vendredi, avril 10, 2009

Je suis chef


Quand j’ai accepté ce boulot, c’est un travail à temps partiel que j’envisageais : de quoi payer mon loyer, quelques bières entre potes le samedi soir et de quoi survivre en attendant de trouver un meilleur emploi. Je suis écrivain. Enfin… j’écris. Souvent sur mon ordi et parfois sur des petits bouts de papiers entre deux services. J’ai accepté mon boulot de chef dans un resto italien en attendant de trouver un éditeur. Mais le temps a passé. Et je suis toujours chef. Ce n'est pas que je n’aime pas ce que je fais. Au contraire. J’aime dire que je satisfais les palais. Mais le plus dur, hormis la rémunération médiocre, c’est de ne pouvoir être en contact avec ceux qui apprécient mon métier. Ils aiment mes pizzas. Mais c’est le resto qui reçoit tout le crédit. Depuis que j’y suis, sa renommée s’est bien améliorée. On dit même que c’est le meilleur italien du quartier.
J’ai de la farine sur les mains et la chaleur du feu de bois plein le visage. J’ai chaud, j’ai quelques brûlures sur les bras et on me dit de faire plus vite, comme si je pouvais accélérer la force du feu. Et puis on dit que c’est le meilleur italien… Le temps passe. Je ne suis plus écrivain. Je suis chef à plein temps, spécialiste en pizzas. J’aime ce que je fais. Mais je suis anonyme. J’entends, derriere dans la salle, les commentaires admiratifs des plus sympas et les critiques de ceux à qui rien ne plaît. Et ils reviennent !
Sauce tomate, mozzarella et champignons… on l’appelle Marguerite. Et c’est celle que je connais le mieux. Et puis il y a d’autres un peu plus audacieuses que j’apprends à connaître. Je finis à une heure du matin. Et je n’ai pas le temps de manger. La journée a été longue…
Mais ce soir quelque chose a changé. Alors que je mettais quelques pizzas dans le four, une voix douce et sensible me caressa le dos. La voix a dit « merci ». Ce soir, une voix de femme a changé ma vie. Ce soir, pour la première fois, j’ai reçu tout le crédit. Ce soir, j’ai compris que j’étais apprécié. Je me suis retourné, mais la voix n’y était plus. Peu importe. Je sais que je ne suis plus écrivain. Mais je ne suis plus chef non plus. Non, je suis beaucoup plus… Je suis créateur de bonheur. Et, dans le plus profond de moi-meme, je lui dis "merci a toi aussi" ...

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