samedi, février 21, 2009

Les gants roses

Je n’avais pas envie de sortir. Apres avoir mangé une lasagne surgelée qui a le goût du supermarché et beaucoup de chocolat pour l’oublier, j’avais décidé de passer la soirée au lit à regarder des banalités que j’adore et que je suis avec la plus grande fidélité.
Mais l’idée que c’est vendredi, le week-end, et qu’il faut absolument sortir constitue le complexe de certains. Dont une amie que j’ai faite ici et qui est devenue une très bonne amie. Elle ne fit que répéter que j’ai la chance (ou la malchance !) d’habiter juste au dessus du cinéma et qu’il faut à tout prix qu’on y aille ensemble pour voir le nouveau film « shopoholic », dont elle ne cesse de parler.
Bien sûr, je n’acceptai pas la défaite de si peu et insista que dans mon vieux pyjama je ne sortirai pas ce soir là. Mais elle fut plus maligne que moi. Et me rappela que le cinéma n’étant qu’à deux pas, je n’avais qu’à enfiler une veste, des bottes, un bonnet en laine et le tour serait joué. Remarquant que je n’étais convaincue qu’à moitié, elle fit un calcul rapide qui ne manqua de m’impressionner pour m’assurer que je serai de retour avant même que mon programme préféré n’eut commencé (programme que j’éviterai de mentionner un peu pour sauvegarder ma dignité).
J’exécutai. Et par-dessus mon vieux pyjama rouge qui n’a rien de sexy et tout du confort-grand-mère, je superposai foulard blanc en laine (très confortable), bonnet noir, bottes marrons en fourrure et… gants roses (je ne fais pas exprès, non… et je ne puis l’expliquer non plus… c’est juste que j’avais envie d’être confortable…).
Sur le chemin (en faisant les deux pas qui mènent vers la salle), je ne puis m’empêcher de lancer une blague qui ne l’était qu’à moitié en lui disant que ce serait drôle de tomber sur quelqu’un que je connais. Du haut de ses talons aiguilles, de son jean skinny et de son manteau dernier cri, elle tenta de me rassurer en me disant que parmi les milles salles de ciné de Londres, quelle était la probabilité que quelqu’un que je connaîtrais choisirait celle-ci. Et bien sûr j’approuva, en me moquant de moi-même et en me traitant de parano. Bien habillée, elle acquiesca.
Et puis, dans le noir de la salle, je me sentis en sécurité. Je commençai à me sentir vraiment à l’aise tout en sirotant un coca light dans un verre en carton qui lui donne un bien meilleur goût je trouve, quand une voix provenant du siège arrière cria dans mon oreille : « j’ai bien pensé que t’avais l’air d’une libanaise !! Qu’est-ce que tu fais ici ?? ». Et mon coca n’avait tout à coup plus le même goût. Je repondis : « Ce que j’y faisais ?? Moi ? J’habite ici ! Ma chambre est au-delà des escaliers. Et j’aimerais que tu sortes de chez moi… ». Bien sûr, dans mon cœur… je n’ai jamais eu cette audace. Et toujours eu l’hypocrisie féminine libanaise. Je souris. A contre cœur. Tout en prenant le soin de fermer, discrètement bien sûr, mon manteau, pour qu’elle ne puisse apercevoir mon pyjama rouge. De l’autre main, je retirai mon bonnet ridicule et essayai de bouger légèrement la tête pour réveiller les vagues de mes cheveux. Je marmonnai quelques mots incompréhensibles voulant dire que je n’habite pas très loin d’ici. Elle répondit qu’elle, si. Elle habitait loin. Mais elle aimait cette salle en particulier. Bien sûr ! Cette salle parmi les milles autres salles de Londres. Rien que pour le plaisir de me contempler ainsi. Dans le pire de mes états. « Je te déteste ! ». Pensai-je toujours. Sans encore pouvoir le lui crier en face. Le film avait commencé. Elle décida enfin de s’installer tout en me souhaitant « bon film » comme si elle n’avait pas été assez ironique.
Je fus partagée entre l’envie de tuer mon amie (après tout c’était elle qui m’avait encouragée à sortir ainsi habillée) et lancer la totalité de ma boisson sur les cheveux soyeux de mon ennemie.
Mais je finis par fixer l’écran, sans rien écouter bien sûr, en pensant à l’ironie de la vie. Et à ma vengeance. Je décidai de me rendre tous les jours au ciné, dans mes tenues les plus légères. Tant pis pour le froid. Jusqu’à ce que je la repère, un vendredi soir qui ne lui donnerait pas particulierement l'envie de sortir, superposant pyjama rouge, bonnet noir, foulard blanc en laine et botte marrons de préférence. Merde. J’oubliai les gants roses.

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