mardi, août 08, 2006

Ceux qui partent


Il y a ceux qui partent pour partir. Ils s’en vont sans savoir ce qui les attend. Ils partent le pas déterminé, le regard sûr, l’esprit prêt à rencontrer, essayer, courir, tomber, pleurer, sourire… Ils partent là-bas s’épanouir. C’est cette destination lointaine et incertaine qu’ils recherchent.

Il y a ceux qui partent pour le voyage. Peu importe le terminus, c’est le chemin qui compte. Ils marcheraient si possible, pourvu qu’ils fassent des rencontres. Tout les intéresse mais rien en même temps, car aucun objet et aucune personne ne saurait les retenir longtemps. Ailleurs, il y a mieux, pensent-ils. Mais à force de rechercher ils ne trouvent rien vraiment. Car ils trouvent tout mais pour un trop court instant. Ils possèdent tout et rien à la fois. Car ils sont attirés par la prochaine station. Une station qui restera prochaine. Voici le profil type du voyageur, qui ressemble beaucoup à celui du dragueur. Quelque part d’autre, ailleurs, là-bas, au loin, à l’étranger, quelqu’un l’attend. On voudrait tant être ce paysage lointain. Mais c’est impossible. Alors on se contente de ses souvenirs, et de ses rêves surtout. Il décrit choses et saveurs une lumière aux yeux. Et il dit ensuite Adieu…

Il y a ceux qui ne partent qu’à moitié. Ils aiment le nouveau décor mais sont envahis par le passé. Ils pensent à leur chambre, à leur lit, à leur belle voisine inaccessible, ils pensent à la rue de la fac, au resto du coin, à l’odeur des crêpes qui se dégage de la cuisine pour envahir la chambre et les réveiller un sourire aux lèvres, ils pensent au bruit de la mer, à ses vagues douces et timides, ils pensent aux discussions tardives sur un balcon discret… Ils pensent à tout. Et ne sont jamais vraiment partis. Ils sont entre un là et un là-bas et vivent difficilement un beau voyage. Il faut les pousser, les regarder sévèrement, les obliger a bien vivre l’aventure. Mais ce sont de mauvais voyageurs.

Ci-dessus une description brève des voyageurs que j’ai connus. J’admire les premiers, j’évite les seconds et je plains les derniers. Qui suis-je vraiment ? Je l’ignore… Ici, le monde que j’aimais. Celui que j’aimerai à nouveau peut-être, une fois guéri. Ailleurs, le monde qui m’attire un peu, celui que j’ignore, qui me tente, me sourit, me séduit.
Partir pour la route ? Partir pour l’arrivée ? Ou partir pour rester ?
Est-ce que nous partons vraiment ? Je ne le pense pas… Car pour partir, il faut d’abord se déplacer, changer d’endroit et de mode de vie, changer d’amis et d’habitudes, d’idées et de visions peut-être. Il faut ensuite que le passé s’éloigne aussi. Mais quand on a un si beau passé, une si belle maison et tellement de souvenirs, ils décident de nous suivre et de partir eux aussi. Alors on part tous ensemble… Oui, là-bas. Pour rester un peu ici.
C’est pour cela qu’on a le regard de l’orient, les gestes de la méditerranée, le sourire libanais, la générosité arabe et l’accent qui chante. C’est pour cela que l’on marche lentement, en balançant les hanches, et en souriant bêtement… C’est au Liban que l’on pense.

Publie dans l'Orient Le Jour le samedi 13 janvier 2007

1 commentaire:

Anonyme a dit…

"Partir pour la route, partir pour l'arrivée, partir pour rester..."
ne peut on pas trouver des voyageurs qui font tous les trois a la fois...

quitter, en n'oubliant jamais leur passé... sans toutefois l'adorer ou le sacraliser ou meme s'y enfermer...

quitter, vers une destination desirée... l'objectif etant dans ses grandes ligne posé...

et quitter, asoiffé d'aventures, de dangers et de nouveautés... sinon a quoi bon quitter?

pour ce qui est de la metaphore du dragueur, tout comme le voyageur qui part pour le voyage, peut etre tout deux n'ont t'ils pas encore trouvé ce qu'il recherchaient ou ce qui pourraient les attacher et a leur quete mettre un terme... pourquoi donc les eviter? cette "lumiere aux yeux" , tu sais, est une une beauté d'une richesse inégalée... c'est un feu passionné... il faut s'y approcher en veillant toutefois a ne pas s'y consumer...