samedi, mars 14, 2009

Le Liban, une idee

Elle klaxonne quand elle passe à côté de chez elle, ouvre légèrement la vitre, sort la main et fait un signe rapide à sa grand-mère. Elle ne vérifie pas si celle-ci l’a reçu. Ni si elle a répondu à son bonjour. Pourtant elle est sûre que de son balcon, sa grand-mère fait le signe de la croix dans l’air comme pour la protéger. Elle pourrait le jurer.
Rentrée chez elle, elle entend son père marmonner des mots qui semblent signifier que ses enfants sont des bons à rien. Ca l’a fait rire. Elle sait qu’il déteste qu’elle rentre tard en voiture mais elle ne manque pas de lui rappeller que c’est sa faute, lui qui les a tellement habitués au goût de la liberté. Et elle l’aime pour cela. Pour cette confiance sans limites qui leur a offert malgré les déceptions multiples qu’ils lui ont fait subir en contrepartie. Il semble sans cesse s’en rétablir et leur en offrir davantage d’une générosité infinie…
Sa mère leur propose le dîner. Mais distraits, ses frères, sa sœur et elle sont occupés à se disputer sur des choses banales. Et ils adorent le faire. Car sans disputes, comment manifester cet amour qu’ils ont l’un envers l’autre ? Sa mère s’énerve et prévient que la cuisine fermera s’ils ne réagissent pas illico. Pourtant, quelques heures plus tard, devant nos mines déconfites et nos ventres qui ronronnent, elle nous prépare, tout en soupirant et en jurant qu’elle le fera pour la dernière fois, le plus copieux des repas… Mais elle le fera aussi le lendemain… Et le jour d’après.
Lundi. 6 heures du matin. Douche, messages échangés avec une copine pour partager avec elle la haine du lundi, café avalé devant l’ascenseur et laissé sur la première marche de l’escalier, suivis d’une heure dans l’embouteillage. Elle adore la radio libanaise. Chansons françaises des années 80 qu’elle connaît par cœur et qu’elle ne manque pas de réciter mot à mot ne se souciant de sa mine faisant rire les conducteurs des voitures autour. Elle arrive en retard, bien sûr, au cours de huit heures à cause de travaux divers sur une autoroute qui ont duré les quatre années de ses études en droit. Et il paraît qu’ils durent toujours…
Le Liban… une idée. Et c’est cette idée qui m’est restée. Mon Liban à moi. Un peu comme dirait Gebran Khalil Gebran. Et autour d’un verre, à Londres, mes amis libanais et moi se racontons nos Libans respectifs…
Nos Libans sont différents. Nos Libans ne se ressemblent pas tout à fait. Mais dans tous nos Liban j’ai pu retrouver le mystère de nos montagnes, le goût de nos fruits, des parents qui souffrent de l’adieu mais qui acceptent la souffrance pourvu que leurs enfants réussissent, l’odeur du printemps et les coquelicots aux pétales qui tombent quand on les cueille comme s’ils refusaient d’être séparés de la nature, le soleil généreux de l’été, le sable brûlant et la mer scintillante, l’odeur de la mankoucheh et les seuls sentiments… vrais.

4 commentaires:

Myu a dit…

je dois avouer que j'etais venu voir ce qu'une aussi jolie fille pouvais bien die de sa vie et je suis resté lire.
j'ai bien aimé me plonger dans ce petit instant de vie raconté de manière honnete et sincère. et qui se termine par une idée que des visions parfois differentes peuvent former un tout coherent.
je reviendrais certainement

Karen Ayat a dit…

Merci enormement pour ton commentaire. Ca me fait plaisir. Et jespere vraiment que tu reviendras ne serait ce que pour partager ces idees, coherentes, ou pas, pourvu que sinceres

Icare a dit…

Il y’a de ces soirs ou quelque chose vous tombe dessus…comme ca….comme si la vie n était pas assez compliquée comme ca….un nom…un article….vague… comme une plage magnifique que l on a dépassée une fois à pleine allure en voiture et en se disant qu on y reviendra un jour…. Comme le souvenir de la saveur suave du chocolat qui se vautre douillettement, hôte de velours parmi les papilles euphoriques.
Un soir ca vous tombe dessus plein dans la gueule. Il suffit de quelques mots pour sentir combien on est semblables…combien on se ressemble…nous sommes nous connus ? non..juste effleurés l’esprit.
Pourtant…ce sentiment d’attraction , ce magnétisme qui nous attache à chaque mot et que l’on brule d’envie de confirmer.. comme une évidence…comme une certitude….et le cœur bat plus vite…il applaudit.
Cette attraction de l’esprit, cette apothéose du raisonnement, de la pensée.
Parmi toutes ces femmes qui écrivent , seule elle écrit comme une femme. Ces mots sont féminins, ses doutes, ses confidences, son dédain et ses idéaux. Tant de femmes qui écrivent comme des hommes.
Mais elle …. ! Tellement différente. L’élégance dans la confession du mensonge, l’acceptation de la double-face… la clarté à tout prix loin de toute mauvaise foi…

Et puis on s’en veut…on s’en veut de s’être renié…de s’être contenté comme le commun des mortels d’une compagnie parce que l’homme a peur de la solitude… Un petit article et tout se remet en question.
Quelle est l’écrivain qui peut ainsi chambouler la vie d’un homme ?

Mais souvent nos semblables se racontent leur vie… Nous Idéalisont notre conjoint…refusont d’être plus exigeants. Combien est dure la remise en question après tant d’années passées à ériger une tour d’ivoire pour soudain réaliser que la vie est ailleurs…avec une autre…peut-être.
C’est bizarre des fois comment l’âme croit se dédoubler rien que quelques mots écrits par une personne suffisent à donner le sentiment de l’avoir connu depuis toujours.
Le lecteur a toujours le sentiment de connaitre l’auteur plus qu’il ne se connait lui-même.

Karen Ayat a dit…

Je suis flattee, emue, intimidee. C trop de belles choses pour etre dites a la fois. Qu'on lise mes mots les fait vivre, qu'on lise mes mots les fait renaitre, qu'on lise mes mots les immortalise.
Je les trouve souvent naifs, je les trouve souvent betes, je les trouve souvent trop precipites. Et quand je les relis, une fois le moment depasse, je me demande comment jai vu ainsi penser, ainsi ecrire, ainsi partager...
mais le moment a ete vecu. Et rien ne peut l'effacer. Seuls mes mots peuvent le prouver. C'est pour cela que je veux ecrire... comme une preuve de vie. comme une preuve de sentiments, comme une preuve d'envie.
Merci davoir aime, de lavoir dit, de mavoir fait sourire... icare.

karen-