dimanche, avril 12, 2009

Soucis de sis

Une de mes amies a 26 ans. Elle a épousé il y a deux ans un homme très réussi qui travaille dans la finance. Ils se sont rencontrés alors qu’elle était venue à Londres faire ses études. Américaine d’origine indienne, elle était insouciante, jeune, célibataire et s’attendait à tout sauf au mariage. Mais l’amour s’est imposé. Et elle a dit oui… sans réfléchir. Tout semblait parfait. Le cœur battait.
Ils se sont rencontrés dans un bar anglais. Rien de romantique, rien de spécial, pas même de la musique, bref, pas vraiment la scène idéale. Ca aurait fait bien dans l’histoire qu’ils se soient rencontrés dans le parc un jour ensoleillé, mais non, juste dans un bar désordonné, dans leur quartier, et puis le parc à Londres n’est presque jamais ensoleillé…
Depuis ils sont heureux. Pas encore d’enfants bien sûr mais ça viendra, dit-elle, quand elle sera prête. Je les vois heureux et épanouis, en fusion totale et en parfaite osmose. Je l’admire d’avoir pu faire un choix pareil à un si jeune âge alors que les femmes de nos jours sont tellement irresponsables, tellement volatiles ou tellement occupées par leurs carrières.
Mais hier soir, j’ai compris qu’il n’était pas question de certitude. Ni même d’évidence. Malheureusement. J’aurais tellement voulu que ma théorie sur l’AAAmour soit prouvée et je comptais sur elle pour en constituer l’exemple. Mais après quelques verres de vin blanc, dans ce même bar anglais où quelques années plus tôt ils se sont rencontrés, on a discuté, elle et moi, en privé. D’abord sur la vie, sur nos ambitions respectives, sur nos carrières très incertaines, sur nos passions cachées et sur nos amours… Elle m’a avoué qu’elle se demande si elle n’aurait pas préféré le rencontrer quelques années plus tard, pour qu’elle ait eu le temps de vivre sa jeunesse et de sortir avec d’autres, si elle n’aurait pas été plus heureuse aux Etats-Unis, chez elle, si elle l’aime vraiment ou s’il est question d’habitude, si elle aurait été mieux avec un autre, si elle avait bien fait d’aller boire un verre dans ce bar là, ce soir de mai, un soir où elle s’était jurée de profiter de la vie sans s’attacher…
« Ne me comprends pas mal, je suis heureuse » dit-elle. Et je dis « mais oui, bien sûr ». Quoi d’autre aurais-je pu dire ? Elle est mariée la fille, c’est trop tard pour qu’elle vérifie ses « sis ».
De toute façon, je la crois. Elle est heureuse, sinon elle ne resterait pas. Elle n’est pas du genre à rester quand ça ne va pas. Mais ce soir, entre ses copines célibataires, elle a des soucis de « sis ». Et je me demande, si je connais une fille heureuse. Les célibataires veulent se lier, et les casées envient la liberté des premières. Malgré un sourire artificiel, j’ai vu dans ses yeux noirs qu’elle cachait un peu – peut-être pas exprès je ne sais pas vraiment – avec son verre de vin, une envie folle d’escapade. Je lui dis que tout le monde voudrait être à sa place. J’ai été diplomate et puis c’est exactement ce qu’elle voulait entendre. Mais pour être tout à fait honnête je ne connais pas la réponse à ses sis. Et je ne sais même pas pourquoi j’y réfléchis, en pleine nuit. C’est peut-être parce que je me sens mal, de ne pas savoir lui répondre. Je ne sais pas grand-chose sur l’amour, ni sur la vie et rien du tout sur le mariage. C’est peut-être parce que j’aurais dû lui dire « oui » au lieu de la regarder avec les yeux tout bêtes et tout ronds quand elle m’a demandé « est-ce que tu me comprends ? ». J’ai voulu la convaincre qu’elle avait tout. Un peu par réflexe (je défends toujours l’amour), un peu par amitié (je veux vraiment qu’elle soit heureuse) et un peu (trop) par ignorance.
Et puis j’y réfléchis… des heures. Je ne sais pas pourquoi. Et j’arrive à une conclusion peut-être pas très convaincante mais de quoi pouvoir enfin dormir… Je conclus qu’il ne faut pas trop y réfléchir. A force d’imaginer mille scénarios, ce que nos vies seraient si un certain choix n’avait pas été fait, à quoi elles ressembleraient si un facteur y manquait ou si d’autres ingrédients étaient ajoutés, si on aurait été plus heureux si l’on avait choisi une route différente, ce qui se serait passé si on avait pas été allé, ce jour de mai, dans ce bar anglais, on n’en finirait pas… et puis on ne saura jamais.
De ses sis je passe aux miens. Et je lui en veux de m’avoir volé la nuit du samedi, la meilleure de toute la semaine. Puis je finis par me considérer heureuse. Enfin, la plupart du temps, sauf quand j’ai des soucis de sis. Et je me dis qu’en fin de compte (je m’excuse auprès des idéalistes, romantiques et pessimistes), le bonheur ne dépend que de nous. Soit on passe la vie à désirer autre chose que ce que l’on a… soit on se dit qu’après tout, le bonheur c’est ça…

2 commentaires:

Anonyme a dit…

Je ne sais pas si tu realises a quel point tes mots peuvent 'apaiser' parfois...j'adore te lire!

C'est presque meme mieux que d'aller voir ma psy! :)

CONTINUE, surtout n'arrete jamais! On a toutes/tous? besoin de tes ecrits...

Et finalement, je ne vais pas te dire 'tu iras tres loin', tu y es deja.

Shireen

Karen Ayat a dit…

Shireen, ton message me touche enormement. Sans meme te connaitre... Parceque pour moi, ecrire est une cure aussi... J'ecris, pour ne pas tout enfermer...
Merci d'avoir pris le temps de m'ecrire, ca me fait plaisir de savoir que je suis lue...
Je ne sens pas que je suis allee loin... Mon but c'est un peu apprecier le voyage :) Et surtout savoir que je ne le fais pas seule.

Mon email c ayat_karen@hotmail.com si tas jamais envie de discuter de tout et de rien :)

sincerement,

Karen.