samedi, juillet 18, 2009

Notre secret


A la télé, des photos sanglantes qui prétendent refléter l’image de mon pays. Dans les journaux, des histoires de bombes, d’attentats, de complots politiques, de crimes humanitaires, de guerres éternelles. Dans les maisons présidentielles, des personnes sérieuses et bien habillées qui, d’un regard plein de prétention et d’un ton qui se veut des plus sérieux proposent des solutions “pacifistes” destinées a installer la paix sur une terre agitée. Dans les conversations des citoyens des pays qu’on appelle développés, des rumeurs d’immeubles tout casses, de routes insalubres, d’enfants qui meurent, de vieux délaissés, d’un sous-développement alarmant, d’une corruption poussée a l’extrême, de réseaux terroristes, de censure culturelle, d’un fanatisme religieux…
Que de choses qui m’ont longtemps profondément blessée. Que de choses qui m’ont jusque la dévorée. Que de choses que, même si je validais tres partiellement et en cachette parfois, je refusais d’admettre et je niais de toutes mes forces, de toute ma voix, de toute mon âme… Et c’était parti pour un monologue qui durerait des heures racontant les montagnes libanaises, la mer scintillante, l’odeur du pain chaud, la beauté des filles, le confort de nos maisons, la valeur de la famille, les soirées d’aout, les plages, les dos-nus, les cerises qu’on retrouve nulle part ailleurs, le temps parfait et toujours prévisible, les routes mal faites mais pourtant si accessibles, le chaos beyrouthin plein de charme, la ville qui ne dort jamais, les manouches ( sorte de pizzas au thym) qu’on mange a 5h du matin après une soirée arrosée et beaucoup, beaucoup de fous rires… Oui, je me donnais a fond dans cette cause qui consistait a défendre l’image de mon pays et divulguer sa vraie histoire, son charme, son calme paradoxal, sa volupté…
Et puis un soir… parmi mes amis, avec un fond de musique a enchanter le cœur et l’esprit, avec le taux d’alcool nécessaire pour oublier les soucis inutiles, dans un décor a couper le souffle et une vue donnant sur les montagnes majestueuses, sur une lune curieusement orange qui choisit de s’y coucher et qui a bien raison, sur une mer tellement calme qu’on pourrait ne pas la reperer, sur des routes aussi encombrées qu’en pleine journée, sur une église qui côtoie une mosquée, sur des toits de ville qui font mine de ne rien remarquer, sur des gens tellement libres qu'ils donnent l'impression de voler, j’ai réalise notre secret, nous les libanais… Et que le monde se trompe et que le monde parle et que le monde critique et que le monde analyse et que le monde pleure et que le monde se moque… Nous vivons dans la plus belle ville du monde. Et nous ne voulons point la partager. Nous possédons notre propre paradis. Et nous ne voulons même pas le raconter. Voici notre secret. Un secret si bien... gardé.

1 commentaire:

Anonyme a dit…

Waw! Tres vrai et bien dit! Il faut que tu ecrive ds un journal ou magazine!