dimanche, octobre 15, 2006

Pour être lu.


Je crois avoir trouvé la clé du succès dans l’écriture. Je crois savoir ce qu’il faut faire, dans un pays comme le notre, pour être considéré comme un écrivain populaire ou un journaliste talentueux. Rien de plus simple pour avoir son article publié dans un des journaux locaux les plus réputés : parler de politique.
C’est ainsi que j’ai pu, moi qui parle le plus souvent d’amour, de soleil, d’amitié et de ces choses considérées banales et superficielles, avoir mon article publié… et lu.
Pour être lu au Liban, il faut soutenir un parti politique ou au contraire le critiquer énergiquement. Etre neutre n’intéresse point.
Pour être lu ici, il faut avoir un avis politique, une appartenance ou une idéologie. Il faut adorer un leader politique ou le haïr. Ne pas le remarquer c’est du coup ne pas se faire remarquer.
Pour être admis en tant que journaliste, soutenu, respecté et lu, il faut oser s’attaquer à un régime préexistant, s’acharner contre un système préétabli, tenter de bouleverser des normes votées en parlement, insulter des hommes au pouvoir et susciter l’approbation de certains et l’indignation d’autres.
Pour être lu, il faut écrire ce que les autres savent déjà, traduire les pensées d’un peuple qui ne s’intéresse qu’à la politique, faire en sorte qu’il s’identifie aux mots utilisés, aux histoires racontées, aux opinions empruntées.
Pour être lu, il faut être hypocrite. Pour être lu par la majorité de la population, il suffit de trouver l’avis prédominant et se l’approprier.
Car pour être lu, il faut être, comme tous les libanais, révolutionnaire. Il faut se joindre à une révolution qui a trop duré. A-t-elle toujours existé ? Une révolution qui s’étale tellement dans la durée, mérite-t-elle toujours son appellation ? Ne devient-elle pas du coup, l’état normal des choses ?

Ne pas avoir un avis politique, ne point avoir d’appartenance, laisser la politique occuper sa place véritable, à savoir au gouvernement, parler des choses sérieuses comme de la vie, de la beauté, de l’humour, de la santé, du désir, de l’envie de vivre, c’est à mon avis, participer a la plus grande des manifestations.
Ne point avoir d’avis c’est en avoir sans le savoir et sans le vouloir. C’est avoir un avis véritable, contrairement à tous ceux qui adoptent aveuglement l’avis de la foule.
La politique intéresse tout le monde, m’a-t-on dit. Mais la politique ne m’intéresse pas, malheureusement. Et je ne saurais en parler. Je n’ai rien à dire et je n’ai pas d’avis à ce sujet. Alors je parlerai de choses simples, même si je ne serai jamais lue. Je parlerai de ces choses qui concernent directement mon existence. Parce que je ne pense pas que la politique soit l’affaire de tous. Et peut-être que c’est à cause de cette décentralisation poussée à l’extrême que la situation politique va si mal ici.
Laissons la politique à ceux qui font d’elle leur métier. Même s’ils sont nuls et incompétents, laissons-les au moins essayer. Peut-être qu’avec un peu plus de silence, ils pourront un jour travailler. Peut-être que la politique ne fait point partie de nos compétences. Certes, ce pays est le notre. Et les peuples ont le droit de disposer d’eux-mêmes. Mais doivent-ils en faire pour autant un travail permanent et continu ?
Je ne parlerai pas de politique. Je parlerai d’une soirée en boite et d’un très beau passant. Je parlerai d’un fondant au chocolat et d’une trop belle chanson. Je parlerai d’un sourire sincère et d’une très belle promesse.
Mon indifférence, c’est ma façon de voter.


PS: cet article a ete publie dans le journal L'orient le jour.

2 commentaires:

Anonyme a dit…

Je me demande chaque jour, en ouvrant ton blog, quesqu'elle va me faire vivre cette fois et te voila tu me surprends a chaque fois avec des ecrits encore plus beaux, plus passionnants, plus... Tu es faite pour ca ka, ne t'arrete jamais de me faire rever et de m'amener dans ton monde feerique...

Anonyme a dit…

"L'indifférence
Elle te tue à petits coups
L'indifférence
Tu es l'agneau, elle est le loup
L'indifférence
Un peu de haine, un peu d'amour
Mais quelque chose
L'indifférence
Chez toi tu n'es qu'un inconnu
L'indifférence
Tes enfants ne te parlent plus
L'indifférence
Tes vieux n'écoutent même plus
Quand tu leur causes

Vous vous aimez et vous avez
Un lit qui danse
Mais elle guette
Elle vous guette et joue au chat à la souris
Mon jour viendra qu'elle se dit
L'indifférence

L'indifférence
Elle te tue à petits coups
L'indifférence
Tu es l'agneau, elle est le loup
L'indifférence
Un peu de haine, un peu d'amour
Mais quelque chose

L'indifférence
Tu es cocu et tu t'en fous
L'indifférence
Elle fait ses petits dans la boue
L'indifférence
Y a plus de haine, y a plus d'amour
Y a plus grand-chose

L'indifférence
Avant qu'on en soit tous crevés
D'indifférence
Je voudrai la voir crucifier
L'indifférence
Qu'elle serait belle écartelée
L'indifférence"

G.B.