mardi, janvier 25, 2011

Cher Capitaine

C’est un article que j’ai lu sur le site de L’Orient Le Jour. Comme chaque matin, et avant toute autre chose aussi urgente soit-elle, je traverse en diagonale les actualités libanaises et lit avec profondeur et précision la page « Opinions ».
L’article que j’aimerais discuter, n’a pas manqué d’attirer mon attention.

Intitulé « Chrétienne de mon pays », je me suis vite sentie concernée. Etant chrétienne, et étant (malheureusement …) de son même pays.

Monsieur s’est senti appelé à conseiller les femmes. Comme s’il avait la moindre idée de ce que c’est qu’être une femme. Et a fortiori femme libanaise.

A la lecture de son article, bien maladroit permettez-moi, je ne pus m’empêcher de plonger dans une confusion nouvelle, celle de ne savoir si je ressens l’envie de rire ou de pleurer. Et normalement, mes réactions sont très spontanées.

J’ai directement voulu enregistrer un commentaire réactif, passionné, violent… mais j’ai appris récemment, que pour être écoutée il faut se controler. Alors j’ai choisi des mots gentils. Mais maintenant, sur mon site personnel, j’aimerais vous faire part, monsieur le « Capitaine », des impressions d’une femme libanaise. Et chrétienne.

Vous dites que la famille doit être gouvernée par une seule tête. Et cette idée n’est pas complètement bête. Même les dictatures ("éclairées" comme disait l'un de mes professeurs en Droit) ont prouvé bien fonctionner.

Vous dites que les femmes libanaises chrétiennes deviennent de plus en plus libérées (je n’ai pas tout à fait compris la nécessité de spécifier la religion… mais passons).

Vous dites qu’il faut qu’un seul capitaine soit au bord du bateau (l’homme) et que la femme jouerait alors le rôle de « copilote » (j’avoue avoir trouvé ce passage « mignon »).

Vous considérez que l’émancipation de la femme, son accès à un statut égal à l’homme, son ambition, sa réussite soient les causes de l’échec de certains mariages (au nombre « grandissant » comme vous dites bien que le terme « croissant » me semble plus élégant mon cher capitaine).

Aussi, vous accusez cette vague de libéralisation comme source première de la décadence des valeurs familiales et des conséquences négatives sur l’éducation des enfants.

Bref, je ne vais pas m'amuser à résumer votre article bien détaillé puisque ceux qui ne l’ont pas lu ont bien compris le message.

Permettez-moi, maintenant, de vous présenter mon avis sur le sujet.

Je suis jeune. Et je suis célibataire. Je ne peux prétendre savoir comme vous ce que c’est qu’une vie en couple et ce que requiert un mariage (êtes-vous marié ?) mais j’essayerai, du haut de mes 24 ans, de vous faire part de mon analyse.

Oser avancer que la femme doit être exclusivement mere et épouse et abandonner son statut de femme tout court et de femme à carrière en second, serait présumer les points suivants :

- Le succès de l’homme (pour que celle-ci s’offre le luxe de ne pas contribuer aux besoins financiers du ménage) étant donné que vous avez complètement oublié que les conditions de vie libanaises et l’économie rendent nécessaires, souvent, les efforts cumulés des deux parents. Et encore …
- Le manque d’ambition de la femme (pour que cette dernière se réjouisse de son oisiveté)
- La bêtise de l’homme (pour qu’il puisse s’entendre avec une femme s’abêtissant un peu plus tous les jours) avec toutes les conséquences qu’un couple bête ferait subir les enfants
- La vision archaïque de l’homme, son manque de confiance, etc

Je pourrais continuer la liste pendant des pages et des pages. Mais je me presse d’aboutir à ma conclusion qui vous prouvera nageant dans l’erreur.

Je pourrais vous parler de ma mère, femme à la carrière réussie, au mariage sans faille et aux quatre enfants ne souffrant ni de manque d’affection ni de complexes, mais vous ne la connaissez pas pour en avoir la garantie.

Je pourrais vous parler de ma directrice au bureau, femme splendide qui accroche les photos de son mari partout et qui revient à temps pour récupérer sa fille de la sortie d’école, pour cuisiner à sa petite et son mari et passer la soirée en famille. Cette femme qui aura quelque chose à raconter à son mari en rentrant, et qui ne se limitera pas aux histoires futiles et sans intérêt des voisins et des voisines. Cette femme qui constitue un exemple à suivre à sa fille de 8 ans. Qui lui inculque, sans le dire mais en le vivant, l’image d’un modèle de femme accomplie.

Je pourrais vous parler de la mère d’un ami. Une femme que j’admire et que je respecte. Une femme aux valeurs irréprochables et à la foi intouchable qui a éduqué deux enfants (aujourd’hui adultes) qui réussissent dans la vie. Qui ne manquent ni d’amour, ni d’attention, ni de support financier, ni de support moral, ni de support affectif. Ces enfants qui ont brillé dans leurs études et qui se font remarquer aussi dans la vie active. Je peux vous dire, monsieur le Capitaine, et je veux vous l’assurer, que leur mère n’a manqué à aucune obligation à l'égard de son foyer, et qu’elle est aujourd’hui à la tête d’un tribunal libanais.

Oui, ces femmes me font rêver.

Les enfants me font rêver aussi.

Et un mariage réussi.

Mais je ne puis me permettre de lire un article, écrit par un homme, et osant donner un conseil à la femme.

Que savez-vous d’elle ?

Il n’y a pas de recette pour réussir une famille réussie.

En fin de compte, la femme peut travailler ou pas, l’homme peut rester au foyer aussi, pourquoi pas ?

Une seule tête... je veux bien. Mais qu'elle soit au moins... Bien faite!

S'il vous plait, ne parlez pas de femme libanaises, chrétiennes, libérées. Parlez de femmes tout court.

Et mieux encore, ne parlez pas.

Excusez mon arrogance. Ca doit être mon âge. Mais Capitaine, vous qui semblez connaitre les eaux et vouloir les traverser seul, j’aimerais finir par un vers d’un poème de Marbeuf qui m’inspire :

"Et la mer et l’amour ont l’amer pour partage,
Celui qui craint les eaux, qu’il demeure au rivage."

Salut Marin.

NB: pour accéder à l'article, visitez www.lorientlejour.com, cliquez sur "Débats", puis "Opinions" et enfin sur "Chrétienne de mon pays".

12 commentaires:

Anonyme a dit…

une femme a besoin d'être aimé comme une femme et un homme a besoin d'être aimé comme un homme,
c'est le lien le plus fort qui peut unir une femme à un homme au-delà de la famille, les enfants, le mariage.
C'est la récompense de l'effort d'être une femme et être un homme.

Karen Ayat a dit…

Je suis d'accord.
Mais le sujet de son article c'est le role de la femme au sein de la famille.

Sinon, je suis tellement d'accord.
Je trouve meme que c'est un drame quand on regarde au dela de la femme la mere et quand on oublie que c'est une femme tout court...

Quand a l'homme... je ne sais pas comment l'aimer si ce nest comme un homme ?

Karen Ayat a dit…

À Philis


Et la mer et l’amour ont l’amer pour partage,
Et la mer est amère et l’amour est amer,
L’on s’abîme en amour aussi bien qu’en la mer,
Car la mer et l’amour ne sont point sans orage.
Celui qui craint les eaux, qu’il demeure au rivage,
Celui qui craint les maux qu’on souffre pour aimer,
Qu’il ne se laisse pas à l’amour enflammer,
Et tous deux ils seront sans hasard de naufrage.

Marbeuf

Anonyme a dit…

Une femme un homme – c’est le lien qui consolide l’union entre deux personnes. Si ce lien est rompu alors la famille n’existe plus. Et si elle continue d’exister c’est uniquement pour l’image sociale et pour éviter le partage des biens en commun.
Pour parler du rôle de la femme au sein de la famille – c’est dire que ce rôle a été déterminé par les hommes pour s’assurer un certain confort. Il n’existe pas de scénarios type pour attribuer un tel ou tel rôle dans la famille. La famille c’est un engagement, un sacrifice de la liberté individuelle au profit de la liberté à deux - plus difficile à réaliser et à réussir. Pour créer une famille il faut deux personnes. En conséquence, le concours des deux est nécessaire pour construire une famille, pour s’abandonner à l’autre, faire confiance, combattre l'absence, le manque, les frustrations, accepter les concessions et les regrets.
Dire que la femme a besoin d’un Capitane pour être guidée dans ce rôle. NON, certainement pas. Elle a besoin d’un homme avec qui elle fait des projets et avec qui elle peut les réaliser. Il s’agit de trouver une certaine harmonie. La femme a besoin d’un homme qui l’aime et l’admire pour ce qu’elle est et pour ce qu’elle représente. Peu importe ses défauts, ses origines, sa couleur ou sa culture. C’est l’amour inconditionnel. Dans cet amour elle doit se sentir porter vers le haut.
Aujourd’hui, la femme veut être belle, libre, intelligente. Pour réaliser ses ambitions et concilier carrière et vie familiale elle a besoin de PAIX. Les ordres et lignes de conduites n’ont pas de place dans une famille. La famille – représente un espace privé où l’harmonie repose sur le consentement et la volonté.
In fine, question famille – derrière un grand homme il y a une grande femme et derrière une grande femme il y a un grand homme.
Comment aimer l’homme ?
Le plus difficile c’est de chercher et trouver « l’homme » dans la personne qui se présente à toi. Dans le mot « homme » il y a un sens – un jeu de mot, une fois ce sens trouvé tu sauras qui tu dois aimer ou non, comment se protéger et dire NON. On peut toujours dire NON.
Les hommes sont si différent des femmes. Ils ont un autre mode de réflexion et de raisonnement. C’est biologique. Un proverbe africain dit que les femmes sentent les choses de l'intérieur, les hommes de l'extérieur. Il s’agit d’une référence au sexe.
La femme – se pose trop de questions. Parfois il faut juste vivre l’instant présent avec ce que la vie nous offre. Observer la nature et comprendre son cycle peut permettre de mieux cerner les hommes.
La vie est tellement précieuse qu’il faut juste aimer sans se torturer l’esprit. Vivre avec l’instant présent, se libérer de tout ce qui est matériel et faire grandir son âme.

Anonyme a dit…

PS : tu as un style d’écriture simple et accessible. Je t’encourage à écrire. Tu dois lire, lire et encore lire tout ce qui te tombe sous la main. Se cultiver, se nourrir de tout, de toutes et de tous pour développer son sens d’observation et d’analyse. Ceci te permettra d’atteindre la maturité dont tu as besoin pour devenir un grand écrivain ou encore tout simplement UNE GRANDE FEMME qui fera évoluer le monde ou encore… l’homme ou les hommes. Laisse-toi grandir afin d’accepter les départs et les ruptures. Toujours aller de l’avant, plus loin, plus haut, d’étape en étape, du simple au plus complexe. Tu trouveras alors des réponses à tes questions, tu pourras te libérer et découvrir le chemin vers la passion, l’amour et l’harmonie.
En soi, la vie n’est qu’une prison, rupture et tristesse. A toi de rompre ces liens et t’accorder le plaisir d’être heureuse et développer davantage tes capacités.
Chacun est capable de changer le cours des choses dans sa vie. Le milieu social, les amis, les rencontres contribuent aussi. Mais chacun est une personne à part et, elle ne doit jamais oublier qu’elle est unique dans ce monde. A ce titre elle dispose d'un patrimoine génétique dont elle doit veiller à son enrichissement.
La famille constitue le socle dont on a besoin pour grandir et pour connaître l'amour qui dure à jamais dans le temps. Le reste c’est une question de développement, d’évolution, d’intelligence et de maturité, de plaisir et de souffrance, d’amour et de déception, de sacrifice et de conquête.

Au plaisir de te lire,

Karen Ayat a dit…

Le commentaire ci-dessus est trop sérieux pour quelquun qui vit le moment present.

Aussi, cette analyse reflechie et philosophique etant ecrite par un homme, je trouve la constatation de lexces de reflexion chez la femme presque ironique.

Merci pour le comment

Anonyme a dit…

on peut être une femme et avoir une analyse objective et sans à priori. Tout est question d'accepter ou non une certaine réalité. La référence au sexe de la femme signifie que les femmes vivent les choses au plus profonde de leur âme. Seule une femme peut intérioriser autant les choses.
Les pistes de réflexion sont ouvertes.

Karen Ayat a dit…

Merci beaucoup pour les commentaires.
J'apprécie énormement cet echange.

C'est sans doute lune des routes de lenrichissement.

Je lis, je relis et je lis encore.

Merci

barbara a dit…

Salut Karen. Bien moins expansif que les commentaires que je lis sur votre blog (que je viens de decouvrir): merci pour votre article dans L'Orient de ce matin. Il m'a fait sourire: je me suis imaginee ce Richard El-Cham a le lire et a bouillonner! Comme on dit en Arabe "fachaytile khel2é"! Bravo aussi pour avoir eu la maturite necessaire pour prendre le temps de respirer profondement avant de repondre a ce pauvre mec (parce que c'est un pauvre mec), specimen qui existe malheureusement par milliers dans la societe libanaise.

Unknown a dit…

Bonjour,

Je viens de lire votre article sur l'Orient le Jour! Je peux tout simplement dire c'est magnifique et encore magnifique n'est qu'un mot reducteur de ce que vous avez pu exprime grace a votre ecriture! Felicitations! Vous avez parle de nous tous!

Karen Ayat a dit…

Chères Barbara et Rita,

C'est moi qui vous remercie de m'avoir lue, et encore plus d'avoir pris le temps de me le faire savoir.

Je me sens parfois loin du Liban et ca me fait mal.

Je n'avais pas realise combien j'aime, j'admire la femme libanaise, qui est une femme forte et noble et respectable et je refuse que l'on prenne quelques exceptions ici et la et qu'on en fasse la regle.

Parce que la femme libanaise a vecu la guerre, a souvent soutenu son mari dans des situations difficiles de danger, de pauvrete, d'incertitude.

Merci, vraiment. Vos mots me font chaud au coeur. Je suis tres heureuse d'avoir su communiquer mes pensees et de les savoir bien recues.

Alors merci encore.

Karen

Anonyme a dit…

tres interessant, merci