion. Je peux encore moins l’expliquer quand je ne pars que pour quelques jours, puisque je reviens et que je n’ai aucune raison d’etre triste. Mais ca ne rate pas. A chaque decollage, mon coeur se fait lourd et des questions existentielles me viennent a l’esprit. Je n’ai pas peur des avions. J’ai fini par les apprivoiser pour accepter le metier de mon pere qui est pilote. Mais des que je m’eloigne de Beyrouth, je pense a la vie, a la mort, a la guerre, aux martyrs, au Liban, a Beyrouth, a ma famille, a mes freres, a ma soeur... Et puis j’arrive a destination, je m’eloigne des nuages, et les nuages de ma vie disparaissent aussi.
Le lendemain, j’ai beaucoup dormi. Plus qu’il ne faut. Et a mon reveil, j’avais recu plein de messages de mes parents et de mes amis au Liban qui me disaient qu’ils allaient bien et qu’il ne fallait surtout pas que je m’inquiete. Ce qui me fit rire. Pourquoi m’inquieterais-je ? Et pourquoi tous ces messages d’un coup ?
Je prepare longuement mon cafe. Je le bois lentement. Et mon cerveau commence enfin a fonctionner. Je realise que si j’ai recu tous ces messages a la fois, c’est qu’il doit bien y avoir une raison. Quelque chose s’est sans doute passe au Liban. Quelque chose de mauvais. Une guerre. Ou une explosion. Je ne prends pas la peine de mettre la tele. Les images sombres et saignantes se ressemblent a chaque fois. Ils vont bien tous. Je n’ai pas besoin d’en savoir plus. C’est suffisamment douloureux.
Je replonge sous mes couvertures. Je pleure comme je n’ai jamais pleure au Liban. Le sentiment de culpabilite me devore. Je veux etre la-bas aussi. Je sens la trahison et je la supporte a peine. Il est beaucoup plus dur de se sentir en securite. Comme il est difficile d’assumer le calme. Je veux etre a Beyrouth. Avec mes parents. Et a force d’y penser, de me hair, de regretter de ne pas avoir assiste au drame, je m’endors.
Et puis je fais un reve. Un reve paradoxal car dans mon reve se melaient serenite et angoisse, danger et securite, joie et tristesse.
Dans mon reve, j’ai senti l’odeur delicieuse des crepes preparees par ma mere, odeur qui se degage gracieusement de la cuisine pour atteindre ma chambre et me reveiller en douceur. Mais dans mon reve, j’ai egalement ressenti la nausee de chaque explosion.
Dans mon reve, j’ai senti tellement fort la securite d’un diner en famille, mon pere vantant un fruit ramene d’un pays lointain et moi reveuse faisant mine d’approuver. Mais dans mon reve, j’ai autant ressenti le desespoir d’une vie sans issue car dependante de jeux criminels.
Dans mon reve, j’etais moi-meme, pleine d’ambitions et de projets. Mais j’etais aussi cette fille vulnerable qui a peur du lendemain.
Dans mon reve, j’etais morte. Comme mon pays. J’etais transportee dans un autre monde ou l’on ressent ni danger, ni douleur, ni bonheur, ni plaisir, ni envie, ni peine, ni froid, ni chaud, ni ambition, ni tendresse. Un autre monde vide et monotone. J’etais rentree sur terre pour quelques secondes afin de dire a mes parents que j’allais bien.
J’ai fait un reve affreux. Car j’etais loin de ceux que j’aimais. Dans un monde sans danger peut-etre. Mais un monde insupportable dans lequel on est prive meme du droit de se donner la mort. Et avec tout le paradoxe de mon pauvre pays, oh que je prefere risquer ma vie rien que pour y ressentir peines et amours.

1 commentaire:

Anonyme a dit…

Des yeux trop humides pour pouvoir ecrire sur un blog toujours pres a m'aider a exorciser mes peines, peurs, anxietes... mais aussi le gout de moments uniques a chacun, et communs a tous les amoureux de la terre, a tous les passiones de nos 10452 km2.
Merci a nouveau!
Maya F.