mercredi, mars 30, 2011

Une lettre

Une lettre jetée sur le parquet. Un parquet usé. Je la laisse par terre. Je la lirai plus tard. Peut-être. Si j’ai le temps.

Mais quelque chose m’attire. Et me pousse à la lire. On dirait qu’elle contient un message important.

En effet. Un message du propriétaire. Qui m’informe que je devrais ranger mes affaires. Et partir dans un mois. Ou deux. Est-il sérieux ?

Je regarde autour de moi. Perdue et choquée. Cet appartement que j’ai longtemps détesté.

Je regarde une tache de vin sur la moquette. Et une égratignure sur la peinture. Causée par un tableau que je n’ai pas su accrocher. Que vais-je faire et ou aller ?

Je regarde mes affaires dans des boites en fer. Je regarde les traces de vie, de soirées après minuit, les débris et les bougies. Je regarde les photos au dessus de mon lit. Je regarde ma vie.

Je sors sur ce balcon que j’ai souvent trouvé trop petit. Et devant moi, la vue que je trouvais jusqu'à aujourd’hui laide et sans vie, me semble tout à coup très jolie.

J’appréciai soudainement cet endroit qui n’a appartenu, durant les trois dernières années, qu’à moi. Et l’immeuble imposant juste en face m’envahit et me détruit.

Parce que je connais chacune de ses fenêtres. J’y connais chacun de ses êtres. Ceux qui y habitent étaient mes amis. Je connaissais leurs manies. Et souvent aussi… je leur disais bonne nuit.

Une belle vue aurait autrefois signifié la mer, les montagnes, un olivier. Parce que j’habitais des maisons agitées. Par mes frères, ma sœur, mes parents et mes voisins de pallier. Le bruit à l’intérieur me poussait à rechercher, dehors, la sérénité.

Mais ici à Londres, dans un studio sombre, alors que le silence dedans était omniprésent, c’est la vie dehors que je voulais. Et de la vie, du bruit, l’immeuble d’en face, moche, sale et gris, m’offrait.

Il y a une femme qui fume souvent en sortant la tête de sa fenêtre. Il ya un couple qui se dispute et que je comprends de ses mouvements et de ses gestes. Il ya un vieux qui lit un journal devant sa télé. Qui passé ses journées sur un canapé. Il ya aussi un beau gosse que je n’ai toujours pas eu l’occasion de rencontrer. Il ya la femme aux jolies plantes. Il ya l’enfant qui souvent la nuit chante. Il ya des étudiantes qui crient en pleine nuit. Et que fatiguée j’ai tellement de fois haï.

Mon cher bout de vie va me manquer. Ma porte grinçante et le vin sur le plancher. Mon lit trop dur et la mauvaise peinture. Mon petit miroir et le désordre dans mon armoire. Et surtout… les gens d’en face que j’ai aimés. Qui ont comblé mes insomnies et mes tristes journées. Sans qu’ils ne sachent qu’une petite libanaise, en face, existait.

Adieu, merci… bonne nuit.

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